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Dictionnaire des journaux 1600-1789, sous la direction de Jean Sgard, Paris, Universitas, 1991: notice 799 LETTRES CHINOISES (1739-1740) 1] Titres Lettres Chinoises, ou Correspondance Philosophique, Histo-rique et Critique, Entre un Chinois Voyageur à Paris et ses Correspondans à la Chine, en Moscovie, en Perse et au Japon. Continuation des Lettres juives (1735-1737) et des Lettres cabalistiques (1737-1738). 2] Dates Juin 1739 - décembre 1740. Cinq tomes. Périodicité annoncée et réelle des demi-feuilles: bihebdomadaire (les lundi et jeudi). 1739: t. I; 1740: t. II-V. 3] Description Chaque tome comprend trente Lettres correspondant à 240 p., chaque Lettre ou livraison étant de 8 p. En outre, les t. I et II contiennent une Epître dédicatoire et une Préface, le t. III une Epître dédicatoire, le t. IV une Lettre au libraire et une Préface, le t. V un Avertissement du libraire: tous ces textes ne sont pas paginés. Cahier de 16 p., 90 x 155, in-8º. 4] Publication A La Haye, Chez Pierre Paupie. Les Lettres se trouvent à Amsterdam chez F. Changuion, H. Uytwerf, J. Ryckhoff fils et J. Desbordes (le nom de J. Desbordes disparaît à partir de la Lettre 8 et est remplacé, à partir de la Lettre 13, par celui d'E. Ledet et Cie), à Rotterdam chez la veuve T. Johnson et fils, à Leyde chez J. et H. Verbeek, à Utrecht chez E. Néaulme, à Breda chez J. Van den Kieboom. La demi-feuille qui contient le Titre, l'Epître et la Préface et qui paraît au moment de la réunion en volume (toutes les 30 Lettres) est distribuée gratis par reconnaissance de l'auteur pour l'empressement du public. 5] Collaborateurs Jean-Baptiste de Boyer, marquis d'ARGENS. 6] Contenu Contenu annoncé: écrit «dans le même goût» (Lettre 1, Avertissement du libraire, p. 7) que les Lettres juives et les Lettres cabalistiques, ce nouveau périodique vise à compléter le panorama des civilisations lancé par les Lettres juives; il s'agit désormais de «comparer les mœurs des différentes nations de l'Europe» (notamment celles que n'ont pas traversées les correspondants israélites) «avec celles des Chinois» (ibid.) et des pays d'Asie. Contenu réel: étude comparative des caractères, mœurs, coutumes, conditions, institutions, lois et croyances des pays parcourus par les voyageurs mis en scène (Occident: France, Allemagne, pays septentrionaux; Orient: Perse, Japon, Siam, Chine); narrations historiques concernant villes, Etats et gouvernements (notamment Suède et Danemark) et portraits de princes (Pierre le Grand, Gustave 1er, Charles XII...); description de l'état des sciences, lettres et arts et analyse des rapports entre écrivains d'une même nation ou de nations différentes; exposé comparatif des systèmes philosophiques (anciens, modernes et orientaux) et des dogmes des religions judaïque, chrétienne (protestante, orthodoxe et catholique) et orientales; problèmes des missions chrétiennes et des cérémonies chinoises, situation des Juifs de la diaspora. Principaux centres d'intérêt: le comparatisme constant et à plusieurs termes (Occident, Orient, Antiquité et Temps modernes), source de connaissance de l'homme et d'enseignement philosophique; la lutte contre la force et le ridicule des préjugés et de la superstition, contre les cruautés du despotisme et du fanatisme (satire antireligieuse); la défense de la «bonne philosophie»: primauté de la morale, liens de la vertu et du bonheur, considération du bien public; les développements relatifs au peuple des Guèbres et à la religion de Zoroastre ou encore aux Juifs (pratiques religieuses, persécution en Occident). Principaux auteurs mentionnés ou dont des extraits sont cités: jésuites (Du Halde, Tachard), juristes (Grotius et Pufendorf), libertins et philosophes (de Montaigne à Montesquieu et Voltaire en passant par Bayle, Fontenelle, Saint-Evremond; de Gassendi à Newton en passant par Descartes, Leibniz, Locke, Malebranche, Spinoza). 