ISSN 2271-1813

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Dictionnaire de la presse française pendant la Révolution 1789-1799

C O M M A N D E R

   

Dictionnaire des journaux 1600-1789, sous la direction de Jean Sgard, Paris, Universitas, 1991: notice 814

LETTRES ÉDIFIANTES ET CURIEUSES (1703-1776)

1Titres Lettres Edifiantes et Curieuses, écrites des missions étrangères par quelques missionnaires de la Compagnie de Jésus.

Le premier recueil parut d'abord en 1702 sous le titre: Lettres de quelques missionnaires de la Cie de Jésus écrites de la Chine et des Indes Orientales.

Continué par: Nouvelles lettres édifiantes des missionnaires de la Chine et des Indes Orientales. A Paris, Adrien Leclerc, 1818-1823, 8 vol. in-12, puis par: Annales de l'Association de la Propagande de la Foi. Recueil périodique des lettres des Evêques et des missionnaires des deux mondes, et de tous les documents relatifs aux missions et à l'Association de la Propagande de la Foi. Collection faisant suite à toutes les éditions des Lettres Edifiantes. Paris, 1827-1878, 30 vol. in-8º.

2Dates 1703 - 1776. 34 volumes. Privilège obtenu le 13 août 1702 pour trois années consécutives, puis périodiquement renouvelé. Le père Le Gobien s'engage, dans la première préface à publier de semblables lettres «à mesure qu'on les recevra», sans plus de précision. En fait, il soutient un rythme annuel après la publication des trois premiers recueils en 1703: huit recueils entre 1703 et 1708. Son successeur, le père Du Halde continue à un rythme presque bisannuel: seize recueils entre 1711 et 1743.

La régularité fait défaut dans la suite: un recueil en 1749, un autre en 1758, puis quatre recueils entre 1773 et 1774 et les deux derniers en 1776.

Datation des volumes: 1703, 1703, 1703, 1704, 1705, 1706, 1707, 1708, 1711, 1713, 1715, 1717, 1718, 1720, 1722, 1724, 1726, 1728, 1729, 1731, 1734, 1736, 1738, 1739, 1741, 1743, 1749, 1758, 1773, 1773, 1774, 1774, 1776, 1776.

3Description Chaque recueil est publié en un volume de format in-12 (sauf les 2e et 3e recueils parus la même année en un volume) et introduit par une Epistre aux jésuites de France, remplacée par un Avant-Propos ou une Préface dans les derniers recueils.

Les volumes comptent généralement 150 à 200 p. pour 5 à 10 lettres. Mis à part le discret frontispice de la page de titre, illustrations et cartes figurent occasionnellement, comme le portrait du père Verjus qui accompagne sa biographie dans le 8e recueil et la carte des Nouvelles Philippines à la fin du 6e recueil.

Format in-12, 102 x 162.

4Publication Paris, chez Nicolas Le Clerc, rue Saint-Jacques, proche Saint-Yves, à l'image Saint-Lambert.

Sauf: 1er et 2e recueil chez Jean Cusson, en 1702 et 1703, réédités chez Nicolas Le Clerc en 1703; 27e recueil (1749) chez les frères Guérin, rue Saint-Jacques, vis-à-vis les Mathurins, à Saint-Thomas d'Aquin; 28e recueil (1758), imprimerie H.L. Guérin et L.F. Latour; 29e et 30e recueils (1773), chez Ruault, libraire, rue de la Harpe, près de la rue Serpente. 31e et 32e recueils (1774), chez de Hansy le jeune, rue Saint-Jacques; 33e et 34e recueils (1776), chez Charles-Pierre Berton, libraire, rue Saint-Victor.

Les premiers recueils sont réimprimés à partir de 1707. 1er et 2e recueils à Paris, chez Nicolas Le Clerc..., en 1707; 3e et 4e recueils chez Jean Barbou, rue Saint-Jacques, vis-à-vis le Collège de Louis le Grand, en 1708; 5e recueil, chez Nicolas Le Clerc, en 1724; 6e recueil, ibidem, en 1723; 9e recueil, chez Nicolas Le Clerc [...] et chez P.G. Le Mercier fils, en 1730; 10e recueil, ibidem, en 1732; 12e recueil, chez Le Mercier et Baudet [...] et chez Marc Bordelet, en 1741.

5Collaborateurs C'est le père LE GOBIEN qui fonde la collection en 1703; il en dirige l'édition jusqu'à sa mort, en 1708. Avant cela, il avait travaillé dans les missions du Levant, qu'il a dû quitter pour cause de santé. Il s'est impliqué dans la querelle des rites chinois, pour défendre les Nouveaux Mémoires sur l'état présent de la Chine du père Le Comte, en 1696. Le père DU HALDE lui succède de 1711 à 1743. Passionné par la Chine, il accumule les témoignages des missionnaires pour publier une imposante Description géographique, historique, chronologique, politique et physique de la Chine et de la Tartarie chinoise (Paris, 1735, 4 vol.). Le père PATOUILLET dirige la publication de 1749 à 1758 (27e et 28e recueils) et de 1774 à 1776 (33e et 34e recueils). Il prépare aussi le 31e pour le faire publier par le confrère qui a pris en charge l'édition des 29e, 30e et 32e recueils. Ce collaborateur occasionnel est resté anonyme, il signe seulement «M. *** J.» l'épître des 29e et 30e recueils. Barbier y reconnaît la signature de l'abbé Maréchal, ex-jésuite (nouv. éd., t. II, p. 1268), mais Sommervogel l'attribue plutôt au père Jean-Baptiste Geoffroy (Bibliothèque de la Cie de Jésus, 1890-1960, t. VI, p. 354) et cite aussi le père Querbœuf. Dans la préface du 33e recueil, le père Patouillet explique ces changements en invoquant «la difficulté des circonstances, le changement forcé et fréquent de domicile».

Les auteurs des lettres publiées sont très nombreux, en voici quelques-uns: pour la Chine, les pères Contancin, Premare, Parennin, Gaubil, d'Entrecolles, Amiot et Cibot; pour les Indes orientales, les pères Bouchet, Tachard, Pons, Martin, de Bourzes; pour les Amériques, les pères Rasles, Marest, du Poisson, Le Petit, Fauque, Lombard, Chomé; pour le Levant, les pères Siccard, Souciet, Chabert, Fromage.

6Contenu Les données essentielles des L.E.C. sont présentées par le père Le Gobien en tête des premiers recueils, suivant sensiblement les ingrédients du titre. Les textes proposés sont des lettres, courriers de jésuites aux lointaines missions, publiées «à mesure qu'on les recevra». Les nouvelles regardent avant tout les progrès de l'évangélisation, l'expérience apostolique des missionnaires et leur existence dans des conditions souvent précaires ou pénibles. A côté de cela, le père Le Gobien promet de l'agrément aux curieux et aux savants: descriptions exotiques et surtout «observations utiles» ne manqueront pas, il met l'accent sur la géographie et l'astronomie. Bref un programme de relations de voyage soutient les graves récits religieux.

La collection présente effectivement des relations de provenance diversifiée: Chine, Indes orientales puis Amérique et pays du Levant. Leur ordre initial est simplement chronologique. Toutefois, les lettres orientales et chinoises dominent sur les autres dans les premiers recueils et, par exception, le 4e recueil ne concerne que les relations du Levant.

A côté des lettres figurent également d'autres textes: des «Mémoires» ou rapports systématiques sur une mission donnée, sur une découverte curieuse ou sur une question historique.

Dans le préliminaire de chaque recueil, le directeur de publication commente les textes produits, selon l'actualité locale. A l'occasion, il récapitule l'historique d'une mission — celle de Chine, par exemple, dès le premier recueil — ou attire l'attention sur des nouvelles notables comme celles du Tonquin, intervenant après un silence de plusieurs années dû aux problèmes politiques dans le pays (2e recueil, éd. 1703, p. 1) ou comme le «Mémoire [...] sur la Californie» où le père Picolo note l'itinéraire terrestre qu'il a découvert du Mexique à la Californie (5e recueil, éd. 1705, p. 248).

