ISSN 2271-1813 ... |
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Voltaire, Le Siècle de Louis XIV, l'édition de 1751
[p. 150] CHAPITRE HUITIÉME. Conquête de la franche-comté: paix d'aix la chapelle. On était plongé dans les divertissemens à saint-germain, lorsqu'au cœur de l'hivèr au mois de [M] janvier, on fut étonné de voir des troupes marcher de tous côtés, allèr & revenir sur les chemins de la champagne, dans les trois évêchez: des trains d'artillerie, des chariots de munitions, s'arrétaient sous divers prétextes, dans la route qui méne de champagne en bourgogne. cette partie de la france était remplie de mouvemens dont on ignorait la cause. les étrangers par intérêt, & les courtisans par curiosité, s'épuisaient en conjectures: l'allemagne [p. 151] était allarmée: l'objet de ces préparatifs & de ces marches irréguliéres, était inconnu à tout le monde. le secret dans les conspirations n'a jamais été mieux gardé, qu'il le fut dans cette entreprise de louis XIV. enfin le 2 de février il part de saint-germain, avec le jeune duc d'enguien fils du grand condé, & quelques courtisans: les autres officiers étaient au rendez-vous des troupes. il va à cheval à grandes journées, & arrive à dijon. vingt-mille hommes, assemblés de vingt routes différentes, se trouvent le même jour en franche-comté à quelques lieuës de besançon, & le grand condé paraît à leur tête, aiant pour son principal lieutenant-général, bouteville-montmorenci son ami, devenu duc de luxembourg, toûjours attaché à lui dans la bonne & dans la mauvaise fortune. luxembourg était l'éléve de condé dans l'art de la guerre; & il obligea à force de mérite, le roi qui ne l'aimait pas, à l'emploier. Tel était le nœud de cette entreprise imprévuë: le prince de condé était jaloux de la gloire de turenne, & louvois de sa faveur auprès du maître; condé était jaloux en héros, & louvois en ministre. le prince gouverneur de la bourgogne qui touche à la franche-comté, [p. 152] avait formé le dessein de s'en rendre maître en hivèr, en moins de tems que turenne n'en avait mis l'été dernier à conquérir la flandre française. il communiqua d'abord son projet à louvois, qui l'embrassa avidement, pour éloignèr & rendre inutile turenne, & pour servir en même tems son maître. Cette province assez pauvre alors en argent, mais très fertile, bien peuplée, étenduë en long de quarante lieuës, & large de vingt, avait le nom de franche, & l'était en effet. les rois d'espagne en étaient plustôt les protecteurs que les maîtres. quoique ce païs fût du gouvernement de la flandre, il n'en dépendait que peu. toute l'administration était partagée & disputée, entre le parlement & le gouverneur de la franche-comté. le peuple jouissait de grands priviléges, toûjours respectés par la cour de madrid, qui ménageait une province jalouse de ses droits, & voisine de la france. jamais peuple ne vécut sous un gouvernement plus doux, & ne fut si attaché à ses souverains. leur amour pour la maison d'aûtriche s'est conservé pendant deux générations. mais cet amour était plustôt celui de leur liberté. Enfin la franche-comté était heureuse, mais pauvre; & puisqu'elle était une espéce [p. 153] de république, il y avait des factions. quoi qu'en dise pélisson, on ne se borna pas à emploier la force. On gagna d'abord quelques citoiens par des présens & des espérances. on s'assura l'abbé jean de batteville, frére de celui qui aiant insulté à londres l'ambassadeur de france, avait procuré par cet outrage, l'humiliation de la branche d'aûtriche espagnole. cet abbé, autrefois officier, puis chartreux, puis turc, & enfin ecclésiastique, eut parole d'être grand-doien & d'avoir d'autres bénéfices. on corrompit le comte de saint-amour neveu du gouverneur; & le gouverneur lui-même, à la fin, ne fut pas infléxible. quelques conseillers de ce parlement furent achetés peu chèr. ces intrigues secrettes, à peine commencées, furent soûtenuës par vingt-mille hommes. besançon, la capitale de la province, est investie par le prince de condé: luxembourg court à salins: le lendemain besançon & salins se rendirent. besançon ne demanda pour capitulation, que la conservation d'un saint suaire fort révéré dans cette ville; ce qu'on leur accorda très aisément. le roi arrivait à dijon. louvois, qui avait volé sur la frontiére pour diriger toutes ces