ISSN 2271-1813 ...
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Dictionnaire des journaux 1600-1789, sous la direction de Jean Sgard, Paris, Universitas, 1991: notice 710 JOURNAL DES SAVANTS (1665-1792, puis 1797 et depuis 1816) 1] Titres Le Journal des sçavans (1665-1674). Modifications du titre: Journal des sçavans (1675-1682); Journal des savants ou recueil succint et abrégé de tout ce qui arrive de plus surprenant dans la nature, et de ce qui se fait et se découvre de plus curieux dans les arts et dans les sciences (1683-1686); Le Journal des sçavans (1687-1696); Le Journal des savans (1697-1701); Le Journal des sçavans (1702-1790); Journal des savans (1791 et 1792). 2] Dates 5 janvier 1665 - novembre 1792. Après l'essai d'un semestre du 15 nivôse au 30 prairial an V (4 janv. - 19 juin 1797), la parution reprit en 1816. Liste des privilèges retrouvés, classés selon la date de leur attribution: 8 août 1665, à Denis de Sallo, 20 ans. 30 mai 1669, à l'abbé Jean Gallois, 12 ans. 26 avril 1679, à l'abbé Jean-Paul de La Roque, 12 ans. 4 mai 1692, à Jean Cusson, 10 ans. 7 août 1701, à Jean Cusson, 20 ans. 30 juin 1714, à l'abbé Jean-Paul Bignon, 15 ans. 8 juillet 1729, à l'abbé Jean-Paul Bignon, 15 ans. Prospectus du t. X de la Table de Claustre, p. III: «De là vient encore que le Privilège du Journal des sçavans n'appartient à aucun Auteur, c'est à M. le Chancelier seul qu'il appartient, et s'il est ordinairement expédié sous le nom de quelque homme de Lettres connu, c'est uniquement parce que M. le Chancelier ne peut pas se le donner à lui-même». 11 avril 1746, à Claude Gros de Boze, 10 ans. 1er janvier 1756, à Alexandre Conrad Fugère, 15 ans. Un arrêt du Conseil du 16 avril 1785 interdit, spécialement aux Affiches de province, d'annoncer aucun ouvrage avant qu'il ait été signalé par le Journal des savants ou le Journal de Paris. On n'a pas rencontré de prospectus du Journal. En théorie hebdomadaire, la périodicité du J.S. varia souvent de 1665 à 1723. Il devint mensuel en 1724 et le resta jusqu'en 1792, avec 14 cahiers par an (deux en juin et en décembre). Les volumes in-4º rassemblent soit jusqu'à 40 livraisons, soit 12 ou 14 cahiers. 3] Description Les volumes rassemblent soit des livraisons plus ou moins hebdomadaires, soit des cahiers mensuels. De 1665 à 1701, ils comptent de 300 à 600 p., de 600 à 800 entre 1702 et 1723 et à partir de 1724 de 800 à 900 p. En raison du massicotage, les dimensions d'une page varient d'une reliure à l'autre: de 160 x 220 à Constance, à 190 x 250 à Châteaudun et à Strasbourg. Les illustrations particulièrement nombreuses dans les années 1670, se raréfient par la suite et concernent surtout des figures mathématiques. 4] Publication Les libraires éditeurs du J.S. furent successivement: – 1665-1682, Jean Cusson, rue Saint-Jacques à l'Image de Saint-Jean-Baptiste. – 1683 et 1684, Jean Cusson, rue Saint-Jacques à l'Image de Saint-Jean-Baptiste, et Florentin Lambert, rue Saint-Jacques devant Saint-Yves en 1683, et rue Saint-Séverin en 1684. – 1685-1704, Jean Cusson, rue Saint-Jacques à l'Image de Saint-Jean-Baptiste. – 1705-1714, la veuve Cusson, rue Saint-Jacques à l'Image de Saint-Jean-Baptiste. – 1715-1722, Pierre Witte, rue Saint-Jacques, vis-à-vis la rue de la Parcheminerie, à l'Ange Gardien. – 1723, Théodore Le Gras, au Palais, au Troisième Pilier de la Grand Salle, à L couronnée. – 1724, Noël Pissot, quai des Grands Augustins, à la descente du Pont Neuf, à la Croix d'Or. – 1725 - janvier 1727, Philippe Nicolas Lottin, rue Saint-Jacques, près Saint Yves, à la Vérité, et Hugues Daniel Chaubert, quai des Augustins, entre la rue Gist-le-Cœur et la rue Pavée, à la Renommée. – Février 1727 - 1745, Hugues Daniel Chaubert, à l'entrée du quai des Augustins, du côté du pont Saint-Michel, à la Renommée et à la Prudence. (On lit à la fin des volumes de 1728 et de 1729: «De l'imprimerie de H.S.D. Gissey, rue de la Vieille Bouclerie, à l'Arbre de Jessé»). – 1746-1752, Gabriel-François Quillau, rue Galande, près la place Maubert, à l'Annonciation. – 1753-1755, la veuve Quillau, rue Galande, près la place Maubert, à l'Annonciation. – 1756-1762, Michel Lambert, rue de la Comédie-Française, au Parnasse. – 1763 - mars 1766, Charles-Joseph Panckoucke, rue et à côté de la Comédie-Française, au Parnasse. – Avril 1766 - 1778, Jacques Lacombe, quai de Conti, puis à partir de septembre 1768, rue Christine, et en 1777, rue de Tournon. – 1779-1790, Au Bureau du Journal de Paris, rue du four Saint-Honoré, puis en 1780, rue de Grenelle Saint-Honoré, près de celle du Pélican, et, en 1787, 11 rue Plâtrière. – 1791-1792, De l'Imprimerie des Sourds et muets, dans l'ancienne maison claustrale des Célestins, près l'Arsenal. On trouve des annonces pour l'abonnement au J.S. dans le Journal du palais en 1778 (vendredi 16 oct.) et les années suivantes; ainsi que dans le J.S. de 1783. L'abonnement aux éditions in-4º et in-12 coûtait alors 16 # pour Paris et 20 # 4 s. pour la province. La bibliothèque Mazarine conserve dans ses archives deux registres intitulés «Recette-dépense 1771, 1772, 1773» et «Recette-dépense 1788 et 1789, 1790 et 1791» où figurent des achats et des abonnements à des périodiques. Le J.S. y côtoie Trévoux, le Journal de Verdun, L'Année littéraire, le Journal de physique, les Nova acta eruditorum, etc. Ces mêmes archives possèdent trois reçus d'abonnement au J.S. pour 1790, 1791 et 1792. La collection du J.S. conservée à la bibliothèque de l'Arsenal, indique des prix de vente et de reliure sur la garde finale des volumes 1675-1676, 1679-1680 (cote 4º H 8909), et des volumes 1699-1700, 1701 (cote 4º H 8910). Le ms. f. fr. 22133 de la B.N. renferme au fº 128 un «Etat des exemplaires restans du journal des sçavans, extrait de l'inventaire de la veuve Quillau» qui indique le nombre de volumes invendus des années 1746 à 1752, des éditions in-4º et in-12. 