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Dictionnaire des journaux 1600-1789, sous la direction de Jean Sgard, Paris, Universitas, 1991: notice 734 LE JOURNAL FRANÇAIS (1777-1778) 1] Titres Le Journal Français, par Messieurs Palissot et Clément. 2] Dates 15 janvier 1777 - 30 avril 1778; 4 volumes; bimensuel. Avec privilège (sans le texte). Prospectus en décembre 1776. Selon l'Avis du premier numéro, chaque numéro sera «composé d'un cahier de trois feuilles d'impression ordinaire», c'est-à-dire de 48 p., à paraître le 15 et le 30 de chaque mois. L'Avis annonce aussi un supplément tous les deux mois, qui fera connaître «la notice des édits, déclarations, lettres patentes, arrêts du conseil, etc.», fonction reprise au Journal de Verdun disparu en 1776. 3] Description Quatre volumes trimestriels dont chacun contient 348 p., à savoir 8 numéros de 48 p., à pagination continue, format in-8º, 125 x 200. Vol. I-III (1777), nº 1-24; vol. I (1778), nº 1-8. 4] Publication Paris, Moutard, imprimeur-libraire de la Reine, de Madame et de Mme la comtesse d'Artois, rue des Mathurins, à l'Hôtel de Cluni. Souscription à 24 # françaises; les numéros ne se vendent pas séparément (Avis, nº 24). La souscription aurait été de 900 environ la première année, puis serait tombée à 200 en 1778 (Mettra, t. VI, p. 198, 4 mai 1778). 5] Collaborateurs Charles PALISSOT et Jean-Marie-Bernard CLÉMENT. 6] Contenu Lettres aux éditeurs, comptes rendus (souvent de longs résumés avec extraits), nouvelles et annonces littéraires. Le texte manifeste à maintes reprises l'obsession de Voltaire (la réputation de celui-ci étant plutôt ménagée) et des encyclopédistes. Une place importante est réservée aux œuvres sortant des presses de Moutard. Une feuille contenant la table et un catalogue des livres nouveaux parus chez Moutard, sans pagination, est ajoutée à chaque numéro. 7] Exemplaires B.N., Z 52121-52123 (1777); Z 52125 (1778): manque nº 3, et tous les suppléments bimensuels. 8] Bibliographie Mettra, Correspondance secrète, politique et littéraire, Londres, John Adamson, 1787, t. IV, p. 57-58 et t.VI, p. 198); La Harpe, Correspondance littéraire, Paris, Migneret et Dupont, 1801, t. II, p. 40-41; Grimm, C.L., t. XI, p. 383-384; L'Année littéraire, 1776, t. VIII, p. 215-216; M.S., 12 déc. 1776. – Balcou J., Le Dossier Fréron, Saint-Brieuc, Presses Universitaires de Bretagne, 1975, p. 389-390. – Balcou J., Fréron contre les philosophes, Genève, Droz, 1975, p. 459. – Delafarge D., Vie et œuvres de Palissot, Hachette, 1912, p. 386-392. Historique Le 12 décembre 1776, Bachaumont annonce le nouveau périodique dans ces termes: «On répand encore le prospectus d'un Journal Français, par messieurs Palissot et Clément, qui, à les en croire, s'en sont trouvés chargés au moment où ils y pensaient le moins. Ce qui n'est pas plus aisé à persuader, c'est que la décence et l'impartialité en seront la base. Ils ne prennent point la plume pour critiquer, mais au contraire, pour venger les auteurs qui auront à se plaindre: nouveaux Ajax, ils offrent leur bouclier à quiconque voudra s'en couvrir. La fin de tout cela, c'est qu'ennemis jurés de la philosophie et des philosophes, ces messieurs se proposent de faire la contrepartie du successeur de Me Linguet; et comme celui-ci est absolument vendu au parti encyclopédique, ils en contrecarreront tous les jugements, ils en détruiront toutes les idoles. Tous deux ont du talent, et un assez grand fonds de méchanceté pour en bien nourrir leur journal; mais aucun n'a cette gaieté, cet art de l'ironie, que possédait si supérieurement Fréron.» Mettra suit les termes du prospectus: «Ils annoncent [...] que le gouvernement les avait invités à se charger de la rédaction de ce Journal qui avait pour titre, le Journal Français. Il s'élevera sur les ruines du Journal de Verdun qui est supprimé» (C.S., t. IV, p. 57-58, 27 déc. 1776). Palissot confirme qu'il a été chargé de ce travail «par ordre du magistrat de la librairie» (Delafarge, p. 386). La Correspondance littéraire n'a pas non plus d'illusions sur le but de l'entreprise: «Ces messieurs ont assuré le public, dans leur prospectus, que la décence et l'impartialité présideraient à toutes leurs critiques. Le public en a de trop sûrs garants dans la comédie des Philosophes et dans les Lettres à M. de Voltaire, pour avoir aucun doute là-dessus; ainsi la bonhommie de ces messieurs n'a rien à craindre d'un engagement dont la sévérité eût peut-être écarté, dans toute autre circonstance, un grand nombre de souscripteurs» (t. XI, p. 383-384). La Harpe, qui est lui-même à partir de 1776 «le