ISSN 2271-1813 ... |
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Voltaire, Le Siècle de Louis XIV, l'édition de 1751
[p. 428] ARTISTES CELEBRES. Musiciens. La musique française, du moins la vocale, n'est du goût d'aucune autre nation. elle ne peut l'être, parce que la prosodie française est différente de toutes celles de l'europe. nous appuions toûjours sur la derniére syllabe; & toutes les autres nations pésent sur la pénultiéme, ou sur l'antépénultiéme, ainsi que les italiens. notre langue est la seule qui ait des mots terminés par des e muets, & ces e qui ne sont pas prononcés dans la déclamation ordinaire, le sont dans la déclamation notée, & le sont d'une maniére uniforme, gloi-reu, victoi-reu, barbari-eu, furi-eu... voilà ce qui rend la pluspart de nos airs & notre récitatif insupportable [p. 429] à quiconque n'y est pas accoutumé. le climat refuse encor aux voix la legéreté que donne celui d'italie. nous n'avons point l'habitude qu'on a chez le pape & dans les autres cours italiennes, de priver les hommes de leur virilité pour leur donnèr une voix plus belle que celle des femmes. tout cela joint à la lenteur de notre chant, qui fait un étrange contraste avec la vivacité de notre nation, rendra toûjours la musique française propre pour les seuls français. Malgré toutes ces raisons, les étrangers, qui ont été longtems en france, conviennent que nos musiciens ont fait des chéfs-d'œuvre en ajustant leurs airs à nos paroles, & que cette déclamation notée est souvent une expression admirable; mais elle ne l'est que pour des oreilles très accoutumées, & il faut une éxécution parfaite. La musique instrumentale s'est ressentie un peu de la monotonie & de la lenteur qu'on reproche à la vocale; mais plusieurs de nos symphonies, & surtout nos airs de danse ont trouvé plus d'applaudissement chez les autres nations. on les éxécute dans beaucoup d'opéra italiens; il n'y en a presque jamais d'autres chez un roi qui a un des meilleurs opéra de l'europe, & qui dans la foule de [p. 430] ses autres talens singuliers a daigné encor cultivèr avec un très grand soin celui de la musique. Jean baptiste LULLI né à florence en 1633. amené en france à l'âge de 14 ans, & ne sachant encor que jouer du violon, fut le pére de la vraie musique en france. il sut accommoder son art au génie de la langue; c'était l'unique moien de réussir. il est à remarquer qu'alors la musique italienne ne s'éloignait pas de la gravité & de la noble simplicité que nous admirons dans les récitatifs de lulli. Après lui tous les musiciens, comme COLASSE, CAMPRA, DESTOUCHES & les autres, ont été ses imitateurs, jusqu'à ce qu'enfin il est venu un homme, qui s'est élevé au dessus d'eux par la profondeur de son harmonie, & qui a fait de la musique un art nouveau. A l'égard des musiciens de chapelle, quoiqu'il y en ait plusieurs célébres en france, leurs ouvrages n'ont point encor été éxécutés ailleurs. Des peintres, sculpteurs, architectes, graveurs, &c. Il n'en est pas de la PEINTURE comme [p. 431] de la musique. une nation peut avoir un chant qui ne plaise qu'à elle, parce que le génie de sa langue n'en admettra pas d'autres; mais les peintres doivent représenter la nature qui est la même dans tous les païs, & qui est vuë avec les mêmes yeux. Il faut pour qu'un peintre ait une juste réputation, que ses ouvrages aient un prix chez les étrangers. ce n'est pas assez d'avoir un petit parti, & d'être loué dans de petits livres, il faut être acheté. Ce qui resserre quelquefois les talens des peintres, est ce qui semblerait devoir les étendre. c'est le goût académique, c'est la maniére qu'ils prennent d'après ceux qui président. les académies sont sans doute très utiles pour former des éléves, surtout quand les directeurs travaillent dans le grand