5] Collaborateurs Au fondateur et premier rédacteur du Journal des savants, Denis de SALLO, succédèrent l'abbé Jean GALLOIS (1666-1674), l'abbé Jean-Paul de LA ROQUE (1674-1687), le président Louis COUSIN (1687-1701) et l'abbé Jean-Paul BIGNON (1701-1714, puis 1723-1739) qui créa un bureau de rédacteurs. La liste de ses membres de 1702 à 1792 a été compilée d'après les sources suivantes: Paris, B.N., ms. f. fr. 22073, fº 39, liste des censeurs royaux du 27 février 1758, fº 78-81, liste des censeurs royaux du 22 mars 1762. Ms. f. fr. 22133, fº 239, les rédacteurs en 1760. «Mémoire historique» du t. X de la Table du J.S. de l'abbé de Claustre. Almanach des beaux-arts de 1752 et 1753. F.L. de 1758. Journal des savants du 13 juin 1718, de 1779, 1783, 1784 et 1791. Après les prénom et nom du rédacteur, on trouvera ses distinctions, les dates de sa participation au Journal, et parfois sa fonction. Les dates entre crochets signalent un renouvellement de bureau; dans ce cas les rédacteurs sont classés selon l'ordre alphabétique, sinon ils sont placés à leur date d'entrée au bureau: [1702] Nicolas ANDRY, 1702-1739; Louis-Elies DUPIN, 1702-1703; Bernard Le Bovier de FONTENELLE, Ac. fr., Ac. sc., 1702; Julien POUCHARD, Ac. I.B.L., 1702-1705; Etienne RASSICOD, censeur droit, 1702-1708; René AUBERT DE VERTOT, Ac. I.B.L., 1702-1706. Joseph SAURIN, Ac. sc., 1702-1708 (et 1739-1744); Joseph-François BIGRES, 1703; Gilles-Bernard RAGUET, 1705-1721. [1706] Pierre-Jean BURETTE, Ac. I.B.L., 1706-1739; Claude-François FRAGUIER, Ac. fr., Ac. I.B.L., 1706-1710; Matthieu TERRASSON, censeur?, 1706-1713. MIRON, 1707-1708; abbé HAVARD, 29 déc. - 4 juil. 1709; Louis de HÉRICOURT, 1714-1736; PASTEL, 1721-1723, volontaire et surnuméraire; Pierre-François Guyot DESFONTAINES, 1723-1727; Jean-Baptiste SÉNAC, Ac. sc., S.D.; Louis MANGENOT, 1727-1731; Jean-François DU BELLEY DU RESNEL, Ac. I.B.L., 1731-1736; Denis-François SECOUSSE, censeur, Ac. I.B.L.,? - (1733) - ?; Nicolas Charles Joseph TRUBLET, Ac. fr., 1736-1739; abbé JOURDAIN, 1736-1739. [1739] Jean-Baptiste DU BOS, Ac. fr., 1739-1741; MONTCARVILLE, censeur, 1739-1752; François Augustin PARADIS DE MONCRIF, censeur, Ac. fr., 1739-1743; Joseph SAURIN, Ac. sc., 1739-1744 (cf. 1702), René VATRY, 1739-(1741 ou 1751). Jean-Jacques BRUHIER D'ABLAINCOURT, censeur, 1742-1752, collaborateur; François GEYNOZ, Ac. I.B.L., 1744-1751; de MONDYON, 1744-1745; HUEZ, 1745-1747; Claude GROS DE BOZE, Ac. fr., Ac. I.B.L., 1752-1753; Augustin BELLEY, Ac. I.B.L., 1749-1752; François Antoine JOLLY, censeur, janvier-août 1750; Louis Anne LAVIROTTE, 1750-1759; (Goujet à Grosley, 23 oct. 1752: «M. l'abbé Bellet [Augustin Belley] m'a informé que ni lui ni aucun de ceux qui travaillent avec lui au Journal des savants n'avaient plus aucune part à cet ouvrage. On a formé une société toute nouvelle dont on refuse de nommer les membres.») [1752] Pierre BOUGUER, Ac. sc., 1752-1755; Charles Georges COQUELEY DE CHAUSSEPIERRE, censeur droit, 1752-1792; Gabriel Henri GAILLARD, censeur belles-lettres, Ac. fr., Ac. I.B.L., 1752-1792; Joseph de GUIGNES, censeur belles-lettres, Ac. I.B.L., 1752-1792; JOUVIGNY, 1752-?; Marc d'ALVERNY DE LA PALME, 1752-1759; MAIRANDE (SAVIGNY), 1752-1753; Jean-Jacques DORTOUS DE MAIRAN, Ac. fr., Ac. sc., Fellow R.S., 1752-?; de PASSE, 1752-1758. Alexis-Claude CLAIRAUT, censeur mathématiques, collaborateur 1734-1755 puis rédacteur 1755-1792; Louis DUPUY, censeur belles-lettres, Ac. I.B.L., 1758-1792; LA DAINTE, 1759?; Alexandre Conrad FUGÈRE, 1753-1758; Paul-Joseph BARTHEZ, censeur histoire naturelle, médecine et chimie, Ac. I.B.L., Ac. sc., 1759 (puis en 1783); C.P. JONVAL, 1760-1764, correcteur; Pierre-Joseph MACQUER, Ac. sc., Soc. roy. méd., 1760-1792. [1779] Louis Jean Marie d'AUBENTON, Ac. sc., 1779-1792, assistant; Jean-Jacques BARTHÉLÉMY, Ac. fr., Ac. I.B.L., 1779-1792, assistant; Louis Georges Oudart FEUDRIX DE BRÉQUIGNY, Ac. fr., Ac. I.B.L., 1779-(au moins 1784), assistant; Louis COTTE, membre correspondant, Ac. sc., 1779-?, collaborateur pour la météorologie; Etienne LAURÉAULT DE FONCEMAGNE, Ac. fr., Ac. I.B.L., 1779; Jérôme Joseph LE FRANÇOIS DE LALANDE, Ac. sc., 1779-1792, auteur; abbé VASSEUR, 1779-1784?, collaborateur pour les extraits. Paul-Joseph BARTHEZ, 1783 (cf. 1759), collaborateur pour les mémoires; Antoine Alexis François CADET DE VAUX, 1783, collaborateur pour les mémoires; DU CARLA (Marcelin Ducarla-Bonifas?), 1784, collaborateur. [1791] Hubert Pascal AMEILHON, Ac. I.B.L., 1791-1792; Jean-Sylvain BAILLY, Ac. fr., Ac. I.B.L., Ac. sc., 1791-1792, assistant; Louis Félix GUINEMENT DE KÉRALIO, Ac. I.B.L., 1791-1792, auteur; François-Jean-Gabriel de LA PORTE DU THEIL, Ac. I.B.L., 1791-1792, assistant; Alexandre-Henri TESSIER, 1791-1792, auteur; de VOZELLE, 1791-1792, auteur. Le Journal des savants ayant accueilli dès son origine des contributions extérieures, sous forme de mémoires ou de lettres, la liste des collaborateurs occasionnels serait considérable. 6] Contenu En tête de son premier numéro, le Journal se donna comme domaine «ce qui se passe de nouveau dans la République des lettres»: extraits de nouveaux livres, nécrologies de savants et d'auteurs célèbres, comptes rendus d'expériences, d'observations et d'inventions, décisions des tribunaux séculiers ou ecclésiastiques. Au cours du temps, la revue abandonna ce dernier point et délaissa les ouvrages littéraires qu'elle avait présentés à ses débuts. La publication de tables annuelles commença probablement avec celle de 1665 dans les débuts de 1666, puis la table de cette année accompagna sa dernière livraison. En 1675, l'abbé de La Roque donna un Catalogue des livres de l'année qui devint bientôt une Bibliographie systématique. Cornelis a Beughem procura en 1680, sous le titre La France sçavante (chez Abraham Wolfgang, à Amsterdam) les sommaires des contrefaçons du Journal accompagnés d'un index des noms d'auteurs et d'un autre systématique par facultés. Chacune de ces trois tables renvoie aux pages des contrefaçons. Quatre volumes suivirent: II et III en 1682, IV en 1684 et V en 1685 (H.A.B. Wolfenbüttel). Pierre Witte enrichit certaines de ses rééditions de catalogues, améliorés soit par la distinction entre les auteurs et les anonymes, soit (année 1680) en retenant plusieurs mots-vedettes pour chaque extrait, dans le but de réaliser «une espèce de Dictionnaire littéraire». La première table analytique réalisée par l'abbé de Claustre parut en dix volumes chez Briasson, à partir de 1753: Table générale des matières contenues dans le Journal des savans, de l'édition de Paris. Ses entrées renvoient aux deux éditions in-4º. Le dixième volume, publié en 1764 cinq ans après le précédent, fut annoncé par un prospectus, diffusé peu après le départ de Malesherbes, par le Journal, «après les Académies, le monument le plus glorieux de Louis le Grand et du grand Colbert pour les Arts et les Sciences», et dont il offrait un rapide historique. L'Institut catholique en conserve un exemplaire. Il existerait une table des années 1665-1753 de la contrefaçon, réalisée par Robinet en deux volumes in-12, et celle des années 1754-1763 se trouverait dans le volume LXXIX de la contrefaçon combinant les Mémoires de Trévoux au J.S. On rencontre des tables manuscrites du Journal dès les années 1670; ainsi les papiers de Leibniz, conservés à la Niedersächsische Landesbibliothek de Hanovre, renferment une table du contenu de chaque livraison du 5 janvier 1665 au 15 février 1677. 