Les lettres restent axées sur l'évolution des missions: on compte le nombre des conversions, on montre la pieuse existence des communautés néophytes; on décrit les problèmes culturels ou politiques ressentis sur place, avec violence parfois dans les cas de persécutions des chrétiens. Tout cela donne lieu à un discours très religieux où les valeurs de «la vraie foi» s'exaltent au regard de l'erreur païenne. Les jésuites s'intéressent évidemment aux cultes autochtones, observent les usages religieux et tâchent d'accéder au savoir traditionnel: les «Vedams» indiens, les «Kings» chinois, les traditions orales d'Amérique, le livre de Mahomet au Levant.

Les missionnaires rapportent donc leur expérience de découverte et consignent des observations souvent inédites. Outre les précisions d'itinéraires maritimes et terrestres, et les travaux de cartographie, les milieux étrangers sont caractérisés par des examens pratiques économiques et sociaux. Ressources naturelles et techniques locales y sont mentionnées avec parfois beaucoup de précision, comme c'est le cas pour la célèbre porcelaine de Chine. L'organisation sociale et les mœurs locales ne sont pas négligées et les données historiques complètent le tableau de manière parfois circonstanciée comme pour les révolutions du XVIIe siècle en Perse contre le Mogol, où Thamas Koulikan se distingue en héros (cf. éd. 1829-1832, t. VI, p. 222 et t. VII, p. 3 et suiv.). Dans ces textes donc, un mélange dosé d'observations curieuses et exotiques émaille le discours édifiant central.

Chaque recueil comporte une table des matières (les tables des rééditions postérieures à 1780 sont plus pratiques, grâce au classement géographique effectué par le père Querbœuf (cf. ci-après).

7Exemplaires Nous avons surtout utilisé l'édition de 1829-1832 mise à disposition en partie par M. Gossiaux, de l'université de Liège, et par les jésuites d'Everlee en Belgique. Nous avons également travaillé sur l'édition Du Panthéon, de 1838-1848, à la B.M. de Grenoble sous la cote 5804 et nous avons consulté la 1re édition de 1703-1776 à la B.N., H 15961-15994.

Bibliothèque Les Fontaines, Chantilly; B.M. Dijon, B.U. Dijon, B.P.U. Genève, B.M. Grenoble, B.M. Lyon, B.I.U. Toulouse, B.M. Versailles.

8Bibliographie Rééditions:

Edition du père Yves Mathurin de Querbœuf: Lettres Edifiantes et Curieuses, écrites des missions étrangères. Nouvelle édition. A Paris chez J.G. Mérigot le Jeune. Libraire, quai des Augustins, 1780-1783, in-12, 26 vol. Cette deuxième édition des L.E.C. modifie le classement des morceaux pour les distribuer par matières géographiques en: Mémoires du Levant (t. I-V, 1780), Mémoires d'Amérique (t. VI-IX, 1781), Mémoires des Indes (t. X-XV, 1781), Mémoires de Chine (t. XVI-XXIV, 1781), Mémoires des Indes et de la Chine (t. XXV et XXVI, 1783). Chaque partie est précédée d'une préface de l'éditeur qui a refondu les préfaces originales de l'ancienne édition. On a republié cette édition du père Querbœuf en 1810, 1819, 1829, 1838.

Lettres Edifiantes et Curieuses [...]. Nouvelle édition. A Toulouse, chez Noël-Etienne Sens et Auguste Gaude, 1810-1811, in-12, 26 vol.

Lettres Edifiantes et Curieuses [...]. Nouvelle édition ornée de 50 belles gravures. A Lyon, imprimerie J.B. Kindelem, chez J. Vernarel, Ets Cabin et Cie, 1819, in-8º, 14 vol.

Lettres Edifiantes et Curieuses [...] collationnées sur les meilleures éditions et enrichies de nouvelles notes. Imprimerie de Béthune, à Paris, au Bureau place Saint-Sulpice, et chez Gaume frères, rue du Pot-de-Fer, Saint-Sulpice. 1829-1832, 40 vol. in-18.

Lettres Edifiantes et Curieuses concernant l'Asie, l'Afrique et l'Amérique, avec quelques relations nouvelles des Missions et des notes géographiques et historiques, publiées sous la direction de M.L. Aimé-Martin. A Paris, Auguste Desrez, 1838-1848, in-8º, 4 vol. Edition dite du «Panthéon littéraire».

A cette liste il faut ajouter quelques publications de choix de Lettres:

Mémoires géographiques, physiques et historiques sur l'Asie, l'Afrique et l'Amérique tirés des Lettres édifiantes et des Voyages des missionnaires jésuites. Par l'auteur des Mélanges intéressants et curieux (Rousselot de Surgy). A Paris, chez Durand, 1767, 4 vol. in-12.

Choix de Lettres édifiantes écrites des Missions étrangères, avec des additions, des notes critiques et des observations pour la plus grande intelligence de ces lettres, précédé d'un tableau géographique de la Chine, et de la politique et des sectes religieuses, de la littérature et de l'état actuel du christianisme chez ce peuple, par l'abbé J.-B. Montmignon, ancien archidiacre et vicaire général de Soissons, Paris, chez Marandon, 1808, 8 vol. in-8º.

Il en parut une nouvelle édition sous le titre suivant: Choix de Lettres édifiantes et curieuses écrites des Missions étrangères, précédé de tableaux géographiques, historiques, politiques, religieux et littéraires, des pays de Mission. Seconde édition, augmentée d'une notice historique sur les Missions étrangères, avec les actes des Rois de France concernant les Missions, de nouvelles lettres édifiantes et autres morceaux choisis. Paris, Grimbert, 1824-1826, 8 vol. in-8º, et Bruxelles, publié par la Société nationale pour la propagation des bons livres, 1838.

Morceaux choisis des Lettres édifiantes et curieuses, écrites des Missions étrangères [...] par Antoine Caillot, Paris, Brunot-Labbe, 1823, 2 vol. in-12.

Les Nouvelles des missions, extraites des Lettres édifiantes. Société catholique des bons livres, Paris, 1827.

Beauté des Lettres édifiantes anciennes et nouvelles. Par A. Caillot, Société reproductrice des bons livres, Paris, 1838.

Les Actes des Apôtres modernes. Relations épistolaires et authentiques des voyages entrepris par les missionnaires catholiques pour porter le flambeau de l'Evangile chez tous les peuples et civiliser le monde. Publiés sous la direction de l'abbé P.A. Bousquet [...], de l'abbé Giraud [...] et de Gabriel Grimaud de Caux. T. I: Lettres édifiantes et curieuses (lieux saints, Liban, Alep, Damas), 340 p. + 36 illustrations et un hors-texte; t. II: Lettres édifiantes et curieuses (Bassara, Asie mineure, Archipel, Crimée), 356 p. + 36 illustrations et un hors-texte. A Paris, au Bureau, rue Bleue, 1852.

Lettres édifiantes et curieuses de Chine par des missionnaires jésuites, 1702-1776. Chronologie, introduction et notices d'I. et J.-L. Vissière.

Sur la bibliographie des éditions de L.E.C., consulter: Sommervogel, Bibliothèque de la Compagnie de Jésus, 1re partie: bibliographie d'après les pères Augustin et de Backer, Paris-Louvain, 1890-1960 (chercher aux noms des directeurs de publication des L.E.C.); R. Streit, Bibliotheca missionum, Münster, 1916, t. I, p. 336 et suiv. et surtout H. Cordier, Bibliotheca sinica. Dictionnaire bibliographique des ouvrages relatifs à l'empire chinois, Paris, E. Leroux, 1851-1895, p. 414-464 (Paris, E. Guilmoto, 1805-1806, t. II, p. 926-958; V.H. Paltsits, Contribution to the bibliography of the «Lettres édifiantes», Cleveland, Imperial Press, 1900.

