ISSN 2271-1813

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Dictionnaire de la presse française pendant la Révolution 1789-1799

C O M M A N D E R

   

Dictionnaire des journaux 1600-1789, sous la direction de Jean Sgard, Paris, Universitas, 1991: notice 647

JOURNAL DE GUYENNE (1784-1790)

1Titres Journal de Guienne, Dédié à M. Le Mal. Duc de Mouchy (1er sept. 1784 - 23 juil. 1790).

Puis: Journal de Guienne, Dédié à M. Philippe Noailles, Mal de France (24 juil. 1790 - 16 sept. 1790).

Continué par: Journal Patriotique et de Commerce (17 sept. 1790 - 8 févr. 1792).

2Dates 1er septembre 1784 - 16 septembre 1790. Treize tomes. Prospectus avec privilège du roi. Permis d'imprimer et distribuer, Bordeaux, 3 août 1784.

Périodicité annoncée et réelle: quotidienne. T. I: 1 sept. 1784 - 31 déc. 1784. Les t. II-XIII contiennent chacun les feuilles d'un semestre: t. II-III, 1785; t. IV-V, 1786; t. VI-VII, 1787; t. VIII-IX, 1788; t. X-XI, 1789; t. XII-XIII, 1790. Le t. XIII comprend, à la suite du Journal de Guienne, les numéros du 17 sept. 1790 au 31 déc. 1790 du Journal patriotique et de commerce (pagination et numérotation continues).

3Description De 4 p. à 2 colonnes en général (régulièrement en 1786-1788), la feuille peut être de 6 p., voire de 8, ou peut être assortie d'un Supplément de 2 ou 4 p. paginé ou non.

T. I: 494 p. (+ Dédicace + Prospectus). Les t. II et suivants sont de 735 p. environ, mais les derniers tomes (XI-XIII), qui correspondent à la période révolutionnaire, peuvent être de plus de 780 p.

Cahiers de 8 p. in-4º, 160 x 210.

4Publication «A Bordeaux, de l'Imprimerie de J.B. Séjourné, (Imp.) lib. rue S. Jâmes» (1er sept. 1784 - 14 déc. 1785). «A Bordeaux, de l'Impr. de P.G. Calamy, Imp. lib. rue Pradel, près l'Archevêché» (15 déc. 1785 - 26 mars 1789). «A Bordeaux, de l'Impr. de P.G. Calamy, Imp. lib., rue Carpenteyre-St-Pierre, près le puits de Bagne-cap» (27 mars 1789 - 31 mars 1789), «vis-à-vis l'Arche» (1er avril 1789 - 8 janv. 1790), «nº 5» (9 janv. 1790 - 1er mars 1790). «A Bordeaux, de l'Imprimerie de Simon de La Court, rue du Cahernan, nº 42» (2 mars 1790 - 16 sept. 1790). A partir du 12 mars 1790, Simon de La Court est présenté comme «Imprimeur du Roi».

Un Bureau d'avis est ouvert dont les adresses varient au cours de l'existence du journal: d'abord établi «vis-à-vis la Bourse, côté du Chapeau-rouge, maison de la veuve Roger», ce Bureau se trouve ensuite tour à tour «au rez-de-chaussée de la maison de Monier, notaire, à côté de celle de M. Lanoy, et vis-à-vis l'hôtel de M. Saige, fossés du Chapeau-rouge» (à partir du 11 oct. 1784), «au premier sur le derrière de ladite maison» (à partir du 16 févr. 1786), «rue des Capérans nº 14» (à partir du 2 déc. 1789) et finalement «rue du Chapeau-rouge et du Pont-de-la-Mousque» (à partir du 13 sept. 1790).

Prix de l'abonnement: 24 # pour Bordeaux, 28 # pour la province et tout le royaume (franc de port). L'année pour chaque souscripteur commence depuis l'époque de sa souscription.

