ISSN 2271-1813

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Dictionnaire de la presse française pendant la Révolution 1789-1799

C O M M A N D E R

   

Dictionnaire des journaux 1600-1789, sous la direction de Jean Sgard, Paris, Universitas, 1991: notice 990

LE NOUVEAU SPECTATEUR 1 (1758-1760)

1Titres Le Nouveau Spectateur, par M. de Bastide.

Continué par Le Monde comme il est.

2Dates 10 septembre 1758 - janvier 1760. Huit volumes. Permission tacite (ms. f. fr. 22160, fº 120, et 22161, fº 1). Périodicité annoncée: un cahier tous les dix jours, soit trente-six cahiers par an. Cette périodicité est respectée pendant un an (6 volumes, chacun comprenant 6 livraisons). Au début de la seconde année de la publication, un débit de quarante cahiers par an est prévu. Six cahiers paraissent au cours des mois de septembre et d'octobre 1759 (7e volume). Cependant, en novembre, il est annoncé que la distribution ne se fera plus par cahier, mais par volume, à raison d'un volume tous les deux mois. Le 8e volume paraît en janvier 1760. 1758 (t. I et II), 1759 (t. III-VII), 1760 (t. VIII).

3Description Les t. II-VIII, à la différence du t. I, sont divisés en Discours avec très souvent une épigraphe (citation et traduction s'il y a lieu). Le t. II est composé de 17 discours, le t. III de 21, le t. IV de 20, le t. V de 15, le t. VI de 10, le t. VII de 18, le t. VIII de 13. T. I-VII: 432 p., t. VIII: 443 p. avec Epître. Le t. VIII porte la devise: «A noi nostra la via che al Ciel conduce».

Cahier de 24 p., 95 x 160, in-12.

4Publication A Amsterdam et se trouve «à Paris, Bauche, attenant les Grands Augustins, à Sainte Geneviève et à S. Jean dans le Désert; Rollin, près la rue Gît-le-Cœur, au Palmier» (t. I, II, III) et Lambert, rue et à côté de la Comédie-Française, au Parnasse (t. IV). T. V et VI: Bauche..., Rollin..., Lambert... et la veuve Bordelet, rue Saint-Jacques, près le collège des Jésuites. T. VII: le nom de Rollin disparaît. T. VIII: Duchesne, rue Saint-Jacques, au dessous de la Fontaine Saint Benoît, au Temple du Goût.

De septembre 1758 à fin août 1759, prix du cahier: 15 s.; les 36 cahiers coûtent pour les souscripteurs parisiens 21 # 12 s. (distribution à domicile) et pour les souscripteurs provinciaux 29 # 12 s. (envoi franco de port). A partir de septembre 1759, le prix du cahier est toujours de 15 s., mais les souscripteurs parisiens paient 24 # et les provinciaux 32 #. Quand Le Nouveau Spectateur paraît en volume, le prix de celui-ci est de 3 # 12 s. Il est possible de retenir d'avance les 6 volumes d'une année (21 # 12 s. à Paris, 29 # 12 s. en province). Ceux qui ont renouvelé leur souscription en septembre 1759 recevront les volumes «jusqu'à concurrence du déboursé».

5Collaborateurs Jean-François de BASTIDE.

6Contenu A la suite des Addison et des Steele (mais ceux-ci ont peint les mœurs anglaises), à la suite de Marivaux (mais celui-ci n'a écrit qu'un volume), Bastide entreprend un ouvrage moral périodique, revendiquant le titre de Spectateur, c'est-à-dire d'homme qui regarde êtres et choses en réfléchissant et raconte en approfondissant ce qu'il a vu dans le monde. Il entend représenter fidèlement (et sans reculer devant le détail circonstancié) les Français dans leurs actions, leurs sentiments, leurs intrigues, leurs systèmes (cf. Avis des libraires), hors de tout esprit de haine et de mépris et de tout désir d'offenser. Vérité et utilité: l'auteur qui se présente comme un homme honnête et sensible, poli et équitable, souhaite réformer les mœurs corrompues de la société de son temps et rendre les hommes de sa nation plus justes, plus sages et plus heureux.

