ISSN 2271-1813

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Dictionnaire de la presse française pendant la Révolution 1789-1799

C O M M A N D E R

   

Dictionnaire des journaux 1600-1789, sous la direction de Jean Sgard, Paris, Universitas, 1991: notice 723

*JOURNAL DU PALAIS (1672-1695)

1Titres Journal du Palais ou Recueil des principales décisions de tous les Parlemens et Cours Souveraines de France.

2Dates 19 mai 1672 - 13 septembre 1674. Publication en livraisons formant 3 volumes, suivis de 9 autres publiés de 1676 à 1695. Premier privilège le 6 février 1672 (enregistré le 12 février 1672, ms. f. fr. 21945, fº 114r. Second privilège le 24 août 1676.

Hebdomadaire du 19 mai 1672 au 13 septembre 1674 (16 livraisons pour le premier volume, 41 pour chacun des deux suivants), puis volumes sans périodicité régulière.

3Description Chacun des trois premiers volumes est qualifié de «partie», le premier compte 210 p., onze autres environ 500 p. chacun. Les livraisons hebdomadaires comptent en général 12 p. Format in-4º, 170 x 240 (Inst.), pagination continue.

A la page de titre du 1er volume les armes de France, à celle des volumes suivants les armoiries des de Mesmes.

4Publication A Paris, chez Denis Thierry, rue Saint-Jacques à l'enseigne de la Ville de Paris, et Jean Guignard, à l'entrée de la grand-salle du Palais. Imprimeur Denis Thierry, mentionné dans le J. du P.

5Collaborateurs Gabriel GUÉRET associé à Claude BLONDEAU.

6Contenu Arrêts de Parlements et Cours souveraines de France. Chacun des trois premiers volumes possède une table des questions dans l'ordre des numéros. Le 4e volume offre une table cumulative des matières traitées dans les quatre premières parties. Chacun des huit volumes suivants possède sa propre table. On trouve une table manuscrite dans le 12e volume de la collection de l'Institut.

7Exemplaires Collections étudiées: B.N., F 19823, F 12670-12681, F 2121-2122, F 2123-2124 et F 2125-2126; Ars., Fol J 9341; Inst., 4º L 164A-F avec l'aide de Pierre Burger; B.M. de Meaux; B.L., 1127 K 18 (9); Herzog August Bibl. Wolfenbüttel, Rf 31 (cette collection a appartenu à Joseph Ancillon).

8Bibliographie B.H.C., p. 59; DP2, art. «Blondeau» et «Guéret».

On compte 5 rééditions (les indications du catalogue de la B.N. sont inexactes). En 1679 la 1re et la 2e partie, en 1682 la 5e partie, en 1701 les 12 parties remaniées en 2 volumes in-folio, eux-mêmes réédités en 1713, 1727 (mentionné par Barbier, pas rencontré dans les fonds consultés) et 1755.

Sources manuscrites: B.N., ms. f. fr. 21741; B.U. Leyde, March. 7, [March].

Mentions dans la presse du temps: Histoire des ouvrages des savants, septembre 1690. Mercure, juin 1737, t. II, p. 1286 et suiv.

Historique Empruntant son nom au registre où les tribunaux consignaient leurs activités quotidiennes, et s'inscrivant dans une longue tradition de recueils d'arrêts, le Journal du Palais innova à la fois par la publication périodique et la sélection de décisions éditées avec des remarques, ce qui le destinait autant à l'information qu'à l'étude.

Ses deux auteurs, les avocats Gabriel Guéret et Claude Blondeau connurent une carrière assez différente: le premier lancé dans les cercles mondains écrivit un petit manuel de la réussite à la Cour, plusieurs œuvres précieuses et assura l'édition d'ouvrages de droit civil, alors que le second, aîné des deux amis, s'intéressait plus spécialement au droit ecclésiastique. Ces deux juristes obtinrent conjointement, le 6 février 1672, un privilège qu'ils ne tardèrent pas à faire enregistrer, le 12 du même mois. Il les autorisait à publier pendant dix ans un «recueil des principales décisions de tous les parlemens et cours souveraines de France», ce qui reprenait une partie du privilège d'août définissant le champ du Journal des savants dont Guéret et Blondeau captèrent aussi un peu du prestige en plagiant son titre. Mise en vente le jeudi à partir du 19 mai 1672, la nouvelle publication profitait aussi du dépérissement de son aînée, donnée seulement quatre fois depuis le début de l'année par l'abbé Gallois.

Les auteurs n'entendaient pas présenter les nouvelles décisions, mais des arrêts parisiens et provinciaux choisis, sans ordre chronologique, pour couvrir les diverses matières de la jurisprudence. La sélection des arrêts, la volonté d'une édition exacte et l'ampleur des commentaires joints à la publication hebdomadaire destinaient, selon l'avertissement, l'ouvrage à l'étude, mais convoitant aussi la clientèle des parties gagnantes désireuses d'une large publicité, les journalistes offrirent d'insérer leurs sentences. La périodicité de la nouvelle revue s'inspirait du modèle de la Gazette, déjà copiée par le Journal des savants: à un rythme hebdomadaire, s'ajouterait la parution d'extraordinaires consacrés à «de grandes questions, qu'on ne pourroit renfermer dans les trois cahiers que l'on s'est prescrits», les auteurs ayant adopté une publication par livraisons pour laisser «toujours le lecteur dans le désir d'une suite».