7] Exemplaires On a particulièrement étudié les collections parisiennes de la B.N., Ars., B.H.V.P., de la Faculté de médecine, de l'Institut catholique, de l'Ecole des mines, de l'Ecole vétérinaire; et à l'étranger celles de l'Herzog August Bibliothek de Wolfenbüttel. A quoi s'ajoute une enquête personnelle et postale auprès de cent quatre-vingts bibliothèques en France et à l'étranger sur la période 1665-1715 qui fournit aussi des renseignements pour les années postérieures. La bibliothèque de l'Arsenal conserve sous la cote 4º H 89102 une livraison d'octobre 1783 non coupée. Elle comprend huit cahiers in-4º cousus en leur milieu et couverts d'une feuille de papier blanc. Dans la vente de la collection Henri Lavedan, du 1er février 1929, figura un volume de la contrefaçon de Hollande du Journal, du 4 juin au 17 décembre 1696, relié en veau fauve aux armes de Madame de Pompadour, avec un ex-libris manuscrit «Bibliothèque Crozat». 8] Bibliographie H.G.P.F., t. I. Camusat D.F., Histoire critique des journaux, Amsterdam, F. Bernard, 1734, dont beaucoup d'affirmations doivent être soigneusement recoupées, fournit surtout d'intéressants jugements sur le contenu des périodiques et le style de leurs articles. Les rééditions du Journal ont été établies d'après les collections de la B.N., l'Arsenal, la Sorbonne, l'Ecole polytechnique, la Faculté de médecine de Paris, l'Observatoire de Paris, B.M. de Blois. En dehors d'une série de livraisons rééditées à la fin des années 1670, on trouve dans les collections du J.S. deux rééditions systématiques: Celles de Pierre Witte s'étendent de 1717 à 1738: en 1717 l'année 1676; en 1718: 1677; en 1723: 1665; en 1724: les années 1672, 1674, 1675 et 1678; en 1728: les années 1669, 1670, 1671 et 1679; en 1729: 1666, 1667, 1668 et 1690, 1691, 1692 et 1693; en 1730: 1680 et en 1738: 1704. Et celles d'Antoine-Claude Briasson, livrées à ses souscripteurs de 1742 à 1744 dont on n'a trouvé que l'année 1683, rééditée en 1741. Le prospectus annonçant la réédition de Briasson en 63 volumes, ses particularités et les conditions de souscription est conservé à la bibliothèque Mazarine sous la cote A 15456 pièce 83; la pièce 84 de la même cote est la circulaire du 20 novembre 1741 que Briasson destinait à ses confrères et qu'il adressa au T.R.P. Baizé de la Doctrine chrétienne. Les rééditions non datées, portant un fleuron utilisé par Noël Pissot, concernent les années 1681, 1682, 1684, 1685, 1686, 1688, 1689, 1695, 1696, 1697, 1698, 1699, 1700, 1701, 1705, 1706, 1707, 1708, 1709, 1710, 1711, 1712, 1713 et 1714. On trouve encore une réédition de l'année 1694, sans date, portant un fleuron utilisé par Pierre Witte en 1702, et une de l'année 1687 portant un autre fleuron. Pour un tableau des contrefaçons du Journal jusqu'en 1715, nous renvoyons à notre étude publiée dans Les Presses grises et citée infra, et nous signalons l'existence de cahiers non coupés des livraisons in-12 de mars et de mai 1751 à l'H.A.B. de Wolfenbüttel, sous la cote Lm 4122 (Ephemerides Eruditorum). D'après une annonce du Journal de la librairie du 4 oct. 1783, la collection in-12 des années 1665-1783 comprenait alors 373 volumes, et Delisle de Sales en compta 430 jusqu'en 1792. Les mentions dans la presse du temps sont innombrables, on signalera seulement l'intérêt du Journal de la librairie et du Journal de Paris pour l'histoire de notre revue et de ses concurrents (par exemple J. de Paris du 10 juin 1778, souscription pour la Correspondance générale de La Blanchardière, 23 mars et 3 mai 1779 sur la réorganisation de la rédaction, 15 décembre 1779 vente d'une collection complète). Sources manuscrites: pour la période 1665-1714, on consultera la thèse de Jean-Pierre Vittu (à paraître). On trouve, pour le XVIIIe siècle, un certain nombre de documents à la B.N., ms. f. fr.: 21963 (p. 195 cession du privilège par Lambert à Panckoucke), 22133 (contrats de 1736 et 1746 avec le libraire. Négociations sur les redevances du libraire du J.S. à ses rédacteurs, et celles des journaux enfreignant son privilège. Procès-verbaux s.d. de réunions du bureau du J.S. Liste d'une distribution de livres par rédacteurs), 22135 (plusieurs pièces concernant les redevances du Conciliateur à Lambert), 22073 (fº 7, contrat du 17 avril 1754 entre Fugère et Lambert). La lettre de Margency du 15 novembre 1759, proposant à Jean-Jacques Rousseau une place de rédacteur au J.S. pour l'histoire et les belles-lettres (probablement celle libérée par le décès de l'abbé de La Palme, le 11 du même mois), aux appointements annuels de 800 #, contient d'intéressants détails sur le fonctionnement de la rédaction (Leigh 888). Deux études restent fondamentales et fournissent la majeure partie de la bibliographie antérieure (à compléter avec H.G.P.F.): – Paris G., «Le Journal des savants», Journal des savants, janv. 1903, p. 93-130. – Birn R., «Le Journal des savants sous l'ancien régime», Journal des savants, 1965, p. 15-35. Parmi les nombreuses études qui abordent, ou évoquent, cette revue on citera: – Birn R., «The French-language press and the Encyclopédie, 1750-1759», Studies on Voltaire, t. LV, 1967, p. 263-286. – Ehrard J. et Roger J., «Deux périodiques français du XVIIIe siècle: Le Journal des savants et Les Mémoires de Trévoux. Essai d'une étude quantitative», dans Livre et société dans la France du XVIIIe siècle, Paris et La Haye, 1965, p. 33-59. – Lebrun F., «Les affiches d'Angers, 1773-1789», Le Mouvement social, juil. 1962, p. 56-73, sur la présence du J.S. dans un cabinet de lecture provincial. – Vittu J.P., «Les contrefaçons du Journal des savants de 1665 à 1714», dans Les Presses grises. La contrefaçon du livre (XVIe-XIXe siècle), textes réunis par F. Moureau, Paris, 1988, p. 303-331; Idem, «Diffusion et réception du Journal des savants (1665-1714)», dans La Diffusion, p. 167-175; notre thèse consacrée au J.S. de 1665 à 1714 (à paraître). On consultera aussi dans cet ouvrage, les notices Journal de médecine, 1 et 2, Journal du Palais (1672-1695), Mémoires de l'Eglise (1690), Nouvelles sur les sciences (1665-1666), Recueil des mémoires et conférences (1672-1674); et dans