Mentions dans la presse du temps: Les Mémoires de Trévoux consacrent un article aux L.E.C. à la sortie de chaque recueil (1703, p. 229-244, p. 1816-1825; 1705, p. 279-304, p. 729-751; 1706, p. 459-480), cf. Sommervogel. Le Journal des savants commente régulièrement les nouveaux recueils (1703, p. 1816; 1705, p. 65; 1743, p. 1095; 1750, p. 1201). On trouve également des articles sur les L.E.C. dans d'autres journaux, comme le Mercure de France ou le Journal encyclopédique. – Rétif A., «Les Jésuites français en Chine d'après les Lettres édifiantes et curieuses», Neue Zeitschrift für Missionswissenschaft, t. III, 1948, p. 175; idem, «Brève histoire des Lettres édifiantes et curieuses», N.Z.M., t. VII, 1951, p. 37-50. – Duméril G., «Influence des jésuites, considérés comme missionnaires, sur le mouvement des idées du XVIIIe siècle», dans Mémoires de l'Académie de Dijon, 1834, p. 1-34. – Vissière I. et J.-L., notice en tête des Lettres édifiantes et curieuses de Chine, Paris, Garnier-Flammarion, 1979. – Sgard J., «Petites Lumières des jésuites du Levant», Actes du colloque de Lattaquié, Orient et Lumières, Grenoble, Université Stendhal, «Recherches et travaux», 1987.

Historique On parle des L.E.C. dans plusieurs secteurs d'étude: recherches littéraires culturelles et anthropologiques sur le XVIIIe siècle, étude des récits de voyage, histoire des missions jésuites, histoire des religions, histoire de la géographie, sinologie. C'est en effet une œuvre plurielle, intriquée dans son siècle par une publication périodique de longue durée, qui va refléter sous la plume jésuite une perspective quasi mondiale de la société humaine. L'étude de cette œuvre s'avère souvent morcelée selon les points de vue envisagés. Nous avons tâché de rassembler ici les principaux caractères dans leur évolution à travers le XVIIIe siècle, tels que nous les avons perçus après quelques recherches sur les L.E.C. (recherches commencées dans un mémoire de maîtrise: La question de l'idolâtrie au XVIIIe siècle en Amérique, en Inde et en Chine à travers les L.E.C. écrites par des missionnaires de la Cie de Jésus, en 1983, et un mémoire de DEA, Approche historique et formelle des L.E.C. [...] en 1985 à l'université Stendhal de Grenoble).

Tradition des relations jésuites. La collection des L.E.C. est le produit d'une longue tradition de relations missionnaires, adaptée au goût et à l'actualité de l'époque. L'archétype de cette tradition est codifié dans les prescriptions de Loyola: il demandait des rapports circonstanciés sur l'œuvre apostolique des missionnaires, mais aussi sur les conditions objectives de leur action en milieu étranger[4]. Indispensables au commandement du corps jésuite, ces témoignages servaient également à développer l'esprit missionnaire et à documenter les cours de géographie dans les collèges jésuites. Très vite, des copies de lettres circulent, puis sont publiées. La première date de 1545[5], envoyée des Indes par François-Xavier. Désignées comme les «Lettres indiennes», ces copies paraissent isolément avant de faire l'objet de recueils comme celui du père Auger, le premier du genre[6].

Dans les productions sporadiques du XVIIe siècle, un titre paraît inaugurer la célèbre formule des L.E.C.[7], tandis qu'une importante production périodique se signale déjà avec les Relations de Nouvelle-France[8]. Celles-ci permettent de mesurer l'évolution du discours missionnaire jésuite du XVIIe au XVIIIe siècle, évolution qui passe d'une perspective mystique des faits, truffée de miracles et de saints martyrs, à une vue plus pragmatique de l'expérience missionnaire.

Initiative des L.E.C. A cette tradition, le père Le Gobien apporta donc l'impulsion de son siècle. Cela se passe en 1702, 1703, quand il reprend le projet d'une publication périodique qu'il adapte au goût du jour. Le changement de titre est déjà significatif; il lui permet de présenter des lettres de divers pays, conformément d'ailleurs aux demandes du public[9], alors que seules la Chine et les Indes orientales étaient nommées dans le titre initial. Dès lors, le père Le Gobien valorise la partie documentaire de sa publication par cette diversité et plus encore par la formule d'impact qu'il donne à la collection.

D'entrée, il y souligne un double discours religieux et positif. L'«édifiant» vient en premier, c'est le fondement, qui vise avant tout la sensibilisation des lecteurs aux progrès de l'œuvre missionnaire, et accessoirement leurs «saintes libéralités»[10]. Mais le «curieux» joue le rôle d'aiguillon à la lecture de façon à contribuer pour une large part à l'appréciation des L.E.C.

Accueil des L.E.C. Les Jésuites eux-mêmes signalent l'heureux accueil de leur publication; dès le deuxième recueil, le père Le Gobien annonce qu'«il a fallu en faire plusieurs éditions dans les provinces» et aux dires du père Du Halde, l'interruption de 1708 à 1711 provoque de nombreuses plaintes des lecteurs[11]. Les Mémoires de Trévoux parlent de cet ouvrage «que le succès a rendu si commun»[12]. Toutefois le Journal des savants confirme l'accueil favorable des L.E.C. dès 1702, et nous apprend plus tard que «cette publication est attendue avec impatience»[13]. Elles se trouvent intégrées au cadre intellectuel et mondain du temps au point que, selon Rétif, «on s'arrachait les volumes à la Cour comme dans la bourgeoisie, dès qu'ils étaient mis dans le commerce»[14].

Valeur documentaire des L.E.C. Leur valeur documentaire est bien reconnue dans le courant des récits de voyage de l'époque. Leurs contemporains y trouvent quantité d'informations sur l'étranger qu'ils apprécient. La géographie et l'étude des mœurs y dominent. Après avoir critiqué les récits de voyageurs dépourvus de précisions d'itinéraire, un journaliste du Nouveau Mercure cite les auteurs des L.E.C. pour la qualité de leurs relevés géographiques[15]. John Locke les recommande en «gens que l'on peut en croire». Il est vrai que les missionnaires n'omettent jamais les détails de navigation leur paraissant utiles, ni la description détaillée des lieux traversés. Et quoique la publication de cartes jointes aux lettres soit peu fréquente, les textes font souvent allusion aux travaux cartographiques réalisés sur place. Dès les premiers volumes, ces observations géographiques interviennent. Le père Clain envoie au père Général un rapport sur la découverte de 32 îles au sud des îles Mariannes (R 1), le père de Tartre raconte à son père le second voyage de l'Amphitrite pour la Chine (R 2), le père Premare décrit au père de La Chaize le spectacle exotique à souhait de la ville d'Achen, à Sumatra, et d'y ajouter la «route qu'il faut tenir pour passer les détroits de Malaque et de Gabernadour» (R 3). Et cela continue avec les routes de Turquie et de Syrie, les expéditions aventureuses du Paraguay au Pérou, etc. L'empereur chinois bénéficia de nombreux travaux cartographiques des missionnaires savants. Il faut signaler la vocation scientifique de la mission française de Pékin fondée en 1688: six jésuites «habiles en mathématiques» débarquaient de l'Amphitrite, délégués par Louis XIV pour assurer en Chine les enquêtes nécessaires à la réforme de la géographie que l'Académie des sciences avait déjà orchestrée ailleurs.