5Collaborateurs Fondateurs: Louis Guillaume de CLOZANGES, abbé DUPONT DES JUMEAUX, Henri-Elisabeth GAUFRETEAU DE LA GORCE.

Directeurs-auteurs: L.G. de Clozanges (1784-1785), H.E. Gaufreteau de la Gorce (1784-1788), Denis d'Orte (1788-1790).

Parmi les collaborateurs: Pierre-Hyacinthe Duvigneau, Gaspard Guillard de Beaurieu, Armand-Yves-Jean-Baptiste de Laporte dit Pauliac, Paul Larroque, Denis et François d'Orte, et, dans le cadre des pièces fugitives, d'Aumale de Corsenville, Louis-François Archambault dit Dorvigny, Latour de Lamontagne, Bruno-Gabriel Marandon, Pierre-Antoine-Augustin de Piis, Honoré-Antoine Richaud-Martelly, Jean-Paul-André de Razins, marquis de Saint-Marc.

6Contenu Contenu annoncé: outre les avis relatifs à la météorologie, à la marine, au négoce, aux deuils de Cour, aux cérémonies religieuses, civiles et militaires, aux naissances, morts et mariages, aux nominations à bénéfice et mutations d'offices, et à tous ces objets classés sous le titre d'«avis divers» dans les Affiches, le Journal, qui vise non seulement à «encourager le commerce», mais à «répandre les lumières», comprendra également des articles consacrés aux causes plaidées au barreau de Guienne, aux arrêts, édits et règlements de police, aux établissements scolaires et universitaires et aux sociétés savantes, aux livres nouveaux, aux pièces fugitives, aux découvertes dans les sciences et les arts (notamment agriculture et marine), aux spectacles... Une feuille de résultats mensuelle résumera les principaux objets et servira à «diriger les plus importantes spéculations» (Prospectus).

Contenu réel: — Observations météorologiques, chronologiques, astronomiques, historiques... relatives au jour (ou à l'année). — Avis «divers»: biens mobiliers ou immobiliers à vendre ou à louer, annonces publicitaires (commerce, modes, cours d'instruction et maisons d'éducation...), effets perdus et trouvés, changements de domicile, demandes, loteries, horaires d'ouverture de la bibliothèque publique, etc. — Marine et commerce: mouvements des navires (entrés au port ou en rivière, sortis, en chargement, passés en revue, mis en coutume...); avis maritimes; nouvelles relatives au commerce (règlements, arrêts et traités, foires de Bordeaux et de la Province...); prix de différents produits (grains, farine, pain, résine, eau-de-vie...) en différentes villes; prix courant des denrées de l'Amérique et des colonies; cours du fret, des assurances, des changes... — Police, administration, législation (notamment arrêts de la Cour du parlement de Bordeaux, édits, déclarations et lettres patentes du roi, arrêts du conseil d'Etat du roi). — «Arts» et sciences: inventions, expériences, recettes...; agriculture (méthodes, secrets, économie rurale...); médecine (maladies, remèdes, découvertes...), ces matières pouvant être abordées à travers des comptes rendus d'ouvrages récemment parus. — Cérémonies religieuses dans les églises bordelaises, nominations à bénéfices et mutations. — Bienfaisance et patriotisme. — Nouvelles de la province et de l'étranger. — Variétés et mélanges: relation de faits divers ou curieux (de France et d'ailleurs), d'anecdotes historiques ou dramatiques, de traits ou bons mots... (souvent extraite de journaux et papiers publics). — Activités des institutions scolaires et universitaires, des académies et sociétés savantes parisiennes et bordelaises. — Littérature: annonces (prospectus et souscriptions, ouvrages nouveaux et réédités, almanachs, périodiques...) et notices critiques (celles-ci sont plus rares à partir du t. IX); pièces fugitives (moins nombreuses à partir du t. VI). — Spectacles: théâtre, annonce des programmes quotidiens (notamment théâtre de Bordeaux, et Variétés amusantes), analyses des pièces et de leur représentation (cf. t. I-III, VI-VII); musique (concert vocal et instrumental) et autres distractions (bals, feux d'artifice, expériences récréatives de physique, tours de cartes, exercices d'équitation...).