DP2, les notices sur: Ameilhon, Belley, Bignon, Bigres, Bouguer, Bréquigny, Clairaut, Comiers, Coqueley de Chaussepierre, Cousin, Du Pin, Dupuis, Du Resnel, d'Egly, Fontenelle, Fraguier, Gaillard, Guillard, Hansen, Havard, de Héricourt, Jonval, La Roque, Macquer, Miron, Pouchard, Raguet, Rassicod, Régis, Saurin, Secousse, Terrasson. Cette notice a été enrichie par les apports de Mmes et MM. Pierre Burger, Anne-Marie Chouillet, Pierre Gasnault, Christian Hogrefe, Jean-Dominique Mellot et Françoise Souchet que nous remercions. Historique La création de la première revue scientifique en 1665, procède autant des besoins des milieux savants, que des projets de la monarchie. Le fondateur du Journal des savants, le magistrat parisien Denis de Sallo, fréquentant ces milieux et introduit dans les cercles précieux, comptait parmi les plumes politiques de Colbert pour lequel il rédigeait, avec l'aide d'historiographes et de juristes, divers mémoires sur des questions diplomatiques. Ces relations lui firent peut-être connaître le projet d'un Journal littéraire général, transposition par Mézeray de la formule de la Gazette aux lettres et aux sciences, et lui valurent sans doute l'amitié de Jean Chapelain qui appuya l'entreprise tant auprès de Colbert, que de ses relations à l'étranger. Pourvu en août 1664 d'un privilège qui accordait à la nouvelle revue un champ universel, des beaux-arts aux sciences, du droit à la religion, pour les livres, les mémoires et aussi les représentations ou démonstrations publiques, Denis de Sallo chercha à établir des échanges avec des savants d'Angleterre, des Pays-Bas et de Toscane, pour réunir la matière de sa future publication. La première livraison de l'hebdomadaire qui sortit le 5 janvier 1665 des presses de Jean Cusson, avec lequel Sallo entretenait des relations d'amitié ou d'affaires, reprit à la Gazette le format quarto et un volume de 12 p. où, sans organisation particulière, s'offrait une série d'extraits de livres récents, de mémoires savants et même de relations touchant la jurisprudence. Si la revue s'attachait spécialement aux sciences et à l'histoire, elle présenta aussi des livres religieux et même quelques œuvres littéraires. Le tour critique des extraits et des tendances gallicanes expliquent tout à la fois la vivacité des plaintes de lettrés qui pouvaient craindre l'établissement d'un tribunal périodique sous influence ministérielle, et des menées diplomatiques discrètes qui aboutirent à la suspension du périodique après le treizième numéro daté du 30 mars 1665. Le succès de la revue que traduisirent les correspondances de lettrés et de savants, comme l'édition de contrefaçons, l'une avant la fin de 1665, probablement dans le sud de la France, l'autre aux Provinces-Unies au début de 1666, entraîna la reprise de l'ouvrage en janvier 1666, sous la direction de l'abbé Jean Gallois, ancien domestique de Sallo qui abandonna la rédaction du Journal mais resta titulaire de son privilège. Gallois continua à présenter une part des livres proposés à Paris, délaissant les belles-lettres au profit de l'histoire, des sciences et du droit, mais conservant un ton critique qui lui valut de nouvelles plaintes, et il puisa dans la correspondance nouée comme rédacteur ou par le biais de l'Académie des sciences, mémoires érudits, relations d'expériences et observations astronomiques. Si Gallois respecta un rythme hebdomadaire en 1666, sauf une interruption de septembre à octobre correspondant aux vacances du Parlement, dès 1667, ses fonctions à l'Académie des sciences et le service des Colbert entraînèrent une parution irrégulière du Journal puis sa quasi-extinction. Comme lors de l'interruption de 1665, un concurrent chercha à capter le public ainsi délaissé; proches des Nouvelles sur les sciences, hebdomadaires d'octobre 1665 à mars 1666, les Mémoires sur les sciences et les arts dont le médecin Jean-Baptiste Denis donna douze livraisons en 1672, imitèrent assez le Journal pour que les libraires néerlandais puissent par la suite les présenter comme supplément de l'ouvrage plagié. En 1674, l'abbé Gallois établi auprès de Jean-Baptiste Colbert confia la rédaction à l'abbé Jean-Paul de La Roque, bientôt récompensé de ses efforts et des développements du périodique par l'attribution du privilège. Cet obscur érudit, aux vues plutôt traditionnelles, assura la pérennité de l'entreprise par une publication régulière, un souci de suivre les nouveautés du livre, une recherche d'informations scientifiques tant par l'établissement d'un réseau de correspondance en Europe que l'organisation de réunions académiques à son domicile, et enfin par des entreprises éditoriales bourgeonnant sur le Journal. Une activité si foisonnante requit vite de l'assistance et, comme ses prédécesseurs, il employa des aides rédactionnelles rétribuées par une introduction dans les cercles savants parisiens, comme pour l'étudiant allemand Friedrich Aldolf Hansen, ou rémunérées tel l'abbé Claude Comiers, précepteur, démonstrateur et polygraphe. L'audience du Journal et son établissement dans la République des Lettres pendant la rédaction de l'abbé de La Roque se mesurent à l'extension de sa correspondance directe ou indirecte dans laquelle on rencontre Oldenburg, Grew, Bayle, Huygens, Leibniz, Mencke, Bernoulli, Nicaise, Spon et Magliabechi, et aux multiples éditions de sa revue. A la fin des années 1670, le libraire parisien réassortit son fonds en réimprimant certaines livraisons passées du Journal, tandis qu'à Amsterdam, Daniel Elzevier en relança la contrefaçon, donnant les années courantes tout en reprenant les années passées. La répétition, à bref délai, de leurs émissions témoigne du succès de ces piratages qui répandirent la revue en Europe sous une forme, petits volumes regroupant une année, qui en modifia la nature et l'horizon de réception, en l'adressant non plus aux lecteurs avides de nouveautés ou aux amateurs des dernières curiosités scientifiques, mais à ceux qui l'utilisaient comme un catalogue et un livre. La multiplication des concurrents hollandais du Journal, Nouvelles de la République des Lettres, Bibliothèque universelle et historique, Histoire des ouvrages des savants, stimulée par la Révocation, témoigne aussi du succès de sa formule. Ce succès même suggéra au Chancelier de réformer la rédaction du périodique: en 1687, il demanda à La Roque de constituer un bureau éditorial en s'entourant de spécialistes. Après plusieurs mois de crise marqués par une suspension de la