La géographie des jésuites est soigneusement analysée dans l'ouvrage de Dainville sur la géographie des humanistes. Pendant plus de deux siècles en effet, ils ont abreuvé de données nouvelles les Européens, élèves de collège ou lecteurs de relations. Ces données géographiques s'articulent sur deux caractères dominants: d'une part, les directives émanées du commandement de l'Ordre les orientent vers une géographie de l'homme. «Cadres physiques, climats, ressources naturelles... ne sont envisagés que sous l'angle des réalités ou des possibilités humaines»[16], ainsi par exemple les essentielles voies de communication. D'autre part, au lieu de chercher l'exceptionnel, les observateurs s'efforcent de dégager le typique: les traits généraux de chaque pays. Cette démarche fonde la valeur scientifique de leurs remarques, dès lors apparentées à la géographie moderne, d'autant qu'elles prônent toujours le primat de l'expérience. Outre ces perspectives particulières, la qualité des rapports des jésuites s'appuie sur une bonne connaissance des peuples étrangers qu'ils côtoient pendant de longues années, après un apprentissage systématique des langues usitées, conditions rarement réunies par les autres voyageurs. Ils s'efforcent d'accéder aux savoirs développés d'un bout à l'autre du monde, et ils associent à leurs lettres des mémoires sur l'état des sciences et des techniques observées. Ce faisant, ils s'adressent aux spécialistes de l'époque, parfois de manière directe d'ailleurs. C'est à l'Académie des sciences que le père Sicard envoie des remarques sur l'exploitation des marbres et du sel de natron chez les Egyptiens, et sur leurs fours à poulets[17]. M. Dortous de Mairan, directeur de cette Académie et MM. Delille et Lalande reçoivent nommément des communications publiées dans la collection. Mieux encore, en dépit de leur discorde, les encyclopédistes se réfèrent explicitement aux mémoires des L.E.C. aux articles «Porcelaine», «Inoculation»[18] et «Pékin». La célèbre mission de Pékin a alimenté le XVIIIe siècle amateur d'orientalisme en descriptions de la société chinoise et de sa philosophie, paraissant régulièrement dans les L.E.C. De fait, au 34e recueil le père Patouillet explique encore que «le missionnaire met à profit le temps que lui laisse son ministère pour l'avancement des sciences, et qu'alors il en fait part à sa patrie...»[19].

Valeur édifiante des L.E.C. Le discours curieux vient naturellement rehausser le discours édifiant. L'ardeur missionnaire s'exalte à la vue «des champs de païens à convertir» et plus encore à la vue des progrès de leur évangélisation. De touchants tableaux dépeignent la vie quotidienne des missionnaires et des néophytes: leur piété exemplaire, leur dévouement, leurs efforts dans des milieux hostiles à la foi chrétienne et leur courage à affronter les persécutions. Ces histoires pathétiques et parfois tragiques inspirent aux missionnaires des comparaisons héroïques avec les premiers temps du christianisme. Elles peuvent aussi devenir le sujet de véritables romans-feuilletons: c'est bien le cas de l'histoire d'une famille princière chinoise convertie au christianisme dont le père Parennin distille les épisodes pendant une dizaine d'années[20]. L'édification des lecteurs se nourrit encore des échantillons toujours utiles de prédications chrétiennes et se couronne des biographies de missionnaires morts au champ d'honneur. Elle fonctionne essentiellement sur la valeur exemplaire des faits livrés à la réflexion des lecteurs.

Le style des L.E.C. Le style édifiant appuie évidemment cette action d'un accent épique, d'une éloquence convaincante et d'un lyrisme dosé qui oscille de l'épanchement sensible à la stoïque méditation, selon les cas. A côté de cela, le didactisme des instructions et des débats théologiques ajouté aux longs tableaux descriptifs engendrent des pages fastidieuses, le tout se développant dans un lexique religieux volontiers enluminé d'images bibliques.

En ce qui concerne le style curieux, on retiendra la sobriété des textes à vocation érudite où la précision s'impose. Les énumérations sont inévitables, mais les entretiens trop mornes peuvent être relevés par la proximité de quelque anecdote vive ou badine. D'autre part, le style se fera plus attractif pour les descriptions de voyage animées de charme exotique. La découverte de l'inconnu les pimente ci et là d'aventures cocasses, de tableaux pittoresques, de sentiments admiratifs ou horrifiés.

Le style épistolaire enveloppe ces diversités d'un cadre réaliste et personnel qui se démarque des austères relations aux supérieurs. Cette tendance ressort d'une majorité de lettres écrites pour des amis, des confrères: on satisfait leurs instances et on ménage leur intérêt d'un ton cordial et enjoué, on joue volontiers sur la sensibilité du lecteur, dans ces récits «en direct». Les traits restent sommaires, vu la variété des textes: certains sont plus élégants que d'autres, certains sont plus naïfs mais tous restent également soignés, également présentables.

Ainsi les L.E.C. vont-elles séduire un vaste public où se distingueront les précurseurs du romantisme. Rousseau les connaît et les apprécie[21], Bernardin de Saint-Pierre également[22], et Chateaubriand en fait l'éloge dans le Génie du christianisme.

Critiques des L.E.C. Les L.E.C. n'ont pas connu que des louanges dans ce XVIIIe siècle éveillé à l'esprit critique des philosophes. Les reproches concerneront globalement le traitement des informations produites et diffusées par les jésuites.

Une première constatation s'impose: une partie du public se désintéresse du discours édifiant au point de l'évincer. On cherche à publier les seuls textes documentaires. Mais les jésuites se sentent lésés et le dénoncent en 1749, quand un anonyme concocte un Recueil d'observations curieuses, tirées des 26 volumes des L.E.C. déjà parus. «L'idée de cet homme, se plaint-on, a été de ne donner au public que des choses amusantes et par là sans doute, de gagner de l'argent, motif secret de tant de larcins littéraires»[23]. Quelques années plus tard, Rousselot de Surgy publiera des Mémoires géographiques physiques et historiques [...] tirés des L.E.C. et autres relations jésuites dont il a retranché, dit-il, «les absurdités et prodiges qui y sont multipliés»[24]. Plus rigoureuses à l'égard du merveilleux chrétien que les Relations du XVIIe siècle, les L.E.C. laissent néanmoins paraître de temps à autre un petit miracle, que ce soit une apparition de la Vierge en Chine[25], ou une croix miraculeuse à Saint-Thomé dans les Indes[26], sans parler des guérisons et exorcismes chrétiens contre «la cruelle tyrannie» des démons païens, décrite de manière précise et frappante par le père Bouchet[27].

On constate aussi que l'a priori religieux des jésuites joue à un autre niveau sur la qualité des L.E.C.: il peut gêner leur compréhension de l'Autre, de ses mœurs et de ses cultes surtout. Voltaire y songe quand il met en cause leurs interprétations des coutumes indiennes: «Toute statue est pour eux le diable, toute assemblée est un sabbat, toute figure symbolique est un talisman, tout brahmane est un sorcier»[28]. Cette question de perspective interviendra sous différentes formes dans la représentation des peuples étrangers, évoquée plus loin.

Le traitement des textes. Un autre constat critique mérite une attention précise: le traitement des textes avant la publication. La censure commence par le tri des relations et les coupures d'extraits. Ensuite les textes sont enjolivés, le public le sent dès les premiers recueils: «Le père Le Gobien a eu soin d'en rendre la lecture agréable, dit le Journal des savants, les missionnaires lui ont fourni des pensées, mais le tour, l'expression, les grâces du style viennent sans doute de lui»[29]. Le père Du Halde procède à des remaniements plus sérieux: il résume des passages, il en rajoute de sa plume, il intercale des extraits d'autres lettres, parfois même d'auteurs différents. C'est du moins ce que trouve Virgile Pinot dans les témoignages d'époque, notamment en examinant une lettre manuscrite du père Parennin et ses avatars: la version imprimée dans le 21e recueil des L.E.C. «est en réalité une mosaïque»[30].

Dans leur correspondance privée, plusieurs jésuites de Chine émettent des plaintes à ce sujet: le père Fouquet, le père de Mailla, le père Premare. Les remaniements vont édulcorer l'image de la Chine: famine, alcoolisme, corruption, et surtout superstitions chinoises s'atténuent sous leur effet; science, sagesse et organisation sociale sont magnifiées. «Ces lettres sont naïves sans doute, commente Pinot, mais d'une naïveté plus feinte que réelle». Il poursuit plus loin: «C'est le père Du Halde qui a fait du Chinois le parangon de vertu que le XVIIIe siècle admirera parce que ces Lettres sont des lettres d'édification morale»[31].

Faut-il conclure comme Saint-Simon que les L.E.C. sont «d'artificieuses relations»? Le rapport de Pinot est éloquent, mais il ne porte pratiquement que sur les lettres de Chine.