A partir de juin 1789 (t. X-XIII), une rubrique est consacrée aux Etats généraux et à l'Assemblée nationale: ce compte rendu des séances (discours, déclarations, rapports, décrets...), extrait de diverses feuilles (Journal de Paris, Journal général de France) ou du bulletin ou procès-verbal de l'Assemblée nationale, se fait de plus en plus envahissant aux dépens des articles relatifs aux arts, sciences, agriculture, médecine, littérature...

Centres d'intérêt: histoire locale et provinciale; la vie à Bordeaux évoquée sous tous ses aspects: démographie (naissances, morts et mariages; état de santé: maladies, fièvres, épidémies); urbanisme (travaux du Château-Trompette et de la place Louis XVI, t. IV-VI, maisons bâties...); activité commerciale et portuaire; vie intellectuelle (collège de Guyenne: exercices publics et distribution des prix; séances, programmes, mémoires et prix des deux académies et du musée de Bordeaux) et artistique (comptes rendus de salons: t. VII, etc.); nouvelles de la Province et place particulière réservée à l'agriculture, notamment à la vigne et aux vins. Utilité des tableaux récapitulatifs mensuels ou annuels.

Parmi les nombreux auteurs étudiés (Baculard d'Arnaud, Beaumarchais, Chénier, Des Essarts, Dorat, Florian, Madame de Genlis, Sébastien Mercier, Parny, Rétif de La Bretonne, Bernardin de Saint-Pierre, Thomas...), mentionnons certains écrivains liés à la ville ou à la Province: Baurein, Dom Devienne, Garat, comte de La Cépède, Léonard, Montesquieu, Saint-Marc, De Sèze.

7Exemplaires Collection étudiée: B.M. Bordeaux, H. 3442 Rés. (1-13).

8Bibliographie Mention dans Bachaumont, M.S., t. XXVII, p. 48 (2 déc. 1784). – Labadie E., La Presse bordelaise pendant la Révolution: bibliographie historique, Bordeaux, 1910, p. 25-37. – Granderoute R., Catalogue des périodiques anciens (1600-1789) conservés à la Bibliothèque municipale de Bordeaux, Bordeaux, Société des bibliophiles de Guyenne, 1987, p. 8. – Idem, «Le journal dans le journal: l'exemple de la presse bordelaise (1758-1789)», dans La Diffusion, 1988, p. 227-236.

Historique Dans le dernier numéro des Annonces, affiches et avis divers pour la ville de Bordeaux (30 juil. 1784), les frères Labottière déclarent que «leur journal cesse de paraître parce qu'à la suite de certaines démarches faites à leur insu ils viennent d'être dépouillés de leur privilège deux ans avant son expiration» (cité par E. Labadie). Allusion aux démarches entreprises auprès des directeurs des Affiches de Paris à l'initiative de l'abbé Dupont des Jumeaux. Ce mathématicien parisien, un des fondateurs du musée de Bordeaux, précepteur des enfants de l'intendant Dupré de Saint-Maur, aurait, si on l'en croit (B.M. Bordeaux, ms. 829 [1-2], archives du musée de Bordeaux, 1785, nº 5, p. 142-150), conçu le premier l'idée du Journal de Guienne, et c'est lui qui l'aurait communiquée à deux jeunes Bordelais qu'il aurait associés à son projet, L.G de Clozanges, auteur dramatique, et H.E. Gaufreteau de La Gorce, homme de lettres également, tous deux heureux de trouver «un moyen honnête d'arranger leurs affaires domestiques». L'abbé Dupont des Jumeaux, qui prétend même avoir avancé 400 livres pour les frais d'un voyage de Clozanges à Paris et «pour la part d'un envoi de vin [aux] cessionnaires du privilège», a-t-il effectivement joué le rôle prépondérant qu'il s'attribue? Toujours est-il que, s'il est l'un des bénéficiaires du privilège obtenu de Perrot, Chezelles et Benezech, propriétaires des Affiches de Paris (cf. ms. cité par E. Labadie, p. 28-29), aux dépens des Labottière, il se voit assez vite écarté par ses deux associés: le 14 février 1785, dans une lettre adressée au président du musée de Bordeaux (B.M. Bordeaux, ms. cité), il se plaint vivement de l'«étrange conduite» de Gaufreteau qui a osé soutenir à M. de Fontenai que l'abbé ne pouvait que nuire au succès de la feuille parce qu'il était «attaché» à l'Intendant de la ville... Quoi qu'il en soit, l'abbé Dupont des Jumeaux quitte Bordeaux en 1785, et Clozanges et Gaufreteau restent détenteurs du privilège et propriétaires, en partie au moins, du Journal (cf. ms. cité par E. Labadie, p. 29-30).