7] Exemplaires Collection étudiée: B.N., Z 15548-15552. Autres collections: B.M. Toulouse, 189 E. 2426 (1-5); B.M. Strasbourg. 8] Bibliographie B.H.C., p. 59; DP2, art. «Argens». Rééditions: 1742: La Haye, Pierre Paupie, 6 vol. 1751: Nouvelle Edition, Augmentée de Nouvelles Lettres, de Quantité de Remarques, etc., La Haye, Pierre Gosse junior, libraire de S.A.R., 5 vol. (149 Lettres: manque la 145e qui contient une pièce de poésie du baron de Montolieu). Le t. I s'ouvre sur deux Lettres aux Editeurs du Journal helvétique (p. I-XLVIII): B.N., Z 15553-15557. 1755: Nouvelle Edition, Augmentée de Nouvelles Lettres et de quantité de Remarques, La Haye, Pierre Paupie, 6 vol. (le t. VI comprend en outre les Songes philosophiques), B.N., Z 15558-15563. 1756: Cinquième Edition, Augmentée de plusieurs Additions considérables, de Remarques, etc., d'une Dissertation sur les Disputes Littéraires, de plusieurs Nouvelles Lettres, et d'une Table des Matières, La Haye, Pierre Gosse, Jun., lib. de S.A.R. et Nicolas Van Daalen, libraire, 6 vol. (le t. 6 comprenant également les Songes philosophiques). Les Lettres nouvelles (L. 91-98) sont des Réflexions sur l'empereur Julien (cf. Vie de l'empereur Julien de J.P.R. de La Bléterie): Ars., 8º B.L. 31983 (1-6). 1766: Nouvelle Edition, Augmentée de nouvelles Lettres et de quantité de Remarques, La Haye, Pierre Paupie, 6 vol.: B.N., Z 15564-15565 (t. I-II). 1769: La Haye, Pierre Paupie, 6 vol.: B.M. Bordeaux, B. 11165 (1-6). 1779: ibid. 8 vol. Mentions dans Nouvelle Bibliothèque (févr. 1739, p. 237-239 et juin 1739, p. 289), Amsterdam (23 juin, 3 juil., 4 sept. 1739), Journal helvétique (oct. et nov. 1740), L'Année littéraire (1756, t. II, p. 145-166). Monographies: cf. Lettres juives. Historique Encouragé par l'«heureux succès» des Lettres juives et l'accueil finalement favorable réservé aux Lettres cabalistiques, dédaigneux des «trente-deux brochures» parues contre lui en l'espace d'un an (t. I, Préface), d'Argens, qui se dit loin d'avoir épuisé sa matière, décide de courir une troisième fois la même carrière, tout en changeant de scène. Dès février 1739, dans une lettre publiée par la Nouvelle Bibliothèque (art. cit.), il fait part de son intention «de donner trois ou quatre volumes de Lettres chinoises» (il entend profiter de la mode de la Chine), et, tandis qu'il se flatte d'avoir déjà réuni «quelques matériaux», il annonce le début de la publication pour le mois d'avril. En réalité, c'est seulement en juin que commenceront à être publiées les nouvelles Lettres qui doivent compléter le tableau des civilisations lancé par les Lettres juives et la critique des mœurs et des coutumes des différents peuples. Retiré dans une «solitude aimable», à Maastricht, disposant d'un «bien honnête et plus que suffisant» (t. II, Epître) depuis qu'il s'est réconcilié avec sa famille, d'Argens promet tous ses soins pour satisfaire une fois encore le public. De fait, celui-ci n'a pas boudé les Lettres chinoises, même s'il n'a pas retrouvé le vif enthousiasme qu'avait suscité la Correspondance d'Aaron, d'Isaac et de Jacob. En tout cas, les Lettres chinoises n'ont pas soulevé des querelles aussi nombreuses que le premier périodique. A côté de la dispute avec le jésuite