Reprenant peu après l'examen des documents manuscrits, le père Brou déplore les remaniements inadmissibles du père Du Halde, mais il minimise l'effet d'idéalisation de la Chine et le père Rétif rappelle le contexte du temps pour comprendre la censure de famille entre jésuites[32]. On note au sujet des lettres d'Amérique la même tendance à édulcorer les textes[33], mais moins cruciale qu'en Chine où sévit la question des rites. Les remaniements existent, les connaissances actuelles sur les documents originaux ne permettent pas de le nier, ni d'exagérer d'ailleurs leur étendue sur toute la collection. On gardera seulement un regard critique sur les plus délicats secteurs d'information, sachant tout de même que cette collection est une œuvre d'apologétique, voire de propagande. L'analyse de Sylvia Murr le rappelle: «Les Lettres sont un instrument de propagande et même de combat sur le plan des idées religieuses. Un instrument de propagande à l'égard des dévots, à qui l'on montre que Dieu est parmi nous et intervient constamment pour assister tous ceux qui le servent avec zèle [...] elles sont aussi un instrument de combat contre les libertins, les athées, les sceptiques et surtout la marée montante des philosophes que ne retient plus — ou de plus en plus mal — la censure et la police royales depuis 1715»[34].

L.E.C., revue d'actualités des missions étrangères. En effet, le dynamisme apostolique investit dans la presse périodique, en plein essor au XVIIIe siècle. La Compagnie se dote de deux porte-parole de longue haleine avec les Mémoires de Trévoux, fondés en 1701, et les L.E.C. en 1703. Les deux se complètent pour réagir souplement aux accidents de l'actualité. Adressée à un public averti, la présentation critique d'ouvrages récents offre un lieu d'analyse et de polémique éventuelle tandis que les L.E.C., moins didactiques, diffusent largement l'expérience des missions étrangères. Ainsi les témoignages des lettres viennent documenter des sujets débattus sur les terrains religieux et philosophique, voire historique et politique.

La querelle des rites chinois. L'Orient occupe une place de choix dans ces débats, car l'Europe en fait une mode mais aussi le théâtre de querelles préjudiciables aux jésuites. Avant de fonder les L.E.C., le père Le Gobien s'était déjà impliqué dans la querelle des rites chinois pour défendre le père Le Comte[35], dont les Nouveaux Mémoires de Chine de 1696 furent censurés par la Faculté de théologie en 1700. En fait, la mission chinoise devait beaucoup aux options que le père Ricci avait mises en œuvre dès la fin du XVIe siècle: d'une part le rapprochement des milieux lettrés et surtout de la cour impériale, d'autre part l'effort d'adaptation à la culture chinoise. Grâce à cette politique, l'empeureur Cang-Hi, favorable aux jésuites, avait fini par leur accorder officiellement la tolérance du christianisme en Chine, dans un édit de 1692. Mais les méthodes jésuites sont jugées trop souples par les autres missionnaires. L'affaire rebondit au long du XVIIe siècle, avivée par les jansénistes[36]. Accusations et plaidoyers se multiplient, plusieurs décrets de Rome désapprouvent la tolérance des usages chinois jugés idolâtres, pour trancher sans appel en 1742[37]. En Chine la situation s'est durcie, devant les interdictions romaines, Cang-Hi instaure en 1706 le p'iao; nécessaire à l'exercice des missionnaires, ce titre s'obtenait au prix du respect de certains usages traditionnels. Ajouté à cela l'hostilité des empereurs suivants à l'égard des jésuites et les persécutions des chrétiens, la présence jésuite dans la Chine s'est restreinte comme une peau de chagrin au cours du XVIIIe siècle. Cette affaire longue et compliquée est soigneusement analysée dans les travaux d'Etiemble et de Pinot[38].

Querelle des rites malabares. De façon similaire, une querelle des rites malabares s'est développée aux Indes orientales, sur une question d'adaptation culturelle. Alors qu'en Chine ils ressemblaient à des mandarins, les jésuites se présentaient en Inde comme des «Brahmanes Saniassi»[39] venus du Nord. Ils devaient se plier aux lois des castes et adaptaient un peu les cérémonies religieuses à la société indienne[40]. Leur attitude souleva des protestations compliquées de difficultés diplomatiques vis-à-vis des Portugais en Inde. Moins retentissante que l'affaire chinoise, cette querelle sévit au début du XVIIe siècle[41], et resurgit en 1703 avec le mandement du père Mailla de Tournon, légat du Saint-Siège; mais là le clergé local allait apaiser le conflit[42].

Représentation du vécu religieux des peuples idolâtres. Ces questions de rites touchent le vaste sujet de la représentation du vécu religieux propre aux autres peuples. Elles provoquent le reproche d'une compromission avec l'idolâtrie mais elles manifestent l'ouverture des jésuites à une différence culturelle qui relativise l'erreur païenne.

Au premier chef, l'idolâtrie est un égarement, c'est le fait de Satan. Or le Diable et les démons ont subi les assauts démystificateurs d'auteurs comme Balthazar Bekker ou Fontenelle[43], à la suite de quoi le père Baltus argumente sur la question des oracles[44]. Missionnaire aux Indes, le père Bouchet documente son confrère par des histoires de possession démoniaque chez les païens[45].

Passé l'intervention diabolique, l'idolâtrie se concrétise sous la plume des jésuites comme un fatras de «superstitions ridicules». Ces pratiques semblent minimisées, souvent risibles, parfois même négligeables, voir en Chine ou aux Indes. Puis, sous les traditions, ils dégagent des filiations. C'est la démarche du père Bouchet encore, dans un exposé sur la mythologie hindoue[46], avec ses parallèles vers les traditions bibliques et antiques. Mieux documenté, le père Pons expose les principes philosophiques des quatre sectes de brahmanes; son commentaire préalable sur le sanscrit et les textes anciens mentionne de semblables références: «Dans les poèmes indiens, on trouve mille restes précieux de la vénérable antiquité»[47].

En Chine, l'on oppose les cultes idolâtres à la religion de l'empereur dévoué au Tien, le Seigneur du ciel; mais la philosophie étudiée dans les milieux lettrés courtise l'athéisme. Les jésuites en font un déisme épuré associé à une sage morale de vertu[48]. Voltaire y trouvera le profil d'un Dieu «Horloger du monde». Pour expliquer ce savoir antique chez les Chinois, les L.E.C. rappellent leur filiation avec Sem, fils de Noé[49] et produisent des inscriptions du XVe siècle confirmant le rapport des Kings chinois avec la loi de Moïse[50]. Ce type de conjectures s'était déjà exercé sur les peuples d'Amérique, que Lafitau étudie selon ses méthodes comparatistes: les missionnaires retrouvent les vestiges d'une religion primitive transmise, selon lui, depuis la migration des peuples antiques helléniens et pélagiens sur l'Amérique[51], et ravivée par la révélation que leur aurait portée l'apôtre Saint-Thomas.

Pourtant, en marge de ces grandes explications, quelques lettres fournissent des témoignages plus délicats. Les missionnaires rencontrent des peuples athées, ce qui blesse le consensus universalis[52]. Face à la chronologie chinoise bien plus étendue que celle de la Bible et authentifiée par des annales et des observations astronomiques, les théologiens bousculent les comptes bibliques pour les faire coïncider. L'idée d'une religion naturelle indépendante de toute révélation historique fait son chemin depuis Herbert de Cherbury jusqu'à Diderot, encouragée par les observations des missionnaires. Et, dernier effet pervers, les impitoyables satires des bonzes et des sorciers vont à l'occasion se retourner contre les railleurs, notamment sous la plume de Voltaire[53].

Questions sociales et politiques dans les L.E.C. La représentation des peuples étrangers passe encore par un examen du fait social et politique. La Chine bénéficie là du prestige d'une civilisation millénaire. Malgré les heurts du XVIIIe siècle avec le pouvoir chinois, les jésuites sont séduits par le despotisme éclairé d'un empereur soumis au «Tien»[54], secondé d'institutions élitistes où les charges s'accordent sur concours[55] et favorisent la valeur du mérite. Conquis par ce système qui place les lettrés en relation directe avec le pouvoir, Voltaire en conçoit un gouvernement idéal: «Il est impossible que dans une telle administration, l'empereur exerce un pouvoir arbitraire»[56], espère-t-il. Par ailleurs l'image naïve de l'empereur labourant la terre au début de chaque printemps plaît aux physiocrates du XVIIIe siècle. Il n'empêche que le népotisme et la corruption paralysent l'accès aux mandarinats, et que les famines ravagent cruellement le peuple chinois. Les L.E.C. y font allusion, mais discrètement. Si elles diffusent en Europe des informations inédites sur la société chinoise, elles embellissent quelque peu le tableau. Cela se voit dans les remaniements étudiés par Pinot (et dans des correspondances privées comme celles du père Gaubil ou de ce père Fouquet quittant la Compagnie après des années de mission en Chine). Montesquieu reproche d'ailleurs aux jésuites d'avoir tracé le portrait d'une Chine idéale mais, quoiqu'il se documente lui-même dans leurs écrits, il déplore sans doute que ce portrait ne cadre pas suffisamment avec son modèle théorique d'Etat despotique[57].