Persuadé que les exemples font plus d'effet que les raisonnements (t. III, p. 122) (on rencontre cependant des «pensées» et des «maximes»), Bastide entasse sans plan déterminé anecdotes et histoires (galantes, plaisantes, piquantes, sérieuses, tragiques, singulières...), portraits et tableaux, lettres et «réflexions» ou «conclusions», scènes de comédie et dialogues... où l'imagination a sans doute plus de part que la vérité prétendue. Bastide puise également dans les livres: anciens (Xénophon, Pline...), étrangers (Milton, Shaftesbury, Rabener, Martinelli...), français (Lettres, Mémoires, Eloges, Voyages...), sans oublier ses propres romans et contes, ses articles du Mercure ou encore des extraits d'autres périodiques: Spectateur anglais (qu'il annote pour éviter le reproche de compilation), Spectateur français, Bibliothèque raisonnée, Nouvelles de la République des Lettres. De ces sujets variés se dégagent une peinture des caractères (plaisants, ridicules, vicieux ou singuliers) et une histoire générale des mœurs du siècle: dénonciation des usages, défauts et vices dans l'ordre des choses de l'esprit, des choses de l'amour, dans l'ordre des relations, des conditions et des institutions.

Principaux centres d'intérêt: les «originaux»; les rapports entre les sexes (la condition de la femme), les rapports entre parents et enfants (la négligence ou la tyrannie des pères), les rapports entre les classes (injustices et oppressions), les rapports entre l'écrivain, le libraire, le public, les journalistes et la censure; la morale de la raison (lutte contre les préjugés) et du sentiment (valeurs du cœur, nature, vertu bienfaisante, amitié et bonheur); les lettres et les arts (la comédie de caractère et le drame, l'histoire, la musique et ses effets); les confidences et souvenirs personnels.

Auteurs évoqués par le moraliste, non par le «journaliste» («je ne juge point ici comme journaliste; ce n'est point un extrait que je fais», t. IV, p. 203): Montaigne, Furetière, Molière, Saint-Evremond, Fontenelle, Mme de Lambert, Marivaux, Prévost, J.J. Rousseau.

Tables intégrées.

7Exemplaires B.N., R. 20147-20154. Ars, 8º S.2181 (1-8).

8Bibliographie H.P.L.P., t. III, p. 133 et suiv.; DP2, art. «Bastide».

Contrefaçon: Amsterdam, Aux dépens de la Compagnie, 1760, 8 vol., in-8º.

Mentions dans L'Année littéraire (1758, t. VII, p. 234-241 et t. VIII, p. 329; 1759, t. III, p. 203-212 et t. VII, p. 109-112); L'Observateur Littéraire (1758, t. II, p. 139-143; 1759, t. I, p. 24-30; 1760, t. I, p. 62-64); le Journal Encyclopédique (1er nov. 1758, t. VII, p. 138; 15 janv. 1759, t. I, p. 120-124; 1er déc. 1759, t. VIII, p. 151-153); Grimm, C.L. (t. IV, p. 67 et t. V, p. 47); La Feuille nécessaire (25 juin 1759, p. 318-319); Le Censeur hebdomadaire (1760, t. I, p. 190-191); le Mercure de France (juin 1760, p. 87-106). – Gilot M. et Sgard J., «Le journaliste masqué. Personnages et formes personnelles», Le Journaliste d'ancien régime, P.U. Lyon, 1982, p. 285-313.

