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Dictionnaire des journaux 1600-1789, sous la direction de Jean Sgard, Paris, Universitas, 1991: notice 844 LE LITTÉRATEUR BELGIQUE (1755) 1] Titres Le Littérateur belgique. L'adjectif, seulement utilisé aujourd'hui en langage héraldique, désigne au XVIIIe siècle ce qui relève des Pays-Bas. On connaît la Bibliothèque belgique d'Elie Luzac (1731-1732), la Nouvelle Bibliothèque belgique de L'Honoré (1781-1784). En 1789 paraît encore un éphémère Mercure flandrico-latino-gallico-belgique. 2] Dates Jeudi 10 avril 1755 - septembre 1755. Son auteur a déposé une requête non datée, mais vraisemblablement rédigée en novembre 1754, auprès du Conseil privé, habilité à formuler des avis. Une apostille du 4 décembre 1754 stipule que l'auteur doit faire connaître les membres de la Société littéraire dont il se réclame. Les compléments demandés ne sont déposés que trois mois plus tard. Le Conseil privé émet un avis favorable le 15 mars 1755 et une apostille du gouverneur-général, Charles de Lorraine, datée du même jour, approuve la publication du périodique. Copie en est envoyée au procureur général de Brabant le 24. La consulte du Conseil privé stipule que les feuilles seront soumises à la censure du procureur général, que l'auteur déposera deux exemplaires de son journal à la Bibliothèque royale chaque année et qu'il jouira des droits de privilège. La page de titre du Littérateur fait mention expresse de l'approbation et du privilège: celui-ci n'a pas été retrouvé. De même le prospectus et le texte du premier numéro joints à la requête, selon celle-ci, n'ont pas été retrouvés. La périodicité réelle, qui correspond sans doute à la périodicité annoncée, est hebdomadaire. 18 livraisons numérotées paraîtront régulièrement du jeudi 10 avril au jeudi 7 août 1755. Au-delà de cette date, le Littérateur devient mensuel: il ne survit qu'un mois, disparaissant après la livraison de septembre qui regroupe les nº 19 à 23. 3] Description Les exemplaires du Littérateur sont très rares. Nous ne connaissons qu'un exemplaire complet. Le volume a été pourvu d'une page de titre sans date. Il compte 285 [iii] p. in-8º numérotées de façon continue pour les livraisons hebdomadaires (nº 1-18) et 96 p. in-8º pour l'unique livraison mensuelle. Format: 98 x 163. 4] Publication Le lieu de publication mentionné, et authentique, est Bruxelles. L'éditeur dont le nom apparaît à chaque livraison est Jean-Joseph Boucherie, qui demeure rue de l'Empereur et exerce depuis 1738 la profession d'imprimeur-libraire. Il cessera ses activités en 1767. Il assure sans doute l'impression et certainement la vente, jusqu'à la dernière livraison, dans tout le pays. Un Avis publié dans le nº 6 (15 mai 1755, cf. nº 13, 15, 18 des 5, 17 juil. et 7 août 1755) précise que l'adresse du journal est le «Caffé de Bois-le-Duc rue de Bergstraet» (actuelle rue de la Montagne, Bruxelles-centre). La souscription annuelle annoncée dans le nº 1 est de 5 florins de Brabant. Lorsque le Littérateur devient mensuel à raison de 5 feuilles par mois, les nouvelles souscriptions sont fixées à 6 florins, somme payable en deux fois. Les anciens souscripteurs ne paieront pas de supplément: «mes engagemens me seront toujours sacrés», annonce l'auteur dans le nº 18 (7 août 1755). Ils paieront, précise-t-il en septembre, la deuxième partie de leur souscription à la parution du nº 43 en janvier 1756. Le mois suivant, le périodique cessait de paraître. Les souscriptions pouvaient être prises dans tous les bureaux de poste des Pays-Bas autrichiens et de l'étranger. La nouvelle formule sera également disponible chez les libraires Changuion (Amsterdam), Néaulme (La Haye), Jacquez (Lille), Duchesne et Mérigot jeune (Paris). Le nombre d'abonnés, les