A l'autre bout de la terre, le Paraguay offre le cas particulier d'un état gouverné par les jésuites. Au vu des L.E.C., travail et piété religieuse sont les principales occupations des Indiens[58], et leur discipline étonne. De 1608 à 1767[59], les jésuites ont installé une quarantaine de «Réductions», dirigées selon une économie collective égalitaire et autorisées, dès 1639, à user d'une défense armée contre les agressions de Mamelucs. En cas d'insurrection, ils purent prêter main-forte aux Espagnols d'Assomption ou du Pérou. Ce pouvoir économique et militaire attira bien sûr l'attention sur les jésuites du Paraguay, d'autant qu'ils contrôlaient l'accès des Européens, leur interdisant plus de trois jours dans le territoire, par mesure de protection contre les maladies et l'alcoolisme. Malgré l'approbation en 1743 de Philippe V d'Espagne sur leurs moyens d'action, on les accusa notamment de dissimuler l'exploitation de mines d'or et de trafiquer dans le commerce. Ils devaient bien vendre de l'herbe de maté, récoltée par les Indiens et couramment consommée en infusion dans ces pays, mais en 1767, selon le témoignage de Bougainville sur place, «on s'était attendu, en saisissant les biens des jésuites dans cette province, de trouver dans leurs maisons des sommes d'argent considérables; on en a néanmoins trouvé fort peu»[60]. Point de richesses, mais un tableau assez sombre tout de même sous la plume du célèbre voyageur. Dans cette société réglée sur la seule autorité spirituelle, où l'on ignore toute distinction de classe ou de biens, la vie des Indiens lui semble bien ennuyeuse. L'analyse de Raynal sur les Guaranis pose aussi la question de leur bonheur, mais il ne l'associe pas comme Bougainville au défaut de propriété[61]. Les nomades qu'ils avaient été ne connaissaient point de propriété, et la communauté des biens assurait la subsistance de chacun dans les réductions. Raynal établit un parallèle entre les principes de gouvernement incas et ceux qu'appliquèrent les jésuites.

Sur cette question d'économie collective décrite dans les L.E.C. ou autres[62], Dumeril évoquera le Code de la nature de Morelly, publié en 1755, qui applique la formule de «chacun selon ses facultés, à chacun selon ses besoins» au cadre européen et non plus aux forêts du Paraguay. «Ils [les jésuites] ont forgé, dit-il, l'épée avec laquelle la société et la propriété elle-même ont été tant de fois frappées»[63]. Son analyse embrasse largement les missions: des penseurs comme Quesney et Turgot[64] magnifiaient l'administration chinoise et ses institutions (concours pour l'accès aux charges, inspections régulières, encouragement à l'agriculture...). Les principes de la justice indienne décrits dans les L.E.C. témoignent notamment en faveur d'une législation qui émanerait de la volonté populaire[65]. Tout cela fait que la Compagnie pourtant solidaire de l'ancien régime introduisit en France des informations sur les sociétés d'Amérique et d'Asie, qui orientèrent manifestement la pensée des philosophes et des publicistes pré-révolutionnaires.

Une figure en évolution: le «bon sauvage». Les études littéraires du XXe siècle s'intéressent au rôle culturel et philosophique des récits de voyage au siècle des Lumières, dont les L.E.C. Martino[66] et Pinot[67] commencent pour la Chine, Chinard[68] pour l'Amérique. Les nouveaux horizons éclairés par ces récits élargissent les points de vue de l'époque sur l'homme et la société. Ils révèlent des modèles humains étrangers au système culturel reconnu: celui du déiste, voire de l'athée et celui du «sauvage». Ce dernier présente des fluctuations caractéristiques d'une évolution des perceptions. A l'image d'un être barbare presqu'animal, puis marqué du sceau infernal de l'idolâtrie, succède l'image d'un sauvage plein de bon sens, tel cet Adario[69] qui se permet de critiquer les valeurs traditionnelles européennes. Les L.E.C. s'efforcent de minimiser la figure dangereuse du «bon sauvage» en situant l'Amérindien véritable dans un moment historique naïf que l'évangélisation vient épurer de ses superstitions ridicules. C'est alors qu'apparaîtront les qualités de la «vie sauvage» et de ses protagonistes. Mais leur grossièreté s'adoucit en une simplicité souvent évoquée qui cadre nettement le développement intellectuel des Indiens à un stade quasi enfantin. Les jésuites adoptent toujours un rôle de pédagogue. «Il faut en faire des hommes avant que d'en faire des chrétiens», disent les L.E.C. Le sauvage «frappé d'idiotisme chronique», selon l'expression de Berthiaume, peut-il vraiment accuser en retour la corruption de l'Européen civilisé et l'effet nocif de son organisation sociale?[70] Les propos des jésuites à ce sujet ne visent pas tant la critique sociale que le relâchement de la morale mondaine, morale qu'ils se plaisent à fustiger d'une comparaison avec la vertu de leurs jeunes communautés. N'empêche que leur langage sur les peuples d'Amérique dessine une grande fresque ethnologique dont Lafitau tire des corrélations internes sur le comportement et les croyances des Amérindiens. Ses fins polémiques — affilier ces peuples à une révélation divine — le conduisent à un mode d'observation historique et comparatif. Le discours ethnographique au siècle des Lumières est notamment étudié dans les recherches de Michèle Duchet, et Pierre Berthiaume consacre de sérieuses investigations aux L.E.C. dans sa thèse sur les Périples français en Amérique au XVIIIe siècle: du voyage à l'écriture.

Mission d'unification chez les chrétiens du Levant. Un dernier regard s'impose sur les relations du Levant. Elles font moins parler d'elles car elles n'apportent pas de perspective neuve au XVIIIe siècle. Le musulman reste un fidèle entêté dont on décrit les pratiques avec un zeste de dérision[71]. L'exotisme oriental transparaît tout de même dans la beauté d'une mosquée, dans le désordre pittoresque d'une caravane de marchands ou dans les mœurs des dames mahométanes de Perse. Les lieux bibliques donnent évidemment un terrain de prédilection aux commentaires jésuites et le père Sicard n'hésite pas à disserter, textes de l'Ecriture sainte à l'appui, sur le passage de la Mer morte par les Israélites[72]. L'histoire religieuse revient souvent avec des rétrospectives sur les schismes des diverses communautés chrétiennes que les jésuites s'efforcent de concilier à leur enseignement. C'est là «leur vigne», selon leur expression. Ils perçoivent d'ailleurs les peuples levantins dans une vision bien manichéenne: bons, ouverts, généreux s'ils ont gardé des liens avec la religion catholique; pervers, libertins et bouffons s'ils sont «hérétiques» ou «schismatiques»[73].

A vrai dire, cette vision manichéenne peut caractériser tout le discours des L.E.C. où la seule lumière de la «vraie foi» s'oppose aux ténèbres de l'erreur. Mais il faut nuancer. Tout cela est question de perspectives, on le sent quand les jésuites scrutent le comportement de l'Autre et tâchent d'en saisir les références. Dans ces limites, ils peuvent aisément passer pour des pionniers de l'esprit missionnaire et aussi d'une conscience de la diversité humaine, élargie au-delà d'un public «savant» spécialisé. Les L.E.C. contribuent alors aux mouvements de la pensée au siècle des Lumières, tout en subissant l'effet de sa prédilection critique. Deux faits parlent: l'importance croissante de l'élément curieux au fil de la publication se voit consacrée par le classement en matières géographiques du père Querbœuf, d'aspect nettement plus encyclopédique; de plus, l'esprit critique de certains contemporains discerne déjà l'essentiel des présupposés idéologiques et stratégiques des L.E.C. Etroitement liées à la querelle des rites chinois lors de leur fondation, les L.E.C. fonctionnent manifestement comme une publication de propagande à l'égard de la foi catholique, de l'ordre jésuite et de la patrie française, mais aussi finalement à l'égard de l'esprit cosmopolite en plein essor.