Dédié à Philippe de Noailles, duc de Mouchy, maréchal de France, lieutenant-général de Guienne et commandant en chef dans le Gouvernement général de la Province (et ce même après son départ de Bordeaux), soumis à la lecture et à l'approbation d'un censeur nommé par les maire, lieutenant de maire et jurats (ce fut Barennes, avocat au Parlement et professeur royal en droit français, relayé par les jurats de Sèze, Villot ou Leidet), le Journal de Guienne a pour «modèle», selon l'aveu même de ses auteurs (J. de Guienne, 1784, nº 87, p. 349), les Affiches de Paris (il est «calqué» sur elles, assurent les M.S.), et aussi, il va sans dire, les Affiches de Bordeaux dont les lecteurs ne doivent pas être déroutés dans leurs habitudes. A l'instar des Labottière, Clozanges et Gaufreteau ouvrent, mais dans le nouveau centre des affaires («vis-à-vis la Bourse, côté du Chapeau-rouge»), un Bureau d'avis où sont reçues les souscriptions, adresses, informations... Ce sont eux qui rédigent tout ce qui leur est envoyé pour être publié, suivant en cela, comme ils le rappellent (1784, nº 87), l'exemple des rédacteurs des Affiches de Paris. Ce qui ne les empêche pas, bien sûr, de s'entourer d'un certain nombre de collaborateurs plus ou moins «spécialisés».

Dès le mois de décembre 1784, le Journal de Guienne est l'objet d'une mention flatteuse dans les M.S. qui opposent aux Affiches antérieures, «très sèches et très ennuyeuses», ce nouveau journal qui «n'est point mal fait». Peut-être même, ajoute l'auteur des M.S., sera-t-il «plus curieux que celui de Paris, parce que, quoique soumis à un censeur, il sera susceptible de plus de liberté». De son côté, l'abbé Dupont des Jumeaux, dans sa lettre déjà citée, fait état d'éloges décernés au Journal et à son plan par M. de Vergennes dans une conversation avec M. de Fontenai, et souligne le bon accueil que lui réserve «le commerce» auquel il peut être «infiniment utile». Certes le Bordelais P. Bernadau, dans ses Tablettes manuscrites (B.M. Bordeaux, ms. 713, Œuvres complètes, t. V-VI), ne cesse guère, jour après jour, de critiquer cette «pauvre feuille», cette «rapsodie diurnale», «platement rédigée» et cher vendue. Mais son jugement est manifestement inspiré par un sentiment d'inimitié personnelle à l'encontre de Gaufreteau, ce «coquin», ce «butor» qui a inséré dans le Journal de Guienne (5 août 1787, nº 217, 7 sept. 1787, nº 250) son projet d'une Histoire littéraire de Guienne (L'Aquitaine littéraire) assorti de remarques critiques...