Réalisées par deux libraires spécialisés dans le droit, Denis Thierry établi rue Saint-Jacques qui les imprimait et Jean Guignard installé au Palais, les livraisons in-4º de 12 p. (parfois doublées ou quadruplées), vendues 5 s., recevaient un paraphe (au nom de Dumas ou de Richer) pour éviter, disait la préface, «qu'on ne contrefasse cet ouvrage et qu'on ne le corrompe»; mais les contrefacteurs de périodiques pratiquaient peu l'in-4º, aussi cette marque quasi-notariale visait plutôt à suggérer l'exactitude des textes publiés. Les journalistes ne se contentèrent pas de respecter les vacances du Parlement, autour de la Saint Martin, mais pour bien marquer la spécialité de leur Journal et le public visé, ils les choisirent aussi comme césure d'une année qui compta après les seize numéros de 1672, quarante et une livraisons pour chacun des deux volumes suivants, après lesquels la publication s'interrompit pendant deux ans.

Une livraison présentait en général deux ou trois arrêts, au moins un de Paris, et les auteurs ayant «établi des Correspondances dans tous les lieux», un choix de décisions provinciales provenant surtout de Toulouse et d'Aix dans la première partie. Chaque article s'annonçait par un assez copieux sommaire que suivaient une analyse du jugement, puis des commentaires des journalistes qui traitaient «amplement les questions de part et d'autre» (Histoire des ouvrages des savants) et joignirent une table des questions d'une douzaine de pages à chacun des trois premiers volumes.

Interrompu l'année de la reprise du Journal des savants et d'une révision des privilèges, le Journal du Palais parut de nouveau en 1676 en vertu d'un second privilège, accordé cette fois au libraire Guignard et allongeant le monopole d'édition à vingt ans. Cette reprise correspondit à une modification plus importante, celle de la périodicité: abandonnant les livraisons hebdomadaires, les auteurs passèrent alors à des volumes qu'ils donnèrent sans périodicité fixe, mais le plus souvent tous les deux ans, et après la mort de son ami, Blondeau poursuivit seul l'ouvrage jusqu'en 1695. La modification de la forme de publication s'accompagna aussi de l'adjonction de nouvelles tables: le quatrième tome offrit en 1676 une table des matières et une autre «des personnes qui sont parties dans les arrêts» qui couvraient les journaux déjà parus, puis chacun des huit volumes postérieurs posséda les siennes.

«Le goust du public pour cet ouvrage» (H.O.S.) imposa dès 1679 la publication, à côté d'un sixième tome, de rééditions des deux premiers volumes ce qui mobilisa très tôt cette année l'une des cinq presses de Denis Thierry, comme en témoigne le procès-verbal de la visite des syndics et adjoints de la communauté des libraires et imprimeurs du vendredi 10 mars 1679 (ms. f. fr. 21741, fº 13). Cette réédition qui se poursuivit en 1682 avec le volume cinq parallèlement à la publication du huitième tome du recueil, entraîna l'introduction dès 1679 de la mention «achevé d'imprimer pour la première fois», révélatrice du souci d'authentification appliqué cette fois à la différenciation des impressions.

En 1699, «comme il estoit devenu très cher et que les premiers volumes manquoient» (March.), les deux libraires entreprirent une édition remaniée. Ils réunirent en deux folios toute la matière publiée de 1672 à 1695, substituèrent à l'ordre des livraisons un classement chronologique des arrêts qu'ils enrichirent par «une conférence de ceux qui ont du rapport, ou qui semblent contraire, afin de lier davantage les matières pour la commodité des lecteurs»; souci auquel répondait aussi la compilation de trois tables, des questions, des matières et des noms des parties, la première en tête des volumes et les deux autres à la fin de l'ouvrage. Achevé d'imprimer à l'été 1701, ce recueil, vendu 36 livres selon Prosper Marchand, connut plusieurs rééditions jusqu'au milieu du XVIIIe siècle; les catalogues de bibliothèques mentionnent celles de 1713, 1737, 1755 et Barbier en indique une autre datant de 1727.

«On ne sçaurait assez bien exprimer avec quel applaudissement le Journal du Palais... a été reçu dans le public», écrivit le Mercure de juin 1737 attestant le succès de l'ouvrage dans la première moitié du XVIIIe siècle que confirme la présence de ses collections dans les bibliothèques privées, spécialement de robins.

Ainsi le Journal du Palais offrit au public parisien le premier essai d'un périodique spécialisé et quasi professionnel: dans un champ restreint, il se proposait de faciliter, grâce à une publication hebdomadaire, l'étude des décisions des tribunaux ou de leur commentaire par l'un des auteurs et la préface de la réédition de 1701 s'adressait même plus spécialement aux jeunes gens, leur présentant «la règle de leurs études» et des «modèles pour se former». La reliure des tables en tête d'une des trois premières années du Journal, assez souvent rencontrée, répondait peut-être à cet usage studieux.

La disponibilité élargie d'arrêts des tribunaux, du choix des auteurs ou à la demande d'une partie, inspira la réflexion de Basnage de Beauval, «il [J. du P.] fait revenir les parties... devant le public... comme devant un tribunal secret et privé» (H.O.S.), dans laquelle, par assimilation de l'examen raisonné de la jurisprudence à la critique littéraire, le journaliste de Rotterdam étendait le domaine de la réflexion privée jusqu'aux portes du politique.

Enfin avec ses éditions successives qui passent des livraisons aux volumes, puis effacent les marques de périodicité, le Journal du Palais, dont le titre même jouait sur l'idée de registre, de mémoire, montre qu'à la fin du XVIIe siècle la forme périodique ne s'était pas encore dégagée du modèle livresque.

Jean-Pierre VITTU

 


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© Universitas 1991-2024, ISBN 978-2-84559-070-0 (édition électronique)