publication, La Roque parvint à un accord qui réservait ses droits: conservant le privilège jusqu'à sa mort, il s'adjoignit quelques collaborateurs, dont Louis Cousin, traducteur d'historiens anciens et président en la Cour des monnaies, devant lequel il s'effaça bientôt. Cette transformation ouvrit une nouvelle période pour le Journal où le recrutement de ses rédacteurs parmi les censeurs et les académiciens, et leurs liens avec la Chancellerie, mena la revue de l'entreprise privée à l'institution publique. Avec le président Cousin, cette institutionnalisation se marqua par la nomination du rédacteur au bureau des censeurs et l'attribution du privilège au libraire, plus à la main du Chancelier, puis elle se développa après 1701 sous l'autorité d'un grand commis, l'abbé Jean-Paul Bignon, directeur de la Librairie, brillant neveu du chancelier Pontchartrain. Bignon désigna six rédacteurs dont un secrétaire, Julien Pouchard, chargé de coordonner le travail de ce bureau que l'abbé étoffa en 1706 de trois nouveaux membres pour les besoins du supplément mensuel qu'il adjoignit de 1707 à 1709 aux livraisons hebdomadaires. Recrutés parmi les protégés des Bignon ou de leur parentèle, et dans le vivier que les fonctions de président des académies ouvraient à l'abbé, les rédacteurs trouvaient dans ce travail une source de revenu et, parfois, une étape vers des charges plus prestigieuses au Collège royal ou dans les compagnies savantes. Spécialisés dans une ou deux matières, les journalistes travaillaient selon un système réglé repris aux académies, sous le contrôle de Bignon qui présidait leurs réunions à son domicile. Le contenu de la revue révèle un net contraste entre ces deux rédactions. Sous Cousin il exista un repli sur le royaume et un surcroît d'intérêt pour la religion et le droit, sans doute liés outre les circonstances aux curiosités et aux relations du journaliste. Par contre avec son successeur, le Journal retourna aux sciences, tout en accordant une large place aux autres domaines, et il puisa mémoires et observations dans la considérable correspondance de Bignon, qui conseillait à ses collaborateurs d'établir des commerces épistolaires en Europe, et la revue profita aussi des achats et des abonnements que l'abbé destinait à sa bibliothèque personnelle. Après le départ de Bignon qui suivit son oncle dans sa retraite en 1714, la succession de six directeurs de la Librairie en neuf ans accrut l'indépendance du bureau dont le secrétaire, Gilles-Bernard Raguet depuis 1705, pourvu d'offices plus lucratifs par son royal élève délaissa la conduite au profit de son collègue Nicolas Andry. Développant exagérément la place de la médecine, ce journaliste manqua de tuer la revue qui changea aussi deux fois de libraire de 1722 à 1724, année où le Chancelier confia de nouveau sa direction à l'abbé Bignon. Quelques temps aidé par Desfontaines, Jean-Paul Bignon perfectionna son organisation, liant la revue à la bibliothèque du Roi qu'il dirigeait depuis 1719 et où il réunit chaque semaine le bureau, comblant les départs en puisant dans les cercles savants et lettrés que lui ouvraient ses fonctions, et enfin modifiant la périodicité comme la forme du Journal qui devint mensuel en 1724, mais imprimé sur deux colonnes pour l'édition in-4º qu'accompagna une édition in-12 «pour éviter la contrefaction d'Hollande». Bignon obtint aussi le privilège du Journal en 1729 et il en négocia à plusieurs reprises les conditions de cession au libraire: en 1736, Hugues-Daniel Chaubert représenta qu'il ne pouvait payer les 2400 # de pension annuelle qu'il versait au bureau depuis 1729 et il obtint de meilleures conditions, mais le contrat lui échappa au profit de Gabriel-François Quillau lors du renouvellement du privilège en 1746. Bignon retiré en 1739, son système dura jusqu'à la Révolution sous le contrôle du Chancelier qui réunissait les rédacteurs en son hôtel pour la distribution des ouvrages et la livraison des extraits, et supervisait leur recrutement comme l'attribution du privilège. Si celui-ci fut parfois utilisé comme gratification, ainsi Fugère, conseiller en la Cour des aides reçut celui de 1754 et géra l'entreprise sans beaucoup participer à la rédaction, en revanche l'augmentation de la proportion des académiciens garantit la qualification des journalistes: vers 1755, sur un bureau de neuf membres, quatre appartenaient à une académie, mais en 1791 seuls deux sur onze ne possédaient pas cette distinction, encore s'agissait-il le plus souvent de censeurs, on en comptait neuf parmi les dix rédacteurs de 1757. Le bureau fut remanié par deux fois après la direction de Bignon. En 1739, son départ s'accompagna du remplacement de ses derniers collaborateurs par cinq nouveaux rédacteurs renouvelés au fur et à mesure des retraites jusqu'à l'été 1752 où, sans doute sous l'influence de Malesherbes, directeur de la Librairie depuis deux ans, six journalistes succédèrent aux quatre survivants de l'ancienne équipe, sans compter la collaboration de C.P. Jonval comme correcteur. Enfin l'aide rédactionnelle, pratiquée sans règle depuis l'origine du Journal, devint une institution avec la distinction de plusieurs classes de journalistes en 1779: aux six auteurs et aux deux collaborateurs, l'un pour les extraits, l'autre pour la météorologie, s'ajoutaient quatre assistants dispensés des réunions bimensuelles du bureau et de la confection régulière d'extraits, aussi leur nom apparut-il rarement au registre des séances. Le Journal accueillit aussi des collaborations occasionnelles, comme celle de Bréquigny (par la suite auteur), abondante et variée selon ses brouillons et épreuves corrigées. Avec une rédaction plus étroitement liée aux institutions monarchiques, le Journal acquit au XVIIIe siècle un cachet officiel qui attira des libraires désireux tout à la fois de posséder un ouvrage au débit sûr et de réfléchir son prestige sur leurs autres publications. L'attribution du contrat d'édition lors du renouvellement des privilèges donna souvent lieu à compétition entre les libraires parisiens, ce qui permit d'ailleurs au bureau d'obtenir des augmentations de sa pension annuelle. Revenue à 2400 # après une baisse à 1800 # sous Chaubert de 1735 à 1746, elle atteignit 4800 # grâce au contrat négocié par Fugère avec le libraire Michel Lambert en 1756. Cette pension assurait alors une rétribution individuelle assez honorable pour que Malesherbes ait pu proposer à Rousseau, fin 1759, une place de journaliste, que celui-ci refusa. Le