Nadine HAMADENE

 

Δ 4. Prescriptions réglant les relations épistolaires: Chron. Soc. Ies. III, p. 478; Mon. Ignat. II, p. 675, 677; V, p. 330. Sur les premières relations jésuites, voir les recherches de Dainville, dans La Géographie des humanistes, Beauchesne, 1940, p. 113 et suiv.

Δ 5. Parution de la Copie d'une lettre missive envoiee des Indes par M. Maistre François-Xavier [...] à son prevost M. Ignace de Loyola et à tous ses frères étudiants à Romme..., Paris, 1545, vendu chez Jean Courbon.

Δ 6. Histoire des choses memorables, sur le faict de la religion chrestienne, dites et executees es pays et royaumes des Indes Orientales, par ceux de la Compagnie du nom de Jesus, depuis l'an 1542 jusques a present. «Avec certaines epistres notables et concernantes l'estat des affaires du pays du Japon. Traduit, de l'ouvrage latin du père Maffeo, par le père Auger de la Cie de Jesus. Dedié à Monsieur». A Lyon par Benoist Rigaud, 1571, in-8º.

Δ 7. Père Chahu, Lettres de pays étrangers où il y a plusieurs choses curieuses et d'édification, envoyees aux Procureurs des missions de ces pays. A Paris, Denis Bechet, 1668.

Δ 8. Relations de ce qui s'est passe en Nouvelle-France envoyees au R.P. Provincial de la Cie de Jesus par le Supêrieur de la residence du Quebec. Paris, 1632-1673, 40 vol. in-12.

Δ 9. Demandes invoquées par le père Le Gobien dans la Préface du quatrième recueil.

Δ 10. Cf. Préface du 1er recueil. Les relations font encore bien allusion aux «problèmes matériels».

Δ 11. L.E.C., R 2, 1703, Préface du père Le Gobien; R 9, 1711, Préface du père Du Halde.

Δ 12. Mémoires de Trévoux, juin 1719, p. 1034.

Δ 13. Journal des savants, mai 1702, p. 273-275; juin 1750, p. 1201.

Δ 14. A. Rétif, «Brève histoire des L.E.C.», Neue Zeitschrift für Missionwissenschaft, vol. 7, 1951, p. 37-50. Voir p. 47 et suiv. sur l'accueil des L.E.C.

Δ 15. «Quelques remarques sur les voyageurs, où l'on fait voir leur négligence et leurs défauts dans les Relations qu'ils nous donnent, avec un catalogue des meilleurs auteurs qui ont traité des Parties de l'Asie, de l'Afrique et de l'Amérique», dans le Nouveau Mercure, mai 1721, p. 3-24.

Δ 16. F. de Dainville, p. 120.

Δ 17. «Réponse du père Sicard à un mémoire de MM. de l'Académie des sciences», L.E.C., éd. L. Aimé-Martin, Paris, 1838, t. I, p. 550.

Δ 18. Père d'Entrecolles, Lettre de Jao-Tchéou, datée de 1712; Lettre de Pékin, datée de 1722; père d'Entrecolles au père Du Halde. De l'Inoculation chez les Chinois, Pékin, 12 mai 1726, L.E.C., op. cit., t. III, p. 535-544.

Δ 19. R 34, Paris, Charles Berton, 1774. Préface du père Patouillet.

Δ 20. Père Parennin, Pékin 1726, puis 1727, 1728, 1734, 1736.

Δ 21. Cf. M. Duchet, Anthropologie et histoire au siècle des Lumières, Maspero, 1971.

Δ 22. Cf. F. Maury, Etudes sur la vie et les œuvres de Bernardin de Saint-Pierre.

Δ 23. Mémoires de Trévoux, janv.-févr. 1750, p. 113. Voir aussi L.E.C., R 27, à Paris chez les frères Guérin, 1749. Epître préliminaire du père Patouillet.

Δ 24. Rousselot de Surgy, Mémoires géographiques, physiques et historiques sur l'Asie, l'Afrique et l'Amérique. Paris, 1767, 4 vol. in-12, préface I, p. III. Voir compte rendu de l'ouvrage dans la Correspondance littéraire en avril 1767, t. VII, p. 286.

Δ 25. «Extraits de quelques lettres du père Bouvet» datés de 1710, dans L.E.C., éd. 1829-1832, t. XXVIII, p. 73.

Δ 26. Lettre du père Tachard au père de Trévou, à Chandernagor, le 18 janvier 1711, L.E.C., op. cit., t. XIX, p. 135.

Δ 27. Lettre du père Bouchet au père Baltus, L.E.C., op. cit., t. XVII, p. 88.

Δ 28. Dans l'article «Almanach», Questions sur l'Encyclopédie (Œuvres, Paris, 1877-1885, t. XVII, p. 122); cf. Duchet, p. 77-79.

Δ 29. Journal des savants, 2 févr. 1705, p. 65.

Δ 30. V. Pinot, La Chine et la formation de l'esprit philosophique en France, Paris, 1932, p. 61; voir les p. 158-167 sur le traitement des L.E.C. avant publication; nombreuses références sur documents d'époque.

Δ 31. Pinot, p. 166-167.

Δ 32. Père Brou, «Les Jésuites sinologues de Pékin et leurs éditeurs de Paris», Revue d'histoire des missions, 1934, p. 551-566; père Rétif, «Brève histoire des L.E.C.», p. 44-45.

Δ 33. Cf. P. Berthiaume, Périples français en Amérique au XVIIIe siècle: du voyage à l'écriture. Formes et signification. Thèse de doctorat à l'université Stendhal de Grenoble, Lettres Modernes, 1987; au chapitre IV, «Lettres de missionnaires», il produit l'analyse de remaniements observés dans une lettre manuscrite du père Bigot, «De la mission de Saint-François de Sales le 29 oct. 1694».

Δ 34. Sylvia Murr, «Les conditions d'émergence du discours sur l'Inde au siècle des Lumières», Purusartha, vol. 7, 1983, p. 239 (art. cité par Berthiaume).

Δ 35. Père Le Comte, Nouveaux Mémoires sur l'état présent de la Chine; également Histoire de l'édit de l'empereur de la Chine et Lettres des cérémonies de la Chine.

Δ 36. En 1639, J.B. Moralez, franciscain, envoie une Requête au visiteur des jésuites, le père Manuel Diaz, sur divers articles litigieux; en 1645 suit le décret papal d'Innocent III condamnant les tolérances des jésuites; en 1656, ce décret est éludé par Alexandre VII, suite à de plus amples informations; en 1676, Navarette publie des Tratados politicos de la China, contenant l'exposé de ses 119 doutes sur «la méthode jésuitique d'évangélisation»; en 1692 Antoine Arnauld divulgue les arguments de Navarette avec virulence dans la Morale pratique des jésuites.

Δ 37. 1700 est une année cruciale: les évêques installés en Chine par la Congrégation de la Propagande ont envoyé une série de rapports défavorables aux jésuites, les écrits du père Le Tellier sont désapprouvés, ceux du père Le Comte censurés par la Sorbonne, par ailleurs des interventions honorables cautionnent l'attitude des jésuites (l'empereur Cang-Hi lui-même, Mgr Benavente, et l'année précédente le roi du Portugal, Pedro II). Etiemble fournit la bibliographie de la polémique sur les rites chinois durant cette année 1700, dans La Querelle des rites, Julliard, 1966, p. 14-16; 1704, décret de Clément XI (il interdit les cérémonies chinoises et l'emploi des mots Tien ou Chang-ti pour désigner Dieu); 1715, la bulle «ex illa die», commande aux missionnaires de renoncer à toute pratique superstitieuse; bientôt tempérée par les huit permissions de Mgr Hezzabarba; 1742, la bulle «ex quo singulari», impose aux jésuites le sermet d'une intransigeance totale à l'égard des rites chinois.