Historique Dans deux lettres datées des 11 et 24 juillet 1758 (ms. f. fr. 22147, fº 12 et 14), Bastide prie Malesherbes de l'excuser de l'importuner encore sur une affaire dont il lui a déjà parlé (il s'agit du projet du Nouveau Spectateur), mais c'est impatiemment qu'il attend la nomination d'un censeur pour cet écrit périodique dont il tient à souligner le caractère particulier: «je ne veux faire qu'un Nouveau Spectateur dans toute la précision du sens, c'est-à-dire un ouvrage formé de réflexions et d'histoires plus ou moins morales et philosophiques. Cela est assurément bien différent du Mercure et de tous les journaux d'aujourd'hui». C'est, en effet, à la condition expresse de ne pas empiéter sur le privilège du Mercure (et donc de ne faire l'extrait d'aucun livre récemment édité) que Bastide obtient la permission tacite de donner son Spectateur, l'abbé Guiroy ayant été nommé censeur (ms. f. fr. 22147, fº 13). Quand, le 1er septembre 1758, Bastide confie à Malesherbes les difficultés qu'il rencontre auprès de son libraire Lambert à propos d'un droit que celui-ci aurait obtenu «sur tous les ouvrages périodiques qui paraîtraient désormais», il s'empresse de redire: «ce n'est pas un journal que je fais» et ajoute: «vous m'avez même défendu d'en approcher» (ms. f. fr. 22151, fº 57). Malesherbes, d'ailleurs, rappellera cette interdiction à l'écrivain lorsque celui-ci, en janvier 1759, voudra faire l'extrait de son propre roman (Les Aventures de Victoire Ponty) paru six semaines auparavant (ms. f. fr. 22151, fº 53-55).

Pendant plus d'un an, les cahiers se succèdent avec régularité, au rythme rapide initialement prévu. Bastide se montre soucieux d'observer «la fidélité d'exécution» annoncée dans l'Avis des libraires (cf. t. IV, p. 429 et ms. f. fr. 22147, fº 16). Cette exactitude a vivement frappé les contemporains, d'autant qu'elle ne leur a pas semblé nuire à la «bonté du livre». Si, comme l'indique Bastide, qui se plaît à évoquer dans ses feuilles mêmes le sort de son périodique, Le Nouveau Spectateur «n'a point réussi d'abord» («on en parlait mal et les journalistes se taisaient», t. IV, p. 78), il a bientôt remporté «un succès d'estime». Les critiques, par delà d'inévitables réserves (défaut de gaieté et style affecté notamment), ont reconnu la facilité de plume de l'auteur, ses qualités d'imagination, d'esprit et de cœur dans un genre moral difficile. Eloges dont Bastide n'a pas manqué de faire état. Vers la fin de la première année de la publication (35e cahier), il mentionne non sans fierté les «dix-sept ou dix-huit extraits» dont Le Nouveau Spectateur a été l'objet et, à cette occasion, il précise qu'il se tiendra désormais chez lui à la disposition des lecteurs trois matinées par semaine: c'est que, dit-il, «on veut connaître l'homme dont on lit l'ouvrage; on peut avoir à parler à un Spectateur, à le consulter» (t. VI, p. 358, 360), voire à collaborer avec lui...

Cependant, après les six premiers cahiers de la nouvelle année, Bastide décide de recourir à la publication par volume. De ce changement il donne les raisons dans les Réflexions sur le Nouveau Spectateur (t. VII, p. 408-417) qu'il fait d'ailleurs imprimer séparément chez Duchesne: il veut épargner au lecteur la lourde charge de la souscription, parer aux contrefaçons opérées en province ou même à l'étranger («il ne faut que trois jours pour imprimer 72 pages et il faut un mois pour en imprimer 432»), répondre enfin aux invitations qui lui sont faites de se rendre en province pour y saisir des caractères propres à entrer dans son plan. «Projet digne d'un Spectateur philosophe», observe Fréron, mais qui ne sera pas exécuté: Le Nouveau Spectateur cesse, en effet, de paraître après le premier volume de 1760.

Robert GRANDEROUTE

 


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© Universitas 1991-2024, ISBN 978-2-84559-070-0 (édition électronique)