indications concernant le tirage nous sont inconnus. Notons toutefois que l'auteur fait plusieurs fois mention du nombre croissant de souscriptions (nº 3) au point (nº 14) qu'il envisage une deuxième édition de son journal; les souscripteurs de Hollande se voient priés de patienter jusqu'au nº 20 pour obtenir les 18 premières livraisons. La dernière annonce qu'il reste un «très-petit nombre» des nº 1-18 disponibles à 5 escalins, soit 1 florin 10. Un tel rabais nous semble indiquer davantage une liquidation forcée (par un manque d'argent?) qu'une indication d'un réel succès. La dernière feuille du recueil (p. 96, f. 8) stipule encore que le Littérateur paraîtra le 8 de chaque mois. Ensuite c'est la brusque disparition: aucun document n'a été retrouvé à ce sujet. Interdiction? Elle aurait laissé une trace. Succès limité, échec commercial? Essouflement de l'auteur? Transformer un périodique que l'on prétend florissant à chaque livraison hebdomadaire en mensuel compilatoire donne bien à penser. 5] Collaborateurs La requête en publication du Littérateur belgique fait état d'une Société littéraire ayant pour porte-parole Alexandre-Etienne DES ESSARTS (1728-1803), maître de mathématiques à l'Académie et admis à l'Ecole militaire. Néanmoins dès le nº 1 le ton est personnel et ce n'est point un artifice. Un Avis inséré dans le nº 2 déclare nettement que le journal n'est pas l'ouvrage d'une société à laquelle appartient le journaliste: c'est le produit d'un seul homme. Tout semble indiquer qu'il s'agit de Des Essarts dont au reste, la biographie demeure obscure. Les noms des cinq autres sociétaires sont connus par les compléments d'information fournis par Des Essarts. Trois Lorrains: l'abbé Louis-Hyacinthe d'Everlange de Witry (1719-1791), aumônier d'honneur du gouverneur-général, surintendant des cabinets de raretés et futur membre de l'Académie impériale de Bruxelles; l'abbé Jacques-Louis de Viquesney (1724-1796), directeur de la Bibliothèque royale de Bourgogne; d'Hucher, sans doute N.B. de Hucher, directeur de l'Académie, futur officier du génie et candidat à l'Académie impériale. Un Français: Vincent Mousset (vers 1710-1785), ingénieur-mécanicien et futur maître de mathématiques. Un régnicole: le docteur «Schepers» (Henri-Louis de Scheppere), médecin consultant de la Cour et Flamand d'origine. Bref une compagnie d'hommes jeunes encore et tous liés d'une façon ou de l'autre à la Cour du gouverneur-général Charles de Lorraine. Le Littérateur belgique ne semble pas avoir eu de collaborateurs réguliers. Hucher signe quelques propos sur les mathématiques. Mais au cours de sa brève existence le journal a publié un nombre appréciable de lettres (10) et d'envois, la plupart datés et signés d'initiales. Une lettre vient de Bruxelles, une de Vienne, les autres viennent toutes des Flandres. Notons un vicomte *** qui écrit de Bruges le 27 décembre 1754 (nº 4): son «discours» est donc antérieur à la publication et il a eu vent du projet bruxellois; un étudiant de l'université de Louvain signe «D.S.P.» une épître galante (nº 5), des dames de Gand adressent une «oraison à Jupiter» contre les hommes (nº 17), etc. 6] Contenu Bien que le programme originel ait disparu, on peut admettre que les déclarations contenues dans le nº 1 correspondent à celles du projet. Le contenu annoncé est clair. L'auteur se propose de combiner analyse des nouveautés et production personnelle: «Tantôt Sceptique, Tantôt Académiste, je n'aurai pour guide que l'aimable variété». Sensible à ces critiques il entend montrer que «littérature» et «belgique» ne sont pas des termes contradictoires. Les Pays-Bas n'ont-ils pas un riche passé littéraire? Le renom de ses artistes ne peut-il susciter des vocations littéraires? Peut lui chaut la