Δ 38. Etiemble, Les Jésuites en Chine, l'Orient philosophique au XVIIIe siècle, Paris, C.D.U., 1961 et surtout La Querelle des rites, Paris, Julliard, 1966; Pinot, La Chine et la formation de l'esprit philosophique en France (1640-1740), Paris, 1932 (réimpr. Genève, Slatkine, 1971).

Δ 39. Pénitents, au mode de vie très austères, mais de la caste des brahmanes.

Δ 40. Cf. lettre du père Martin, du Bengale, L.E.C., éd. 1829-1832, t. XXVII, p. 474-477.

Δ 41. Débat clos en 1623 par le pape Grégoire XV, quand l'Inquisiteur dominicain Almeida renonça à ses griefs.

Δ 42. Les interventions de l'archevêque de Goa, de l'évêque de Saint-Thomé et du conseil de Pondichéry soutiennent le bien-fondé des pratiques jésuites.

Δ 43. B. Bekker, Le Monde enchanté, 1691; Fontenelle, L'Histoire des oracles, 1686; sur Fontenelle, voir Carré, La Philosophie de Fontenelle, Alcan, 1932.

Δ 44. Père Baltus, Réponse à l'Histoire des oracles de M. de Fontenelle de l'Académie française, dans laquelle on réfute le système de M. Vandale sur les auteurs des oracles du paganisme, sur la cause et le temps de leur silence et où l'on établit le sentiment des pères de l'Eglise sur le même sujet. Strasbourg, 1707, in-12, 374 p.; voir le compte rendu dans les Mémoires de Trévoux, août 1707, p. 1389-1408; père Baltus, Suite de la Réponse à l'Histoire des oracles [...], Strasbourg, 1708, 459 p.; compte rendu dans les Mémoires de Trévoux, janv. 1709, p. 13-28.

Δ 45. Lettre du père Bouchet au père Baltus, L.E.C., op. cit., t. XVIII, p. 88.

Δ 46. Lettre du père Bouchet, supérieur de la nouvelle mission de Carnate, sans date, in L.E.C., op. cit., t. XVIII, p. 56.; lettre du père Pons, à Carrical, côte de Tanjaour, 23 nov. 1740, in L.E.C., op. cit., t. XXII, p. 198-221.

Δ 47. Il cite les notions du paradis terrestre, de l'arbre de vie, de la source des quatre fleuves, des traces du déluge, des victoires d'Alexandre sous le nom de Javana-Raja (roi grec).

Δ 48. Voir entre autres «Lettre du père Contancin», Canton 1727 (L.E.C., op. cit., t. XXXII, p. 221) pour l'exposé du culte rendu par l'empereur; «Lettre du père Premare», 1724 (t. XXXIII, p. 5) sur le même sujet, et sur les livres sacrés chinois; «Lettre du père Parennin» sans date (t. XXXV, p. 90) sur la morale et les mœurs chinoises.

Δ 49. «Lettre du père Parennin», Pékin 1735 (t. XXXIV, p. 216).

Δ 50. «Mémoire sur les Juifs établis en Chine» (t. XXXVII, p. 256-295). Voir p. 280 et suiv. sur la visite du père Gaubil à la synagogue de Cai-Fong-Fou.

Δ 51. R.P. Lafitau, Mœurs des Américains comparées aux mœurs des premiers temps, Paris, 1724.

Δ 52. «Etat des missions du Paraguay» du père F. Burges à sa Majesté catholique, non daté (t. XIV, p. 215); «Lettre du père Fauque», Oyapoc (Guyanne), 1735 (t. XIII, p. 33). Les missionnaires de Chine mesurent davantage leurs déclarations, l'athéisme des milieux lettrés est voilé par leur philosophie et le père Parennin dément qu'il y ait une doctrine athée dans les Kings chinois; voir «Lettre du père Parennin», Pékin, 1730 (t. XXXIV, p. 5).

Δ 53. Au sujet de l'influence des L.E.C. sur Voltaire, cf. Débidour, «L'Indianisme de Voltaire», Revue de littérature comparée, t. IV, 1924, p. 26-41.

Δ 54. Cf. «Lettre du père Contancin», Canton, 1727 (t. XXXII, p. 221), sur le gouvernement de la Chine et le rôle de l'empereur, avec des renseignements tirés de la «Gazette publique».

Δ 55. Cf. lettre du père ** à M. d'Aubert, premier président du Parlement de Douai, Canton (sans date), t. XXXVII, p. 311, sur les études chinoises et la sélection des mandarins.

Δ 56. Voltaire, Essai sur les mœurs, chap. CXCV (cité par Vissière, p. 34).

Δ 57. Sur Montesquieu, voir E. Carcassonne, «La Chine dans l'Esprit des lois», R.H.L.F., 1924, t. XXXI, p. 203; et Muriel Dodds, Les Récits de voyages, sources de l'«Esprit des lois» de Montesquieu, Champion, 1929.

Δ 58. Voir «Lettre du père Bouchet», à Pondichéry, le 14 février 1716 (t. XV, p. 10); elle contient la relation du père Florentin de Bourges, missionnaire capucin, de son voyage aux Indes orientales par le Paraguay, le Chili et le Pérou.

Δ 59. 1606: la tutelle administrative du Paraguay est accordée aux jésuites par le roi Philippe III d'Espagne; 1767: date de l'expulsion de la Compagnie hors des territoires espagnols; cf. Crétineau-Joly, Histoire religieuse, politique et littéraire de la Compagnie de Jésus, Paris-Lyon, 1845-1846, t. 3, p. 219-226 et t. 5, p. 68-101.

Δ 60. L.A. de Bougainville, Voyage autour du monde, Paris, chez Saillant et Nyon, 1771. Edition de Maspero, La Découverte, Paris, 1981, p. 70.

Δ 61. G.Th. Raynal, Histoire philosophique des deux Indes, 1772: édition d'un choix de textes par Yves Benot, chez F. Maspero, La Découverte, Paris, 1981; voir p. 127 et suiv., chap. 17 sur «Les Guaranis».

Δ 62. Père de Charlevoix, Histoire du Paraguay, Paris, Didot, Griffart, Nyon, 1756, 3 vol.

Δ 63. A. Dumeril, «Influence des jésuites, considérés comme missionnaires, sur le mouvement des idées au XVIIIe siècle», dans Mémoires de l'académie de Dijon, 1874, p. 1-34; voir p. 14-15.

Δ 64. Pour Turgot, cf. article de Hauser dans Revue de littérature comparée, IX, 1929, p. 722 et suiv.

Δ 65. Lettre du père Bouchet, à Pondichéry, 2 oct. 1714 (t. XX, p. 77).

Δ 66. Pierre Martino, L'Orient dans la littérature française au XVIIe et au XVIIIe siècle, Paris, Hachette, 1906.

Δ 67. V. Pinot, La Chine et la formation de l'esprit philosophique en France (1640-1740), Paris, librairie orientaliste Paul Geuthner, 1932.

Δ 68. G. Chinard, L'Amérique et le rêve exotique dans la littérature française au XVIIe et au XVIIIe siècle, Paris, Hachette, 1911.

Δ 69. La Hontan, Dialogue curieux entre l'auteur et un sauvage de bon sens qui a voyagé, 1703.

Δ 70. Cf. René Gonnard, La Légende du bon sauvage, contribution à l'étude des origines du socialisme, Paris, Editions politiques, économiques et sociales, 1946, p. 87-94.

Δ 71. Voir l'«Extrait de la lettre d'un missionnaire d'Alep sur le ramadan des Turcs [...]», à Alep en Syrie (t. III, p. 72 et suiv.).

Δ 72. Lettre du père Sicard missionnaire au Grand Caire au père Fleuriau, sur le passage des Israélites à travers la Mer rouge (t. IX, p. 1).

Δ 73. Cf. J. Sgard, «Petites Lumières des jésuites du Levant», dans Orient et Lumières, colloque de Lattaquié, 1986, textes recueillis par A. Moalla, université Stendhal, Grenoble 1987.

 


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