marches, vient lui apprendre, que ces deux villes sont [p. 154] assiégées & prises. le roi courut aussitôt se montrèr à la fortune, qui faisait tout pour lui. Il alla assiéger dole en personne. cette place était réputée forte: elle avait pour commandant le comte de montrevel, homme de grand courage, fidéle par grandeur d'ame aux espagnols qu'il haïssait, & au parlement qu'il méprisait. il n'avait pour garnison, que quatre-cent soldats & les citoiens, & il osa se défendre. la tranchée ne fut point poussée dans les formes. à peine l'eut-on ouverte, qu'une foule de jeunes volontaires, qui suivaient le roi, courut attaquer la contrescarpe & s'y logea. le prince de condé, à qui l'âge & l'expérience avaient donné un courage tranquile, les fit soûtenir à propos, & partagea leur péril, pour les en tirer. ce prince était partout avec son fils, & venait ensuite rendre compte de tout au roi, comme un officier qui aurait eû sa fortune à faire. le roi, dans son quartier, montrait plustôt la dignité d'un monarque dans sa cour, qu'une ardeur impétueuse, qui n'était pas nécessaire. tout le cérémonial de saint-germain était observé. il avait son petit coucher, ses grandes, ses petites entrées, une salle des audiances dans sa tente. il ne tempérait le faste du trône [p. 155] qu'en faisant mangèr à sa table ses officiers-généraux & ses aides de camp. on ne lui voiait point dans les travaux de la guerre, ce courage emporté de françois premier & de henri IV, qui cherchaient toutes les espéces de dangers. il se contentait de ne les pas craindre, & d'engager tout le monde à s'y précipiter pour lui avec ardeur. [M] il entra dans dole au bout de quatre jours de siége, douze jours après son départ de saint-germain; & enfin en moins de trois semaines, toute la franche-comté lui fut soûmise. le conseil d'espagne, étonné & indigné du peu de résistance, écrivit au gouverneur: «que le roi de france aurait dû envoier ses laquais, prendre possession de ce païs, aulieu d'y allèr en personne.» Tant de fortune & tant d'ambition réveillérent l'europe assoupie; l'empire commença à se remuer, & l'empereur à lever des troupes. les suisses, voisins des francs-comtois, & qui n'ont de bien que leur liberté, tremblérent pour elle. le reste de la flandre pouvait être envahi au printems prochain. les hollandais, à qui il avait toûjours importé d'avoir les français pour amis, frémissaient de les avoir pour voisins. l'espagne alors eut recours à ces mêmes hollandais, & fut en effet protégée par cette petite nation, qui ne [p. 156] lui paraissait auparavant que méprisable & rebelle. La hollande était gouvernée par jean de with, qui dès l'âge de vingt-cinq ans avait été élu grand-pensionnaire; homme amoureux de la liberté de son païs, autant que de sa grandeur personnelle: assujetti à la frugalité & à la modestie de sa république, il n'avait qu'un laquais & une servante, & allait à pied dans la haie, tandis que dans les négociations de l'europe, son nom était compté avec les noms des plus puissans rois: homme infatigable dans le travail, plein d'ordre, de sagesse, d'industrie dans les affaires, excellent citoien, grand politique, & qui cependant fut depuis très-malheureux. Il avait contracté avec le chevalier temple, ambassadeur d'angleterre à la haie, une amitié bien rare entre des ministres. temple était un philosophe, qui joignait les lettres aux affaires; homme de bien, malgré les reproches que l'évêque burnet lui a faits d'athéisme; né avec le génie d'un sage républicain, aimant la hollande, comme son propre païs, parce qu'elle était libre, & aussi jaloux de cette liberté que le grand pensionnaire lui-même. ces deux citoiens s'unirent avec le comte de dhona, ambassadeur [p. 157] de suéde, pour arréter les progrès du roi de france. Ce tems était marqué pour les événemens rapides. la flandre, qu'on nomme flandre française, avait été prise en trois mois; la franche-comté en trois semaines. le traité entre la hollande, l'angleterre & la suéde, pour tenir la balance de l'europe & réprimer l'ambition de louis XIV, fut proposé & conclu en cinq jours. Louis XIV fut indigné, qu'un petit état, tel que la hollande, conçût l'idée de borner ses conquêtes & d'être l'arbitre des rois, & plus encor qu'elle en fût capable. cette entreprise des provinces-unies lui fut un outrage sensible, qu'il fallut