goût; mais si le chéf a le goût petit, si sa maniére est aride & léchée, si ses figures grimacent, si ses tableaux sont peints comme les éventails; les éléves subjugués par l'imitation, ou par l'envie de plaire à un mauvais maître, perdent entiérement l'idée de la belle nature. il y a une fatalité sur les académies. aucun ouvrage, qu'on appelle académique, n'a été encor en aucun genre un ouvrage de [p. 432] génie. donnez moi un artiste tout occupé de la crainte de ne pas saisir la maniére de ses confréres, ses productions seront compassées & contraintes. donnez moi un homme d'un esprit libre, plein de la nature qu'il copie, il réussira. presque tous les artistes sublimes, ou ont fleuri avant les établissemens des académies, ou ont travaillé dans un goût différent de celui qui régnait dans ces sociétés. Corneille, racine, despréaux, le moine, non seulement prirent une route différente de leurs confréres, mais ils les avaient presque tous pour ennemis. Nicolas POUSSIN, né aux andelis en normandie en 1599, fut l'éléve de son génie; il se perfectionna à rome. on l'appelle le peintre des gens d'esprit; on pourrait aussi l'appeler celui des gens de goût. il n'a d'autre défaut que celui d'avoir outré le sombre du coloris de l'école romaine. il était dans son tems le plus grand peintre de l'europe. rappelé de rome à paris, il y céda à l'envie & aux cabales; il se retira. c'est ce qui est arrivé à plus d'un artiste. le poussin retourna à rome, où il vécut pauvre mais content. sa philosophie le mit au dessus de la fortune. m. en 1665. Eustache LE SUEUR, né à paris en 1617. n'aiant eu que vouet pour maître, [p. 433] devint cependant un peintre excellent. il avait porté l'art de la peinture au plus haut point, lorsqu'il mourut à l'âge de 38 ans en 1655. BOURDON & LE VALENTIN ont été célébres. trois des meilleurs tableaux qui ornent l'église de saint-pierre de rome, sont du poussin, du bourdon & du valentin. Charles LE BRUN né à paris en 1619. à peine eût-il dévelopé son talent, que le surintendant fouquet, l'un des plus généreux & des plus malheureux hommes qui aient jamais été, lui donna une pension de vingt-quatre-mille livres de notre monnoie d'aujourd'hui. il est à remarquer que son tableau de la famille de darius, qui est à versaïlles, n'est point effacé par le coloris du tableau de paul véronese qu'on voit vis-à-vis, & le surpasse beaucoup par le dessein, la composition, la dignité, l'expression & la fidélité du costume. les estampes de ses tableaux des batailles d'aléxandre sont encor plus recherchées que les batailles de constantin par raphaël & par jules romain. m. en 1690. Pierre MIGNARD, né à troies en champagne en 1610, fut le rival de le brun pendant quelquetems; mais il ne l'est pas aux yeux de la postérité. m. en 1695. [p. 434] Joseph PAROSSEL, né en 1648. bon peintre & surpassé par son fils. m. en 1704. Jean JOUVENET, né à rouen en 1644. éléve de le brun, inférieur à son maître quoique bon peintre. il a peint presque tous les objets d'une couleur jaune. il les voiait de cette couleur par une singuliére conformation d'organes. m. en 1717. Jean baptiste SANTERRE. il y a de lui des tableaux de chevalet admirables, d'un coloris vrai & tendre. son tableau d'adam & d'éve est un des plus beaux qu'il y ait en europe. LA FOSSE s'est distingué par un mérite à-peu-près semblable. Bon BOULOGNE, excellent peintre; la preuve en est que ses tableaux sont vendus fort chèr. Louis BOULOGNE. ses tableaux qui ne sont pas sans mérite sont moins recherchés que ceux de son frére. RAOUS, peintre inégal; mais quand il a réussi, il a égalé le rimbrand. RIGAUT: quoiqu'il n'ait guères de réputation que dans le portrait, le grand tableau où il a représenté le cardinal de bouïllon ouvrant l'année sainte, est un chéf-d'œuvre égal