même Malesherbes jugea injuste le monopole du Journal sur les nouvelles du livre, les mémoires et les observations scientifiques, et irréaliste son maintien après la multiplication des périodiques dans les années 1730, sous le masque d'une adresse fictive ou de la vente d'un ouvrage par livraisons. Œuvres d'un seul auteur Desfontaines, Prévost, Fréron qui leur donnait un tour original, ces revues déguisées se consacraient au domaine laissé en jachère par le Journal, la littérature. Malesherbes envisagea d'abord d'autoriser de nouveaux titres à condition que leurs auteurs les fassent éditer par le libraire détenant le privilège du Journal des savants: Desfontaines en quittant celui-ci n'avait-il pas apporté à son éditeur, Chaubert, le Nouvelliste du Parnasse? Chaubert qui publia d'ailleurs trois autres périodiques littéraires pendant qu'il bénéficiait du privilège du Journal. Ce projet aurait établi un nouveau monopole, source des protestations et des fraudes de tous les libraires parisiens écartés de la manne périodique, aussi Malesherbes décida-t-il d'étendre aux revues sa pratique des permissions tacites: l'ouvrage autorisé, après l'avis d'un censeur, son éditeur verserait à celui du Journal une redevance annuelle fixée d'un commun accord en fonction du tirage du nouveau titre. Ainsi Pierre Rousseau payait-il 300 # chaque année pour la vente à Paris de son Journal encyclopédique, alors que Lambert, éditeur du Journal de 1756 à 1763, recevait 3 # par rame d'impression des revues éditées dans la capitale et produisait lui-même avec Le Conservateur (1756-1761), spécialisé dans les livres ignorés ou peu connus, une sorte de complément du premier. A côté des transformations de l'édition parisienne, cette multiplication de revues spécialisées dans les lettres ou les sciences influa sans doute sur l'évolution des choix des rédacteurs telle qu'on la mesure par la ventilation des extraits selon les cinq catégories inspirées du système des libraires parisiens (Ehrard et Roger). Si l'effondrement de la part de la religion tout au long du siècle correspond à l'évolution des permissions publiques, la situation des sciences et arts et celle de l'histoire dans le Journal contrastent avec leur place dans les registres de la Chancellerie. En effet les extraits des premières augmentèrent jusqu'au milieu du siècle plus fortement que leurs permissions publiques et ceux de la seconde un peu plus; par contre la place des uns et de l'autre dans les extraits diminua ensuite très nettement alors qu'augmentèrent très fortement les permissions qui leur furent accordées. Ce recul profita aux seules belles-lettres dont la part qui avait progressé au début du XVIIIe siècle atteignit à la veille de la Révolution un niveau presque double de son maximum au XVIIe siècle. On serait tenté d'attribuer cette augmentation, qui concerne des classiques et des ouvrages d'étude, à la conjonction de l'influence des membres de l'Académie des inscriptions dans la rédaction, près de la moitié lui appartenait en 1789, et d'un désir de répondre au succès des revues d'auteur. Le contenu du Journal changea encore entre le premier et le second semestre de 1789 (Souchet), la part de l'histoire diminua de l'un à l'autre alors que celui des sciences augmentait nettement: le bureau semble avoir voulu se tenir à l'écart de l'événement comme pour affirmer sa vocation scientifique. Ainsi le Journal n'analysa pas un seul des livres consacrés aux Etats généraux et ne parla pas, ou presque, des réformes demandées. A la veille de son interruption, la revue présentait de longs extraits d'ouvrages sérieux, traitant spécialement des sciences physiques et de la nature, et rendait compte des travaux des académies et des sociétés savantes; elle formait ainsi un prolongement éditorial de l'institution académique qui accordait chaque mois un sceau de qualité à des livres et à des travaux savants. L'évolution de la revue, la forme de ses extraits qui supposait une mise en retrait du journaliste, les plaintes soulevées à ses débuts par une tendance au tribunal autoproclamé, enfin son caractère officiel expliquent le médiocre engagement du Journal dans les débats de ce temps. On le voit dans sa prudence à l'égard des controverses religieuses et philosophiques: si la revue se permit au milieu du siècle de nombreuses allusions aux déistes anglais, Buffon y fut félicité en 1779 de son «respect pour les Ecritures»; si elle présenta l'Encyclopédie, elle fit aussi largement place aux adversaires des philosophes. La contrefaçon du Journal commencée aux Provinces-Unies peu après sa création s'y poursuivit jusqu'en 1782 sous l'impulsion successivement de Daniel Elzevier, d'associations comprenant Wolfgang, Waesberge, Boom, Goethals et Van Someren, les Janssons, enfin Marc-Michel Rey et toutes les tentatives pour rompre ce monopole néerlandais échouèrent. En 1676 et 1677, Levyn Van Dyck de La Haye ne publia que deux années de la revue, à Bruxelles, Eugène Henry Fricx n'édita qu'un volume en 1681; seul le Liégeois Jean-François Broncart réussit à soutenir son entreprise de 1702 à 1706. Selon leur habitude, les libraires néerlandais produisirent de petits tirages, réassortissant l'ensemble de la collection de 1677 à 1679 et de 1683 à 1685, ou lançant de nouvelles éditions au gré de la demande: ainsi on rencontre des réimpressions du Journal du XVIIe siècle, en 1709, 1714 puis dans les décennies 1720, 1730 et même 1750. Assez tôt les contrefacteurs imposèrent des modifications à l'ouvrage. Rarement politiques, des suppressions servirent plutôt à faire de la place aux catalogues des libraires qui utilisaient ainsi le Journal comme vecteur de leur publicité. Ils réalisèrent aussi de nombreux ajouts: à côté de quelques mémoires dont la publication, peut-être rétribuée, plaçait sur un théâtre européen les querelles d'un cercle parisien, il s'agit surtout d'emprunts à d'autres revues. Commencée au début du XVIIIe siècle, l'augmentation de la contrefaçon du Journal de quelques articles des Mémoires de Trévoux se transforma en reprises systématiques de 1721 à 1753, puis aboutit avec Marc-Michel Rey à une combinaison des deux revues. Le libraire abandonna cette pratique en 1763, les Mémoires continués sans les jésuites depuis 1762 ne présentant plus la qualité qui avait conduit un libraire d'Amsterdam à intituler un éphémère périodique de 1758 Supplément aux Journaux des Savants et de Trévoux pour profiter du renom de cette combinaison. On retrouve d'ailleurs ce