successeur de Linguet au Journal de Bruxelles» [le Journal de politique et de littérature], confirme que, selon le prospectus, le nouveau journal devait succéder au Journal de Verdun; il souligne en même temps la collaboration malaisée qui semble s'annoncer entre les deux auteurs: «Il y a pourtant, dit-on, de grandes difficultés, parce que ces deux critiques sont absolument opposés l'un à l'autre sur plusieurs points essentiels, entre autres sur M. de Voltaire dont Palissot a toujours été l'admirateur, et que Clément fait profession de mépriser. Il en est de même de plusieurs autres écrivains sur lesquels ils ne s'accordent pas; mais on dit que ces deux messieurs travaillent ensemble comme Octave et Antoine sur les victimes qu'ils s'abandonneront réciproquement, et qu'ils dressent la table des proscriptions» (C.L., t. II, p. 40-41). Stanislas Fréron exprime la même défiance (A.L., 1776, t. VIII, p. 215-216). En effet, les préoccupations principales des deux rédacteurs semblent souvent se heurter. Clément par exemple manifeste à maintes reprises son hostilité à l'égard de Voltaire, que Palissot voudrait ménager, et celui-ci la sienne à l'égard de Marmontel, Dorat et surtout Fréron. Un «Précis historique de la vie de Fréron» suscite dès le début une riposte de son fils dans L'Année littéraire (1776, t. VII, p. 343-354), suivie peu après d'une autre contre-attaque (1776, t. VIII, p. 192-216); Palissot y répond en son propre nom (t. I, p. 169-86). «On dirait», dit Fréron, que les auteurs «se sont moins proposé pour objet l'examen des livres nouveaux, que la critique de L'Année littéraire» (1776, t. VIII, p. 192). Clément pour sa part attaque sans relâche «l'arrogante ostentation de certains philosophes charlatans» (t. III, p. 205), surtout dans le «Projet de réquisitoire ou de règlement sur la manière dont on pourrait traiter à l'avenir les esprit forts, soi-disant philosophes» où il dénonce «ce virus de la fausse philosophie» (t. I, p. 19). Palissot, qui s'efforçait peut-être de «ménager leur puissance et de rentrer en grâce auprès d'eux» (Delafarge, p. 391), dira que les critiques de Clément sont «sévères, et souvent exprimées d'une manière trop dure» (Œuvres, 1809, t. IV, p. 169). «Faute d'une direction ferme, le Journal français n'éveilla que peu d'intérêt. Les comptes rendus de livres et les articles d'histoire y occupaient une place démesurée. Palissot notamment débita en petites tranches des études critiques sur les historiens du XVIe siècle qui fatiguèrent vite son public. [...] Egalement suspect aux partis adverses, le Journal français ne pouvait même pas compter sur l'appui des lettrés» (Delafarge, p. 386-387). Les difficultés de la revue sont avérées par un avis publié à la fin de la première année: il fait état des rumeurs qui courent sur sa cessation, répandues par «quelques écrivains que ce journal importune», et qui lui ont suscité «une foule de tracasseries obscures». Stanislas Fréron, sachant dès le 24 février suivant que le journal est menacé («Le journal de Palissot tombe de jour en jour»), s'en délecte et cite l'épigramme qu'il a lui-même faite en son honneur (Balcou, Dossier, p. 389). En effet les renouvellements ne viennent pas, selon Métra, qui écrit le 4 mai: «Le Journal français dont on attendait des merveilles à cause de la réputation des deux auteurs, Mrs. Palissot et Clément, qui sont très connus par leur critique sévère et maligne, n'a pu se soutenir malgré tous les efforts que ces aristarques ont faits pour être méchants. Il n'a plus que 200 souscripteurs, de 900 qu'il avait l'année dernière. Le Public est malin; il aime les méchancetés: mais il veut qu'on l'instruise, et le Journal français n'était rien moins qu'instructif. M. l'abbé Grosier, un des coopérateurs des feuilles de l'Année littéraire, entreprend de donner une nouvelle vie au défunt Journal français. Il sera seul chargé de sa rédaction, et le public espère que tout ce qui regarde l'histoire y sera bien traité: mais est-il bien propre à rendre compte des ouvrages de littérature et de poésie?» (C.S., t. VI, p. 198). Cela explique peut-être qu'aucune annonce spéciale n'accompagne le 8e et dernier numéro de 1778. Que cette tentative de sauvetage ait été pratiquée avant ou après ce moment précis, elle n'a en tout cas abouti à rien. Suite à la faillite de Lacombe au Mercure, Panckoucke réunira ces deux privilèges à ceux du Journal de littérature et de politique et du Journal des dames de Dorat, pour créer le nouveau Mercure de France (La Harpe, Corr. litt., t. II, p. 250-251). Philip STEWART
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