dévorer, & dont il médita dès-lors la vengeance. Tout ambitieux, tout puissant & tout irrité qu'il était, il détourna l'orage qui allait s'élever de tous les côtés de l'europe. il proposa lui-même la paix. la france & l'espagne choisirent aix la chapelle pour le lieu des conférences, & le nouveau pape rospigliosi, clément neuf, pour médiateur. La cour de rome, pour décorer sa faiblesse d'un crédit apparent, rechercha par toute sorte de moiens, l'honneur d'être l'arbitre entre les couronnes. elle [p. 158] n'avait pu l'obtenir au traité des pirénées; elle parut l'avoir au moins à la paix d'aix la chapelle. un nonce fut envoié à ce congrès, pour être un fantôme d'arbitre, entre des fantômes de plénipotentiaires. les hollandais, déja jaloux de la gloire, ne voulurent point partager celle de conclure ce qu'ils avaient commencé. tout se traitait en effet à saint-germain, par le ministére de leur ambassadeur van-beuning. ce qui avait été accordé en secret par lui, était envoié à aix la chapelle, pour être signé avec appareil par les ministres assemblés au congrès. qui eût dit trente ans auparavant, qu'un bourgeois de hollande, obligerait la france & l'espagne à recevoir sa médiation? Ce van-beuning, bourguemestre d'amsterdam, avait la vivacité d'un français & la fierté d'un espagnol. il se plaisait à choquer dans toutes les occasions, la hauteur impérieuse du roi; & opposait une infléxibilité républicaine, au ton de supériorité, que les ministres de france commençaient à prendre. ne vous fiez-vous pas à la parole du roi? lui disait monsieur de lionne dans une conférence. j'ignore ce que veut le roi, dit van-beuning; je considére ce qu'il peut. enfin à la cour du plus superbe monarque du monde, un [p. 159] bourguemestre [M] conclut avec autorité une paix, par laquelle le roi fut obligé de rendre la franche-comté. les hollandais eûssent bien mieux aimé qu'il eût rendu la flandre, & être délivrés d'un voisin si redoutable. mais toutes les nations trouvérent, que le roi marquait assez de modération, en se privant de la franche-comté. cependant il gagnait davantage, en retenant les villes de flandre; & il s'ouvrait les portes de la hollande, qu'il songeait à détruire dans le tems qu'il lui cédait. [p. 150] CHAPITRE HUITIÉME. Conquête de la franche-comté: paix d'aix la chapelle. On était plongé dans les divertissemens à saint-germain, lorsqu'au cœur de l'hivèr au mois de [M] janvier, on fut étonné de voir des troupes marcher de tous côtés, allèr & revenir sur les chemins de la champagne, dans les trois évêchez: des trains d'artillerie, des chariots de munitions, s'arrétaient sous divers prétextes, dans la route qui méne de champagne en bourgogne. cette partie de la france était remplie de mouvemens dont on ignorait la cause. les étrangers par intérêt, & les courtisans par curiosité, s'épuisaient en conjectures: l'allemagne [p. 151] était allarmée: l'objet de ces préparatifs & de ces marches irréguliéres, était inconnu à tout le monde. le secret dans les conspirations n'a jamais été mieux gardé, qu'il le fut dans cette entreprise de louis XIV. enfin le 2 de février il part de saint-germain, avec le jeune duc d'enguien fils du grand condé, & quelques courtisans: les autres officiers étaient au rendez-vous des troupes. il va à cheval à grandes journées, & arrive à dijon. vingt-mille hommes, assemblés de vingt routes différentes, se trouvent le même jour en franche-comté à quelques lieuës de besançon, & le grand condé paraît à leur tête, aiant pour son principal lieutenant-général, bouteville-montmorenci son ami, devenu duc de luxembourg, toûjours attaché à lui dans la bonne & dans la mauvaise fortune. luxembourg était l'éléve de condé dans l'art de la guerre; & il obligea à force de mérite, le roi qui ne l'aimait pas, à l'emploier. Tel était le nœud de cette entreprise imprévuë: le prince de condé était jaloux de la gloire de turenne, & louvois de sa faveur auprès du maître; condé était jaloux en héros, & louvois en ministre. le prince gouverneur de la bourgogne qui touche à la franche-comté, [p. 152] avait formé le dessein de s'en rendre maître en hivèr, en moins de tems que turenne n'en avait mis l'été dernier à conquérir la flandre française. il communiqua d'abord son projet à louvois, qui l'embrassa avidement, pour éloignèr & rendre inutile turenne, & pour