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Discours en vers sur l'homme   Liste des additions et corrections
Discours en vers sur l’homme Œuvres complètes de Voltaire, Oxford, Voltaire Foundation, t. 17, 1991, p. 389-535
Fiche établie par André Magnan Version 1, 5 mars 2010
2. Manuscrits Trois manuscrits importants n’ont pas été employés, qui tiennent à la fabrique même de l’œuvre, deux venus des papiers Decroix, le troisième plus directement des papiers Voltaire de Saint-Pétersbourg. En voici la description: 1) Copie du cinquième discours «Sur la nature du plaisir» BnF, N. a. fr. 2778, f. 190 et 193-195 – la foliotation n’est pas conforme à l’ordre du texte, qui est le suivant: f. 190r, 190v, 194v, 194r, 193r, 193v, 195r, 195v. Le premier feuillet manque: le texte commence au vers «Éprouvant de la faim l’infaillible retour» (f. 190r), qui est le v. 4 de la variante 21-32 du texte des OC (p. 505); il manque aussi, entre les f. 193v et 195r, un passage correspondant aux v. 81-92 du texte des OC (p. 509-510). La main est celle d’un copiste de Voltaire dont l’activité est documentée sur la période 1736-1739 – assez probablement le valet de chambre, copiste à ses heures, dont une lettre de Mme de Graffigny a immortalisé le zèle à réparer ou compléter les rimes de son maître (D1686). Exécution hâtive: l’écriture est inégale, la tenue de ligne incertaine, les ratures nombreuses, un blanc a été comblé après coup, un vers sauté. Des corrections ont été effectuées, purement matérielles, en deux temps, par le copiste, puis d’une autre main inconnue (f. 194v, 194r, 193v). Aucune trace de l’écriture de Voltaire: c’est comme si cette copie avait été annulée ou égarée – à moins qu’il ne l’ait destinée, selon son usage, à la consultation d’un familier? On sait par exemple qu’il a communiqué ce discours à Thieriot et à d’Argental dès l’automne 1738. À quelques variantes et corrections près, le texte correspond à celui d’un manuscrit déjà répertorié, le document MS4 de la liste établie, antérieur à la première édition publiée à l’automne 1739. La copie porte trois interventions remarquables de la main des secondes corrections. L’écriture est vive, très fine, d’une parfaite lisibilité, élégante, raffinée. Devant leur évocation, le lecteur inconnu a décliné à la marge, en vedette, les noms divers du «Plaisir» chanté par le poète: «le manger», «le sommeil», «le réveil» et «l’amour», puis «l’espérance», «l’amour-propre», «les désirs» et «les passions». Plus loin, à l’endroit de la lacune, il a noté en interligne: «( Il manque icy un vers)» – sans suppléer ce vers, d’où l’on peut inférer que le texte était inédit, ou peu répandu, qu’il le découvrait peut-être là dans sa première nouveauté. Enfin, devant l’apostrophe «Grand prince, esprit sublime...» qui couronne le poème, il a mis dans la marge: «Cette pièce paroist dediée au Prince Royal de Prusse qui aime les belles lettres autant que le Roy de Prusse aime les trouppes et qui a souhaitté d’être en commerce de lettres avec voltaire». Écrit-on pour soi ce genre de commentaires? On peut supposer que ces notes préparaient une autre lecture, en la facilitant: la main reconnue, l’idée d’un relais virtuel se confirmerait-elle? On peut avancer au moins une hypothèse partielle et provisoire: ne s’agirait-il pas d’une copie interceptée? Qu’est donc devenue par exemple la copie envoyée de Cirey à Thieriot en octobre 1738 (voir les mentions de D1638, D1679 et D1688), dont «la perte» incompréhensible, constatée en décembre, donnait à l’auteur «de vives inquiétudes» (D1717)? On imagine aisément, après une saisie de police, la bonne fortune de quelque éminence de bureau ou de cabinet découvrant ce bel éloge du Plaisir, s’en régalant, puis transmettant à Monseigneur... Quelque quarante ou cinquante ans plus tard, on ne sait quand ni comment, le document parvint à Decroix. Sous le constat de lacune, il a écrit lestement: «Le voici» – puis recopié le vers qui disait les trois manques de la vie cloîtrée (v. 68): L’hymen, le nom de père, et la société. 2) Copie de travail du sixième discours «De la nature de l’homme» BnF, N.a.fr. 2778, f. 189, 191 et 192. Le document porte une pagination originale [3-8] indiquant la perte d’un feuillet complet pour le titre et le début du texte: le f. 189 commence au vers 39 des OC ; la fin manque aussi: le f. 192 se termine au vers 188 des OC. La main est la même que dans la copie précédente. L’apparence générale est celle d’une mise au net: justification soignée, espacement régulier, rubriques calligraphiées, notes disposées à la marge. Plusieurs interventions de relecture paraissent être de la main de Voltaire (v. 55, 59, 74, 157 et 186). Le texte est assez proche de la première version imprimée, mais le travail allait se poursuivre: on relève une dizaine de leçons inédites, qui seront abandonnées, et une version inconnue de six vers sous un passage réécrit en interligne. Voici l’essentiel des nouveaux apports de ce manuscrit: – v. 74: Les vents