jugement sur la valeur des Mémoires continués dans le choix de l'année 1762 comme terme de la compilation de leurs articles, réalisée par Augustin Alletz en 1771. Marc-Michel Rey n'en poursuivit pas moins ses adjonctions; notant tout à la fois la floraison des titres français, due à Malesherbes, la multiplication des revues formées d'extraits de confrères et l'absence soudaine de compilations de journaux anglais, il enrichit, de 1764 à 1775, la contrefaçon du Journal d'extraits de «journaux de France et d'Angleterre». Le pointage des quatre premiers mois de 1765 y relève un retard du Journal des savants d'un mois, au moins, et des emprunts à L'Année littéraire, au Journal de médecine, aux Mémoires de Trévoux et au Mercure de France, ainsi qu'au Gentleman's Magazine, à la Monthly Review, aux Philosophical Transactions et au Weekly Amusement, encore toutes les traductions de l'anglais ne sont-elles pas identifiées. Enfin de 1776 à 1782, Rey combina le Journal uniquement avec des revues anglaises. Ces contrefaçons influèrent de deux façons sur la diffusion du Journal des savants: elles en étendirent l'aire, par l'établissement d'un deuxième centre de production qui, situé à un carrefour de voies terrestres et maritimes, répandit la revue sur l'Europe du nord et du centre, et elles en élargirent le public, moins par l'abaissement des coûts que par le passage à une périodicité plus longue, qui n'adressait plus l'ouvrage à des savants et à des curieux friands de nouveautés, mais à des lecteurs qui le recevaient plutôt comme un livre, recueil de renseignements bibliographiques et érudits. Devant la sérieuse amputation de son marché, le libraire tenta plusieurs fois de se porter sur le terrain de ses contrefacteurs par la publication d'un Journal de petit format, à côté de l'in-4º. Après les essais malheureux de La Roque de 1678 à 1680, puis en 1684 et 1686, et une petite édition trimestrielle de 1704 à 1706, pendant la direction de Bignon, la publication suivie commença en 1725, plutôt qu'en 1724 semble-t-il, mais on n'en trouve que peu de collections et lacunaires, ce qui pourrait traduire un médiocre succès de cette édition parisienne. En revanche celui de l'édition in-4º peut se lire dans l'existence de plusieurs rééditions aux XVIIe et XVIIIe siècles. Celles réalisées dans les années 1670 pour quelques livraisons, complétaient des années dépareillées en magasin, mais pour économiser sur le papier, le libraire supprima certains passages et toutes les illustrations. Aussi Pierre Witte, soucieux de valoriser sa production, précisa-t-il: «Nouvelle édition, dans laquelle on a exactement rétabli les figures en taille-douce» à la page de titre des vingt années qu'il réédita, avec des planches regravées par Nicolas Bailleul et par Philippe Simoneau, entre 1717 et 1738. Quelques-unes sortirent en 1729 de l'atelier de Gabriel-François Quillau qui connaissait donc l'entreprise de près lorsqu'il surenchérit sur Chaubert en 1745 pour obtenir le privilège, et d'autres provenaient, en dépit des règlements, de presses rouennaises avec lesquelles Witte pratiqua couramment de telles opérations dans les années 1700-1720 (J.-D. Mellot). Par ailleurs, la publication de dix-huit de ces rééditions entre 1723 et 1738 montre que le libraire qui avait abandonné le privilège du Journal en 1722 à Théodore Le Gras, conservait son monopole sur les années antérieures. Ce droit maintenu permit à un libraire étranger au privilège de la revue de s'immiscer dans sa publication: en 1741, Antoine-Claude Briasson qui éditait plusieurs ouvrages attachant une clientèle une revue, une suite et l'Armorial de L'Hozier annonça l'acquisition du fonds de Pierre Witte et son projet de rééditer le Journal des savants pour en vendre, par souscription, quelques collections des années 1665 à 1741 incluse. Ce terme suppose un accord avec Hugues-David Chaubert éditeur de la revue depuis 1727, détenteur d'un privilège (de juil. 1729) qui l'autorisait à réimprimer les volumes in-4º, et chez lequel on pouvait aussi souscrire. Le prospectus distribué par Briasson fin 1741 prétendait que cet ouvrage réputé manquait à nombre de savants et de curieux et il en proposait des collections en 63 volumes en feuilles, au prix de 400 # payables en dix échéances, du 1er mars 1742 au 1er mars 1744. L'insistance de ce prospectus sur le caractère exceptionnel de l'entreprise, «il y a peu d'apparence que l'on réimprime jamais cet Ouvrage en entier, lequel deviendra un jour aussi cher qu'il sera rare», annonçait assez clairement une spéculation valorisant les restes d'une édition et accélérant son épuisement. Pour recruter ses souscripteurs, Briasson adressa une circulaire à ses confrères, le 20 novembre 1741, leur offrant une commission de douze livres par client et trente-six livres supplémentaires s'ils atteignaient la douzaine. La Mazarine possède aussi une lettre écrite au dos d'une de ces circulaires, par laquelle le libraire proposait les mêmes courtages à un père de la Doctrine chrétienne pour des recrutements dans des maisons de son ordre, en France ou à l'étranger, et l'on peut penser que Briasson prospecta de la même façon auprès d'autres congrégations enseignantes ou érudites. Curieusement on n'a rencontré que l'année 1683 rééditée par Briasson, en 1741; cela provient peut-être d'une enquête trop restreinte, mais comme il existe 24 années qui ne portent d'autre marque de leur réédition qu'un fleuron ornant aussi la page de titre de l'année 1724 produite par Noël Pissot et celle de la table du Journal éditée par Briasson à partir de 1753, on peut envisager soit une autre réédition réalisée par Pissot, soit l'impression de ces volumes pour le compte de Briasson dans un atelier ayant acquis le fleuron du premier après sa mort, antérieure à 1728. Ces diverses éditions révèlent trois étapes du succès de la revue. La conjonction autour de 1680 du réassortiment des contrefaçons, des rééditions d'une série de livraisons in-4º et d'essais de petites éditions parisiennes, témoigne de l'établissement de la revue dont le marché s'élargit de nouveaux lecteurs qui complétaient leurs collections en achetant les années passées. Au cours des décennies 1710 et 1720, la réédition d'années entières, l'essai d'un supplément et d'une petite édition parisienne, enfin la réalisation de contrefaçons combinées avec d'autres revues attestent, outre la réponse de Paris à la concurrence néerlandaise, de l'accession du Journal au statut d'ouvrage de référence. Enfin, au milieu