servir en même tems son maître. Cette province assez pauvre alors en argent, mais très fertile, bien peuplée, étenduë en long de quarante lieuës, & large de vingt, avait le nom de franche, & l'était en effet. les rois d'espagne en étaient plustôt les protecteurs que les maîtres. quoique ce païs fût du gouvernement de la flandre, il n'en dépendait que peu. toute l'administration était partagée & disputée, entre le parlement & le gouverneur de la franche-comté. le peuple jouissait de grands priviléges, toûjours respectés par la cour de madrid, qui ménageait une province jalouse de ses droits, & voisine de la france. jamais peuple ne vécut sous un gouvernement plus doux, & ne fut si attaché à ses souverains. leur amour pour la maison d'aûtriche s'est conservé pendant deux générations. mais cet amour était plustôt celui de leur liberté. Enfin la franche-comté était heureuse, mais pauvre; & puisqu'elle était une espéce [p. 153] de république, il y avait des factions. quoi qu'en dise pélisson, on ne se borna pas à emploier la force. On gagna d'abord quelques citoiens par des présens & des espérances. on s'assura l'abbé jean de batteville, frére de celui qui aiant insulté à londres l'ambassadeur de france, avait procuré par cet outrage, l'humiliation de la branche d'aûtriche espagnole. cet abbé, autrefois officier, puis chartreux, puis turc, & enfin ecclésiastique, eut parole d'être grand-doien & d'avoir d'autres bénéfices. on corrompit le comte de saint-amour neveu du gouverneur; & le gouverneur lui-même, à la fin, ne fut pas infléxible. quelques conseillers de ce parlement furent achetés peu chèr. ces intrigues secrettes, à peine commencées, furent soûtenuës par vingt-mille hommes. besançon, la capitale de la province, est investie par le prince de condé: luxembourg court à salins: le lendemain besançon & salins se rendirent. besançon ne demanda pour capitulation, que la conservation d'un saint suaire fort révéré dans cette ville; ce qu'on leur accorda très aisément. le roi arrivait à dijon. louvois, qui avait volé sur la frontiére pour diriger toutes ces marches, vient lui apprendre, que ces deux villes sont [p. 154] assiégées & prises. le roi courut aussitôt se montrèr à la fortune, qui faisait tout pour lui. Il alla assiéger dole en personne. cette place était réputée forte: elle avait pour commandant le comte de montrevel, homme de grand courage, fidéle par grandeur d'ame aux espagnols qu'il haïssait, & au parlement qu'il méprisait. il n'avait pour garnison, que quatre-cent soldats & les citoiens, & il osa se défendre. la tranchée ne fut point poussée dans les formes. à peine l'eut-on ouverte, qu'une foule de jeunes volontaires, qui suivaient le roi, courut attaquer la contrescarpe & s'y logea. le prince de condé, à qui l'âge & l'expérience avaient donné un courage tranquile, les fit soûtenir à propos, & partagea leur péril, pour les en tirer. ce prince était partout avec son fils, & venait ensuite rendre compte de tout au roi, comme un officier qui aurait eû sa fortune à faire. le roi, dans son quartier, montrait plustôt la dignité d'un monarque dans sa cour, qu'une ardeur impétueuse, qui n'était pas nécessaire. tout le cérémonial de saint-germain était observé. il avait son petit coucher, ses grandes, ses petites entrées, une salle des audiances dans sa tente. il ne tempérait le faste du trône [p. 155] qu'en faisant mangèr à sa table ses officiers-généraux & ses aides de camp. on ne lui voiait point dans les travaux de la guerre, ce courage emporté de françois premier & de henri IV, qui cherchaient toutes les espéces de dangers. il se contentait de ne les pas craindre, & d'engager tout le monde à s'y précipiter pour lui avec ardeur. [M] il entra dans dole au bout de quatre jours de siége, douze jours après son départ de saint-germain; & enfin en moins de trois semaines, toute la franche-comté lui fut soûmise. le conseil d'espagne, étonné & indigné du peu de résistance, écrivit au gouverneur: «que le roi de france aurait dû envoier ses laquais, prendre possession de ce païs, aulieu d'y allèr en personne.» Tant de fortune & tant d'ambition réveillérent l'europe assoupie; l'empire commença à se remuer, & l'empereur à lever des troupes. les suisses, voisins des francs-comtois, & qui n'ont de bien que leur liberté, tremblérent pour elle. le