sont mes coursiers, les astres mes flambeaux – v. 101-104: Un vieux lettré chinois au tapabor pointu[,] – v. 118: Au sein du vide immense où nage l’univers – v. 132-134: Ce petit amas d’eau[,] de fange et de poussière – v. 156: Mais pour nous, subissons un destin tout contraire[.] – v. 157 et suivants: L’oisiveté chez nous est un fort mauvais lot[.] Quant aux interventions autographes, la plus évidente corrige une bévue rare qui le dispute en drôlerie aux cas rapportés par Mme de Graffigny dans sa lettre à Devaux du 12 décembre 1738. On sait que le valet de chambre qui servait alors de copiste à Voltaire avait eu l’idée un jour, pour sauver la rime, de donner à un noble vieillard «des cheveux bleus». Il a donné cette fois, s’il s’agit bien de lui, des yeux à un abîme (v. 186): Et des bords de la sphère où s’emporta Milton, Le poète a rétabli la bonne leçon, plus sagement prosaïque: «Et de ceux de l’abîme...». 3) Mise au net holographe des seize derniers vers du cinquième Discours (vers 103-118) dans la seconde et dernière version publiée (Œ56G) Ce manuscrit se trouve conservé à la BnR de Saint-Pétersbourg dans les papiers Voltaire, t. XIII, f. 221. Caussy, p. 64 en avait donné un premier signalement qui malheureusement ne référait pas aux Discours. Le document se présente comme un bandeau de papier portant au recto, sans titre ni autre indication, le nouveau morceau de fin que Cramer devait imprimer: voila mes passions [...] il touche encor la lire. Au verso, quatre cachets de cire rouge, collés aux coins, ont servi à fixer ce bandeau sur un support imprimé: quelques caractères sont lisibles sur trois des cachets, en empreinte inverse de la page dont ils ont été détachés. L’écriture est soignée, régulière et sans rature. Un élément du texte, d’une écriture plus serrée, semble avoir été rajouté dans un espace laissé en blanc, entre le milieu du vers 1 et le début du vers 5, de mon ame en tous les temps [...] jusqu’à deux fripons. Une accolade de fin est tracée au milieu de la ligne sous le dernier vers. La lecture de l’empreinte des cachets fournit les repères suivants: – au coin supérieur droit, on lit sur trois lignes: «Vous», «Est d’écl» et «Grand Pr» – au coin supérieur gauche, on distingue une hampe et un «u», puis une espace, puis les trois lettres «cie», et au-dessous les lettres «el» – au coin inférieur gauche, en capitales d’un corps plus élevé, on lit: «IE». Ce déchiffrement renvoie à l’ancienne version du même passage dans le texte de 1738-1739, celui qui se lit sur le premier des trois documents décrits ici, et dont une note du lecteur inconnu soulignait l’intérêt: Voilà mes passions. Vous, qui les approuvez, Le cachet du bas a dû recevoir l’empreinte d’une réclame annonçant le [SIXIEME discours] de la page suivante. En confrontant les éditions antérieures à 1756 sur la base des indices de texte et de typographie, on ne trouve qu’une édition répondant aux caractéristiques observées, celle de Walther faite à Dresde en neuf volumes et portant la date 1752 (Œ52D): la page 36 d’un exemplaire du tome troisième de cette collection a servi de support à cette variante, le dernier cachet, appliqué en bas à gauche de la réclame, étant naturellement resté sans empreinte. L’exemplaire de référence est celui de la BnF coté Z. Beuchot 14 (3); la réclame se lit «SIXIE». Les lettres à Mme Denis du printemps 1754 évoquent les opérations de révision qu’atteste ce béquet. Deux ans avant l’impression des remaniements qui en découlèrent, Voltaire travaillait alors sur ses «œuvres mêlées», dont faisaient partie les Discours sur l’homme: voir D5755 et D5766. Sa lettre du 11 avril 1754 traite précisément de la variante ici en cause: «Si la fin du cinquième discours ne vous plaît pas, on en pourrait facilement retrancher huit vers, mais je peux vous assurer que ces huit vers ne déplairont à personne au monde» (D5766) – cette indication de «huit vers», au lieu des seize du bandeau, peut suggérer une version perdue. D’autre part, Mme Denis ayant été associée au processus de révision, plusieurs de ces lettres décrivent, entre Colmar et Paris, des manipulations concrètes analogues: Voltaire lui envoie un jour «un feuillet qu’il sera aisé de coller» pour réparer une «bévue» (D5744, 24 mars), et un autre jour «de petits papiers pour coller avec des pains à cacheter» (D5779, 16 avril), avant de lui annoncer enfin, avant leurs retrouvailles à Plombières: «Nous collerons tous les petits papiers que vous voudrez» (D5795, 30 avril). L’édition Walther de 1752, la dernière, et exécutée sur ses instructions, était la plus propre à ce travail. Le MS2 de la liste dressée par l’éditeur (p. 427) est conservé dans le même volume des papiers Voltaire, deux pages plus loin. Il présente les mêmes caractéristiques matérielles de cachetage et d’empreinte et appartient également à la campagne de révision de 1754-1756.
© 2010 André Magnan et le Centre international d’étude du XVIIIe siècle
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