aux plus beaux ouvrages de rubens. [p. 435] DE TROIE a travaillé dans le goût de rigaut. VATEAU a été dans le gracieux à-peu-près ce que téniéres a été dans le grotesque. il a fait des disciples dont les tableaux sont recherchés. LE MOINE a peut-être surpassé tous ces peintres par la composition du salon d'hercule à versaïlles. cette apothéose d'hercule était une flatterie pour le cardinal hercule de fleuri, qui n'avait rien de commun avec l'hercule de la fable. il eût mieux valu dans le salon d'un roi de france représenter l'apothéose de henri quatre. le moine envié de ses confréres, & se croiant mal récompensé du cardinal, setua [sic] de désespoir. Quelques autres ont excellé à peindre des animaux, comme DESPORTES & OUDRY; d'autres ont réussi dans la mignature; plusieurs dans le portrait. quelques peintres se distinguent aujourd'hui dans de plus grands genres; & il est à croire que cet art ne périra pas. La SCULPTURE a été poussée à sa perfection sous louis XIV, & se soûtient dans sa force sous louis XV. Jacques SARRASIN, né en 1598, fit des chéfs-d'œuvre à rome pour le pape clément VIII. il travaïlla à paris avec le même succès. m. en 1660. [p. 436] Pierre PUGET, né en 1662. architecte, sculpteur & peintre: célébre principalement par l'androméde & par le milon crotoniate. m. en 1695. LE GROS & THEODON ont embelli l'italie de leurs ouvrages. François GIRARDON, né en 1627, a égalé tout ce que l'antiquité a de plus beau, par les bains d'apollon & par le tombeau du cardinal de richelieu. m. en 1715. Les COISEVAUX & les COUSTOUX se sont très distingués, & sont encor surpassés aujourd'hui par quatre ou cinq de nos sculpteurs. CHAVEAU, NANTEUÏL, MELAN, AUDRAN, HEDELING, LE CLERC, les DREVET, POILLY, PICART, DUCHANGE & d'autres ont réussi dans les tailles douces, & leurs estampes ornent dans l'europe les cabinets de ceux qui ne peuvent avoir de tableaux. De simples orfévres, tels que BALIN & GERMAIN, ont mérité d'être mis au rang des plus célébres artistes par la beauté de leur dessein, & par l'élégance de leur éxécution. Il n'est pas aussi facile à un génie né avec le grand goût de l'ARCHITECTURE de faire valoir ses talens, qu'à tout autre artiste. il ne peut élever de grands [p. 437] monumens que quand des princes les ordonnent. plus d'un bon architecte a eu des talens inutiles. François MANSARD a été un des meilleurs architectes de l'europe. le château ou plustôt le palais de maisons auprès de saint-germain est un chéf-d'œuvre, parce qu'il eut la liberté entiére de se livrèr à son génie. Jules hardouin MANSARD son neveu fit une fortune immense sous louis XIV, & fut surintendant des bâtimens. On connait assez les ouvrages élevés sur les desseins de PERRAULT, de LEVAU, & de DORBAY. L'art des jardins a été créé & perfectionné par LE NOTRE pour l'agréable, & par LA QUINTINIE pour l'utile. La GRAVÛRE en pierres précieuses, les coins des médailles, les fontes des caractéres pour l'imprimerie, tout cela s'est ressenti des progrès rapides des autres arts. Les horlogers qu'on peut regarder comme des physiciens de pratique, ont fait admirer leur esprit dans leur travail. On a nüancé les étoffes, & même l'or qui les embellit, avec une intelligence & un goût si rare, que telle étoffe, qui n'a été portée que par luxe, méritait d'être conservée comme un monument d'industrie. [p. 438] On a commencé à faire de la porcelaine à saint-cloud, avant que l'on en fit dans le reste de l'europe. Enfin le siécle passé a mis celui où nous sommes en état de rassemblèr en un corps, & de transmettre à la postérité le dépôt de toutes les sciences & de tous les arts, tous poussés aussi loin que l'industrie humaine a pu aller; & c'est à quoi travaille aujourd'hui une société de savans, remplis d'esprit & de lumiéres. cet ouvrage immense & immortel semble accuser la briéveté de la vie des hommes. [p. 428] ARTISTES CELEBRES. Musiciens. La musique française, du moins la vocale, n'est du goût d'aucune autre nation. elle ne peut l'être, parce que la prosodie française est différente de toutes celles de l'europe. nous appuions toûjours sur la derniére syllabe; & toutes les autres nations pésent sur la pénultiéme, ou sur l'antépénultiéme, ainsi que les italiens. notre langue est la seule qui ait des mots terminés par des e muets, & ces e qui ne sont pas prononcés dans la déclamation ordinaire, le sont dans la déclamation notée, & le sont d'une maniére uniforme, gloi-reu, victoi-reu, barbari-eu, furi-eu... voilà ce qui rend la pluspart de nos airs & notre récitatif insupportable [p. 429] à quiconque n'y est pas accoutumé. le climat refuse encor aux voix la legéreté que donne celui d'italie. nous n'avons point l'habitude qu'on a chez le pape & dans les autres cours italiennes, de priver les hommes de leur virilité pour leur donnèr une voix plus belle que celle des femmes. tout cela joint à la lenteur de notre chant, qui fait un étrange contraste avec la vivacité de notre nation, rendra toûjours la musique française propre pour les seuls français. Malgré toutes ces raisons, les étrangers, qui ont été longtems en france, conviennent que nos musiciens ont fait des chéfs-d'œuvre en ajustant leurs airs à nos paroles, & que cette déclamation notée est souvent une expression admirable; mais elle ne l'est que pour des oreilles très accoutumées, & il faut une éxécution parfaite. La musique instrumentale s'est ressentie un peu de la monotonie & de la lenteur qu'on reproche à la vocale; mais plusieurs de nos symphonies, & surtout nos airs de danse ont trouvé plus d'applaudissement chez les autres nations. on les éxécute dans beaucoup d'opéra italiens; il n'y en a presque jamais d'autres chez un roi qui a un des meilleurs opéra de l'europe, & qui dans la foule de [p. 430] ses autres talens singuliers a daigné encor cultivèr avec un très grand soin celui de la musique. Jean baptiste LULLI né à florence en 1633. amené en france à l'âge de 14 ans, & ne sachant encor que jouer du violon, fut le pére de la vraie musique en france. il sut accommoder son art au génie de la langue; c'était l'unique moien de réussir. il est à remarquer qu'alors la musique italienne ne s'éloignait pas de la gravité & de la noble simplicité que nous admirons dans les récitatifs de lulli. Après lui tous les musiciens, comme COLASSE, CAMPRA, DESTOUCHES & les autres, ont été ses imitateurs, jusqu'à ce qu'enfin il est venu un homme, qui s'est élevé au dessus d'eux par la profondeur de son harmonie, & qui a fait de la musique un art nouveau. A l'égard des musiciens de chapelle, quoiqu'il y en ait plusieurs célébres en france, leurs ouvrages n'ont point encor été éxécutés ailleurs. Des peintres, sculpteurs, architectes, graveurs, &c. Il n'en est pas de la PEINTURE comme [p. 431] de la musique. une nation peut avoir un chant qui ne plaise qu'à elle, parce que le génie de sa langue n'en admettra pas d'autres; mais les peintres doivent représenter la nature qui est la même dans tous les païs, & qui est vuë avec les mêmes yeux. Il faut pour qu'un peintre ait une juste réputation, que ses ouvrages aient un prix chez les étrangers. ce n'est pas assez d'avoir un petit parti, & d'être loué dans de petits livres, il faut être acheté. Ce qui resserre quelquefois les talens des peintres, est ce qui semblerait devoir les étendre. c'est le goût académique, c'est la maniére qu'ils prennent d'après ceux qui président. les académies sont sans doute très utiles pour former des éléves, surtout quand les directeurs travaillent dans le grand goût; mais si le chéf a le goût petit, si sa maniére est aride & léchée, si ses figures grimacent, si ses tableaux sont peints comme les éventails; les éléves subjugués par l'imitation, ou par l'envie de plaire à un mauvais maître, perdent entiérement l'idée de la belle nature. il y a une fatalité sur les académies. aucun ouvrage, qu'on appelle académique, n'a été encor en aucun genre un ouvrage de [p. 432] génie. donnez moi un artiste tout occupé de la crainte de ne pas saisir la maniére de ses confréres, ses productions seront compassées & contraintes. donnez moi un homme d'un esprit libre, plein de la nature qu'il copie, il réussira. presque tous les artistes sublimes, ou ont fleuri avant les établissemens des académies, ou ont travaillé dans un goût différent de celui qui régnait dans ces sociétés. Corneille, racine, despréaux, le moine, non seulement prirent une route différente de leurs confréres, mais ils les avaient presque tous pour ennemis. Nicolas POUSSIN, né aux andelis en normandie en 1599, fut l'éléve de son génie; il se perfectionna à rome. on l'appelle le peintre des gens d'esprit; on pourrait aussi l'appeler celui des gens de goût. il n'a d'autre défaut que celui d'avoir outré le sombre du coloris de l'école romaine. il était dans son tems le plus grand peintre de l'europe. rappelé de rome à paris, il y céda à l'envie & aux cabales; il se retira. c'est ce qui est arrivé à plus d'un artiste. le poussin retourna à rome, où il vécut pauvre mais content. sa philosophie le mit au dessus de la fortune. m. en 1665. Eustache LE SUEUR, né à paris en 1617. n'aiant eu que vouet pour maître, [p. 433] devint cependant un peintre excellent. il avait porté l'art de la peinture au plus haut point, lorsqu'il mourut à l'âge de 38 ans en 1655. BOURDON & LE VALENTIN ont été célébres. trois des meilleurs tableaux qui ornent l'église de saint-pierre de rome, sont du poussin, du bourdon & du valentin. Charles LE BRUN né à paris en 1619. à peine eût-il dévelopé son talent, que le surintendant fouquet, l'un des plus généreux & des plus malheureux hommes qui aient jamais été, lui donna une pension de vingt-quatre-mille livres de notre monnoie d'aujourd'hui. il est à remarquer que son tableau de la famille de darius, qui est à versaïlles, n'est point effacé par le coloris du tableau de paul véronese qu'on voit vis-à-vis, & le surpasse beaucoup par le dessein, la composition, la dignité, l'expression & la fidélité du costume. les estampes de ses tableaux des batailles d'aléxandre sont encor plus recherchées que les batailles de constantin par raphaël & par jules romain. m. en 1690. Pierre MIGNARD, né à troies en champagne en 1610, fut le rival de le brun pendant quelquetems; mais il ne l'est pas aux yeux de la postérité. m. en 1695. [p. 434] Joseph PAROSSEL, né en 1648. bon peintre & surpassé par son fils. m. en 1704. Jean JOUVENET, né à rouen en 1644. éléve de le brun, inférieur à son maître quoique bon peintre. il a peint presque tous les objets d'une couleur jaune. il les voiait de cette couleur par une singuliére conformation d'organes. m. en 1717. Jean baptiste SANTERRE. il y a de lui des tableaux de chevalet admirables, d'un coloris vrai & tendre. son tableau d'adam & d'éve est un des plus beaux qu'il y ait en europe. LA FOSSE s'est distingué par un mérite à-peu-près semblable. Bon BOULOGNE, excellent peintre; la preuve en est que ses tableaux sont vendus fort chèr. Louis BOULOGNE. ses tableaux qui ne sont pas sans mérite sont moins recherchés que ceux de son frére. RAOUS, peintre inégal; mais quand il a réussi, il a égalé le rimbrand. RIGAUT: quoiqu'il n'ait guères de réputation que dans le portrait, le grand tableau où il a représenté le cardinal de bouïllon ouvrant l'année sainte, est un chéf-d'œuvre égal aux plus beaux ouvrages de rubens. [p. 435] DE TROIE a travaillé