reste de la flandre pouvait être envahi au printems prochain. les hollandais, à qui il avait toûjours importé d'avoir les français pour amis, frémissaient de les avoir pour voisins. l'espagne alors eut recours à ces mêmes hollandais, & fut en effet protégée par cette petite nation, qui ne [p. 156] lui paraissait auparavant que méprisable & rebelle. La hollande était gouvernée par jean de with, qui dès l'âge de vingt-cinq ans avait été élu grand-pensionnaire; homme amoureux de la liberté de son païs, autant que de sa grandeur personnelle: assujetti à la frugalité & à la modestie de sa république, il n'avait qu'un laquais & une servante, & allait à pied dans la haie, tandis que dans les négociations de l'europe, son nom était compté avec les noms des plus puissans rois: homme infatigable dans le travail, plein d'ordre, de sagesse, d'industrie dans les affaires, excellent citoien, grand politique, & qui cependant fut depuis très-malheureux. Il avait contracté avec le chevalier temple, ambassadeur d'angleterre à la haie, une amitié bien rare entre des ministres. temple était un philosophe, qui joignait les lettres aux affaires; homme de bien, malgré les reproches que l'évêque burnet lui a faits d'athéisme; né avec le génie d'un sage républicain, aimant la hollande, comme son propre païs, parce qu'elle était libre, & aussi jaloux de cette liberté que le grand pensionnaire lui-même. ces deux citoiens s'unirent avec le comte de dhona, ambassadeur [p. 157] de suéde, pour arréter les progrès du roi de france. Ce tems était marqué pour les événemens rapides. la flandre, qu'on nomme flandre française, avait été prise en trois mois; la franche-comté en trois semaines. le traité entre la hollande, l'angleterre & la suéde, pour tenir la balance de l'europe & réprimer l'ambition de louis XIV, fut proposé & conclu en cinq jours. Louis XIV fut indigné, qu'un petit état, tel que la hollande, conçût l'idée de borner ses conquêtes & d'être l'arbitre des rois, & plus encor qu'elle en fût capable. cette entreprise des provinces-unies lui fut un outrage sensible, qu'il fallut dévorer, & dont il médita dès-lors la vengeance. Tout ambitieux, tout puissant & tout irrité qu'il était, il détourna l'orage qui allait s'élever de tous les côtés de l'europe. il proposa lui-même la paix. la france & l'espagne choisirent aix la chapelle pour le lieu des conférences, & le nouveau pape rospigliosi, clément neuf, pour médiateur. La cour de rome, pour décorer sa faiblesse d'un crédit apparent, rechercha par toute sorte de moiens, l'honneur d'être l'arbitre entre les couronnes. elle [p. 158] n'avait pu l'obtenir au traité des pirénées; elle parut l'avoir au moins à la paix d'aix la chapelle. un nonce fut envoié à ce congrès, pour être un fantôme d'arbitre, entre des fantômes de plénipotentiaires. les hollandais, déja jaloux de la gloire, ne voulurent point partager celle de conclure ce qu'ils avaient commencé. tout se traitait en effet à saint-germain, par le ministére de leur ambassadeur van-beuning. ce qui avait été accordé en secret par lui, était envoié à aix la chapelle, pour être signé avec appareil par les ministres assemblés au congrès. qui eût dit trente ans auparavant, qu'un bourgeois de hollande, obligerait la france & l'espagne à recevoir sa médiation? Ce van-beuning, bourguemestre d'amsterdam, avait la vivacité d'un français & la fierté d'un espagnol. il se plaisait à choquer dans toutes les occasions, la hauteur impérieuse du roi; & opposait une infléxibilité républicaine, au ton de supériorité, que les ministres de france commençaient à prendre. ne vous fiez-vous pas à la parole du roi? lui disait monsieur de lionne dans une conférence. j'ignore ce que veut le roi, dit van-beuning; je considére ce qu'il peut. enfin à la cour du plus superbe monarque du monde, un [p. 159] bourguemestre [M] conclut avec autorité une paix, par laquelle le roi fut obligé de rendre la franche-comté. les hollandais eûssent bien mieux aimé qu'il eût rendu la flandre, & être délivrés d'un voisin si redoutable. mais toutes les nations trouvérent, que le roi marquait assez de modération, en se privant de la franche-comté. cependant il gagnait davantage, en retenant les villes de flandre; & il s'ouvrait les portes de la hollande, qu'il songeait à détruire dans le tems qu'il lui cédait. |