Le Fèvre au sujet de Bayle, signalons simplement la contestation relative à la peinture de la Suisse. Deux articles du Journal helvétique d'octobre et de novembre 1740 (notamment «Apologie des Suisses contre la 82e Lettre chinoise») prennent à partie d'Argens qui répond, sous la signature du baron de Fusch, dans deux Lettres aux Editeurs du Journal helvétique. Ces Lettres ne seront publiées qu'à l'occasion d'une réédition des Lettres chinoises, en 1751, et supprimées par la suite: le journaliste est justifié dans son tableau qui ne présente «rien de disgracieux» (il s'est contenté de copier Mézerai!), et les «bévues grossières», les «injures» du contradicteur et de sa «rapsodie» sont vivement dénoncées. Régulièrement réunies en volumes, selon le mode de regroupement utilisé pour les Lettres antérieures, les Lettres chinoises sont interrompues après le 5e tome. Dans la Lettre au libraire qui ouvre le t. IV, d'Argens, dont la santé n'est pas entièrement rétablie, nous apprend que, si l'éditeur, fort du cours des ventes et du contentement du public, l'incite à donner encore un ou deux volumes, son médecin, lui, l'exhorte au repos: «Laissez-là les Chinois et tous les peuples chez lesquels vous voyagez depuis assez longtemps en imagination...». Après avoir fait paraître les Lettres qui constituent le 5e volume, le libraire suspend la publication à la fin de 1740. Il parle alors d'un simple «délai» et envisage l'hypothèse d'une reprise (Avertissement, t. V). Mais d'Argens, qui quitte la Hollande et s'établit à Stuttgart auprès de la duchesse de Wurtemberg, ne reprendra pas sa Correspondance. En septembre 1739, dans la Préface du t. I, il promettait que «les éditions nouvelles qu'on pourrait faire des Lettres chinoises» ne seraient «jamais plus considérables que cette première». Et il ajoutait que, s'il venait à augmenter le nombre de Lettres distribuées périodiquement, il les ferait vendre «en supplément». Néanmoins, certaines rééditions comprendront, outre des corrections, des additions (lettres et notes). En 1769, il rappelle bien qu'il «n'aurait pas voulu détériorer les premières éditions» par des «augmentations», mais il y est poussé par le désir de rendre l'œuvre digne du public (Préface). Quoi qu'il en soit, ces rééditions (à peu près aussi nombreuses que celles des Lettres juives) attestent le retentissement durable des Lettres chinoises. Retentissement également étendu dans l'espace, puisque, comme les précédentes Lettres, les Lettres chinoises sont traduites en diverses langues: anglais (Chinese Letters, 1741), allemand (par les soins d'un savant de Leipzig, selon la première Lettre aux Editeurs du Journal helvétique, p. XXIX, cf. Chinesische Briefe, Berlin, 1768-1771), certaines traductions pouvant être elles-mêmes rééditées (The Chinese Spy, 2nd ed., 1752). Avec les Lettres chinoises, marquées de plus d'érudition, mais de moins de vivacité et de fantaisie que les Lettres juives, se clôt la série des Lettres périodiques de d'Argens. Comme celui-ci se plaît à le souligner à maintes reprises, les différentes Lettres sont en étroite connexion et ne forment en réalité qu'un seul ouvrage (ce dont témoigne le titre général de Correspondance philosophique historique...). Riche d'une quinzaine de volumes, la collection périodique de d'Argens a l'intérêt de révéler, dès 1740, un publiciste attaché aux principales revendications des Lumières, «digne ennemi du fanatisme», «superstitionis destructor», pour reprendre les termes de Voltaire (Best.D4573, D4927). Robert GRANDEROUTE
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