du XVIIIe siècle, l'entreprise de Briasson élargit cette fonction de référence par l'assimilation du Journal à un unique ouvrage formant «comme une Bibliothèque entière», ce qui le plaçait sur le même plan que les grands recueils et dictionnaires contemporains, et l'insérait dans le courant encyclopédique. Briasson mena aussi à sa perfection la transformation de la revue en une base d'étude engagée dès le XVIIe siècle par la production d'une table des matières et l'adjonction d'une bibliographie systématique, toutes deux annuelles, la réalisation en Hollande de recueils offrant des sommaires et index pour plusieurs décennies, la création dans les années 1710 d'un journal publiant les sommaires d'un ensemble de périodiques européens, enfin la multiplication de compilations d'articles sur une même matière, extraits de diverses revues savantes. A peine entamée la publication de l'Encyclopédie, à laquelle il participait, Briasson commença en 1753 l'édition des dix tomes de la table du Journal établie par l'abbé de Claustre, complément de sa réédition qui convertissait la revue en base d'informations et la rapprochait des grands dictionnaires qui s'y référaient souvent: on a pu compter 226 mentions du Journal des savants dans le Dictionnaire de Bayle, contre 258 à ses Nouvelles, soit des références à un peu plus de cinq articles chaque année pour le premier et plus de dix pour les secondes. Après les trois volumes de 1753, le libraire respecta un rythme annuel jusqu'en 1759, mais ses clients durent attendre 1764 pour disposer du dixième volume que compléta l'index alphabétique mêlant noms propres et matières, avec renvoi tant à l'in-4º qu'à la contrefaçon (mais pas à l'in-12 parisien, ce qui montre de nouveau sa faible diffusion), et qui présenta aussi un historique de la revue qu'aurait rédigé Charles Monthenault d'Egly (1696-1749) pour la période précédant son décès. La convocation des Etats généraux cristallisa à partir d'août 1788 l'opposition au régime de la librairie et cette lutte pour la liberté de la presse politique retentit sur le Journal des savants lorsque ses concurrents tentèrent d'abolir leur redevance à son monopole. Touché dans son revenu, ce qui menaçait aussi celui des auteurs, le libraire propriétaire du privilège protesta vainement à plusieurs reprises auprès d'une Chancellerie qui balançait entre la poursuite des feuilles pamphlétaires et l'abandon du contrôle de la presse. A cette baisse des revenus annexes de la revue s'ajoutèrent des embarras croissants pour en réunir la matière et le faire rédiger, et des difficultés pour l'éditer; aussi le Journal parut-il irrégulièrement en 1789 et 1790. Une dernière réorganisation tenta de le relancer en 1791, avec le passage de sa publication du Journal du Palais, association politiquement compromettante ou conséquence de l'extinction des redevances des concurrents, à l'Imprimerie des sourds et muets, la baisse de son abonnement de 16 à 14 #, et l'entrée dans son bureau de nouveaux membres, académiciens pour la plupart. Bien qu'il ait tenu ses engagements de régularité et de modération, le Journal, dont l'audience avait probablement baissé et qui pâtit sans doute de la chute de Bailly, l'un de ses rédacteurs, puis de celle du Roi, fut supprimé en novembre 1792 par le ministre de la Justice, Danton. Ainsi disparaissait une revue prestigieuse dont le succès auprès des lettrés et des savants ressort de plusieurs témoignages. Près d'un cinquième des cinq cents catalogues de vente de bibliothèques des années 1750-1780 étudiés par Daniel Mornet au début du siècle contiennent une collection du Journal des savants, périodique le plus fréquent devant les Mémoires de Trévoux présents dans 50 catalogues, contre 110 pour le premier. On rencontre parfois le Journal dans des annonces, comme celle relevée dans le Journal de la librairie du 4 octobre 1783, peu après l'arrêt de la contrefaçon de Hollande, qui en proposait une collection complète en 373 volumes et soulignait: «il est difficile de former un exemplaire aussi précieux que celui-ci». L'histoire des collections du Journal de quelques grandes bibliothèques révèle aussi l'édification de son prestige. Si le catalogue de la Mazarine des années 1710 recense 24 volumes de son édition in-4º, peut-être acquis en lots, son registre de dépense pour 1771-1773 et trois reçus des années 1790, 1791 et 1792 témoignent que la bibliothèque recourut ensuite à l'abonnement. Au rebours de cette succession d'acquisitions régulières à des achats discontinus, les correspondances et les factures de l'Augusta conservées à Wolfenbüttel et Hanovre montrent qu'après l'envoi des premiers numéros par l'agent parisien du duc Auguste le Jeune, la bibliothèque dut attendre les acquisitions de Leibniz en ventes publiques et ses échanges à la fin du XVIIe siècle pour constituer par lots successifs ses collections in-4º et in-12 de la revue, que Lessing compléta par la suite. Abandon des achats suivis pour des acquisitions discontinues que nous retrouvons à la Carolina rediviva d'Upsala pour l'édition de Hollande. La proximité de ces constitutions de collections, des rééditions ou contrefaçons et d'une traduction italienne, le Giornale de'letterati oltremontani commencé à Venise par Luigi Panini en 1722, à partir de l'édition hollandaise, signale la consécration du Journal alors reçu par les institutions scientifiques et lettrées qui y reconnaissaient leurs préoccupations et leurs démarches. Ce rapprochement qui lui donnait un renom et un marché, figea aussi la formule et le ton de la revue qui délaissa le domaine où se renouvela le journalisme lettré, et s'accrocha à une étroite assise vulnérable aux troubles politiques. Une telle alliance entrava le rétablissement de l'ouvrage tenté en 1797, dans le sillage de la création des écoles centrales et de l'Institut, par un groupe de savants, proches des idéologues, où l'on comptait Daunou et Silvestre de Sacy. Mais la revue qui, devenue bimestrielle, offrait mémoires, nouvelles littéraires et comptes rendus des différentes classes de l'Institut, «ne trouva ni protecteurs, ni acheteurs, ni lecteurs» et s'arrêta au bout d'un semestre après douze numéros. Plusieurs membres de ce groupe renouvelèrent leur tentative en 1816, et ils obtinrent du Garde des sceaux une renaissance du Journal des savants à l'ombre de l'Institut, grâce auquel cette vénérable institution nationale continue en notre temps. Jean-Pierre VITTU
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