critique: l'auteur «n'écoute plus qu'une seule voix celle des Muses». Le Littérateur donne à ses lecteurs des comptes rendus divers (histoire, littérature, morale, sciences et arts) et de nombreux textes prétendus originaux: réflexions et dissertations morales, description de monuments et d'objets d'art, des contes, des portraits, des vers galants, didactiques ou moralisateurs. Il propose des problèmes de mathématiques, des sujets médicaux, technologiques, présente des inventions. Une mention particulière doit être réservée à quelques textes féministes nuancés. Outre les inévitables logogriphes et énigmes, le périodique informe ses lecteurs sur les représentations théâtrales à Bruxelles et à Paris. Le Littérateur belgique, premier périodique «littéraire» des Pays-Bas autrichiens devance ainsi d'un an le Journal encyclopédique qui s'installera en terre d'Empire à Liège. Mais par rapport à ce dernier le Littérateur n'est pas un produit importé. Le ton change complètement avec la nouvelle formule qui prévaut en septembre 1755 et annoncée dès le 7 août précédent (nº 18). Le «Nouveau plan» propose un changement complet en ce sens que les contributions personnelles feront place à un «précis raisonné» des nombreux périodiques qui couvrent le marché: «le tems & l'argent des lecteurs» s'en trouveront épargnés. Au périodique encyclopédique mâtiné de Mercure et de Spectateur succède en effet un «digest» qui annonce L'Esprit des journaux. La revue critique de douze périodiques constituera désormais le fonds journalistique: le Mercure de France, les Bibliothèques germanique, Impartiale et Italique, le Journal britannique, de Verdun, des savants, économique et étranger, la Clef du cabinet des princes et les «Feuilles de Mr. Fréron». Le résultat en est l'unique livraison de septembre sur des lettres à Laure, à une demoiselle «S. du C***» de Bruxelles, échelonnées du 1er au 31 août, lettres imprimées dans un corps réduit (gain d'espace), annonçant et rendant brièvement compte des nouveautés de toute espèce. Les premiers volumes de l'Encyclopédie ne sont pas oubliés. Quelques fables, assez médiocres, complètent cette unique, et ultime, livraison du Littérateur belgique. Une table des nº 1-18 figure à la fin du nº 18. 7] Exemplaires B.R. Bruxelles, Réserve VH 23202 A (reliure d'époque); Bruxelles, Mundaneum, une seule livraison isolée (nº 17, 31 juil. 1755). 8] Bibliographie Aucune trace dans la presse du temps: son existence éphémère peut expliquer cette absence d'intérêt. Inconnu à Hatin et à tous les répertoires belges classiques (Warzée, Bertelson, Lemaire). Il a été cité par R. Mortier, «La littérature des Lumières dans les Pays-Bas autrichiens», Revue de l'Université libre de Bruxelles, t. VII, 1955, p. 98-215, texte repris et développé dans le Dictionnaire des lettres françaises et l'Histoire illustrée des lettres françaises de Belgique. – Vercruysse J., «Journalistes et journaux», Etudes sur le XVIIIe siècle, t. IV, Bruxelles, 1977, p. 117-127. – Idem, dans le catalogue Les Lumières dans les Pays-Bas autrichiens et la principauté de Liège, Bruxelles, 1983, p. 49-50. Nous avons consulté, outre les études citées ci-dessous, les documents suivants: Bruxelles, Archives de la ville (Etat-civil, Décès an XII/360), Archives générales du royaume (Conseil privé 1065 A, Conseil de Brabant 3679, fº 104, 3680, fº 159). De même nous avons mis à contribution le Calendrier de la cour de Son Altesse Royale pour l'année bissextile 1756, Bruxelles, 1756; E. Mailly, Histoire de l'Académie impériale et royale des sciences et belles-lettres de Bruxelles, Bruxelles, 1883-1885, t. I, p. 129, 143, t. II, p. 38, 426; Charles de Lorraine, Bruxelles, 1987, passim. Jeroom VERCRUYSSE
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