dans le goût de rigaut. VATEAU a été dans le gracieux à-peu-près ce que téniéres a été dans le grotesque. il a fait des disciples dont les tableaux sont recherchés. LE MOINE a peut-être surpassé tous ces peintres par la composition du salon d'hercule à versaïlles. cette apothéose d'hercule était une flatterie pour le cardinal hercule de fleuri, qui n'avait rien de commun avec l'hercule de la fable. il eût mieux valu dans le salon d'un roi de france représenter l'apothéose de henri quatre. le moine envié de ses confréres, & se croiant mal récompensé du cardinal, setua [sic] de désespoir. Quelques autres ont excellé à peindre des animaux, comme DESPORTES & OUDRY; d'autres ont réussi dans la mignature; plusieurs dans le portrait. quelques peintres se distinguent aujourd'hui dans de plus grands genres; & il est à croire que cet art ne périra pas. La SCULPTURE a été poussée à sa perfection sous louis XIV, & se soûtient dans sa force sous louis XV. Jacques SARRASIN, né en 1598, fit des chéfs-d'œuvre à rome pour le pape clément VIII. il travaïlla à paris avec le même succès. m. en 1660. [p. 436] Pierre PUGET, né en 1662. architecte, sculpteur & peintre: célébre principalement par l'androméde & par le milon crotoniate. m. en 1695. LE GROS & THEODON ont embelli l'italie de leurs ouvrages. François GIRARDON, né en 1627, a égalé tout ce que l'antiquité a de plus beau, par les bains d'apollon & par le tombeau du cardinal de richelieu. m. en 1715. Les COISEVAUX & les COUSTOUX se sont très distingués, & sont encor surpassés aujourd'hui par quatre ou cinq de nos sculpteurs. CHAVEAU, NANTEUÏL, MELAN, AUDRAN, HEDELING, LE CLERC, les DREVET, POILLY, PICART, DUCHANGE & d'autres ont réussi dans les tailles douces, & leurs estampes ornent dans l'europe les cabinets de ceux qui ne peuvent avoir de tableaux. De simples orfévres, tels que BALIN & GERMAIN, ont mérité d'être mis au rang des plus célébres artistes par la beauté de leur dessein, & par l'élégance de leur éxécution. Il n'est pas aussi facile à un génie né avec le grand goût de l'ARCHITECTURE de faire valoir ses talens, qu'à tout autre artiste. il ne peut élever de grands [p. 437] monumens que quand des princes les ordonnent. plus d'un bon architecte a eu des talens inutiles. François MANSARD a été un des meilleurs architectes de l'europe. le château ou plustôt le palais de maisons auprès de saint-germain est un chéf-d'œuvre, parce qu'il eut la liberté entiére de se livrèr à son génie. Jules hardouin MANSARD son neveu fit une fortune immense sous louis XIV, & fut surintendant des bâtimens. On connait assez les ouvrages élevés sur les desseins de PERRAULT, de LEVAU, & de DORBAY. L'art des jardins a été créé & perfectionné par LE NOTRE pour l'agréable, & par LA QUINTINIE pour l'utile. La GRAVÛRE en pierres précieuses, les coins des médailles, les fontes des caractéres pour l'imprimerie, tout cela s'est ressenti des progrès rapides des autres arts. Les horlogers qu'on peut regarder comme des physiciens de pratique, ont fait admirer leur esprit dans leur travail. On a nüancé les étoffes, & même l'or qui les embellit, avec une intelligence & un goût si rare, que telle étoffe, qui n'a été portée que par luxe, méritait d'être conservée comme un monument d'industrie. [p. 438] On a commencé à faire de la porcelaine à saint-cloud, avant que l'on en fit dans le reste de l'europe. Enfin le siécle passé a mis celui où nous sommes en état de rassemblèr en un corps, & de transmettre à la postérité le dépôt de toutes les sciences & de tous les arts, tous poussés aussi loin que l'industrie humaine a pu aller; & c'est à quoi travaille aujourd'hui une société de savans, remplis d'esprit & de lumiéres. cet ouvrage immense & immortel semble accuser la briéveté de la vie des hommes. |