Distribué régulièrement tous les matins, selon la périodicité annoncée, circulant dans les colonies comme les autres feuilles périodiques des provinces maritimes du royaume (25 nov. 1788, nº 330), le Journal de Guienne s'efforce, à travers ses articles variés, de refléter les différents aspects de la vie bordelaise. Il est vrai qu'avec le temps une évolution se dessine: les articles relatifs à la littérature, à la poésie, aux représentations dramatiques... tendent à se réduire au profit d'articles d'intérêt plus pratique. Surtout, un changement qu'expliquent et qu'imposent les circonstances s'opère avec la Révolution. A partir du 16 juin 1789 (nº 167), une place de plus en plus importante est réservée à l'actualité politique parisienne et provinciale (municipalité de Bordeaux). Des comptes rendus sont donnés des séances des Etats généraux, de l'Assemblée nationale, de l'Hôtel de ville (discours, délibérations, déclarations...), pour la plupart, d'ailleurs, extraits, conformément aux ordres du directeur de la Librairie en date du 26 juin 1789, des «journaux autorisés de la capitale» (15 juil. 1789, nº 196, note du rédacteur, p. 796) et très souvent objet de Suppléments sans conséquence sur le prix de l'abonnement en dépit des «frais extraordinaires» qu'ils occasionnent (ibid.).

L.G. Clozanges étant mort en 1785, Gaufreteau demeure seul à la tête du périodique. Dans ses Tablettes (ms. cité), Bernadau relate, le 28 octobre 1787 (t. V, p. 96), que le trésorier du Journal, qui devrait à Gaufreteau 8 000 #, est décrété pour abus de confiance et emprisonné. Il nous apprend, le 27 août 1788, que le journaliste «a reçu une vive mercuriale de son censeur à l'insu duquel il a annoncé les Sentiments d'Henri IV sur l'immuabilité des Parlemens», un écrit «anticonstitutionnel», plein de «choses hardies», propre à choquer le ministère... (ibid., p. 300).

Cependant, et toujours d'après Bernadau (p. 343), vers septembre-octobre 1788, Gaufreteau, «désirant vivre dans une honorable oisiveté», est prêt à se dessaisir de son privilège. L'auteur des Tablettes énumère les candidats en lice, tous collaborateurs du Journal: Duvigneau, d'Orte, Marandon Lamberty, «dont la femme» est-il précisé, «a déjà accordé ses faveurs au résignataire pour le déterminer en faveur de son cher époux»! Finalement c'est Denis d'Orte, fils d'un ingénieur de l'Ile-de-France, avocat au Parlement, qui aurait obtenu le privilège «moyennant une pension annuelle de 5 000 #» (Bernadau, à ce propos, ajoute que le Journal «donne plus de 12 000 # de profit à son propriétaire», p. 371, 24 oct. 1788). Dans sa direction, D. d'Orte se serait montré plutôt autoritaire, rejetant de «passables opuscules» (ibid., p. 422, 3 déc. 1788), refusant d'imprimer les articles de médecine rédigés par De Sèze, un ami de Gaufreteau (mais le censeur intervient et exige l'insertion..., p. 395, 10 nov. 1788), donnant plus de facilité aux négociants qu'aux gens de lettres (p. 641, 17 juin 1789)... En juin 1789, il est à Versailles et hante les bureaux pour obtenir le renouvellement de son privilège (p. 633, 6 juin 1789). Pendant son absence, c'est Laporte-Pauillac qui le remplace et Pascal Buhan qui est chargé de faire les «remplissages» de la feuille (p. 666, 14 juil. 1789).

Avec le développement de la presse révolutionnaire, le Journal de Guienne doit faire face à une rude concurrence. Non sans fierté, Bernadau, qui lance, en octobre 1789, le Courrier bordelais, note que, depuis l'apparition de son journal, le rédacteur de celui de Guyenne «a senti le ridicule d'y mettre l'approbation du censeur» et qu'il commence à «prendre un ton plus libre» (p. 763, 1er nov. 1789). Et, quand le 21 mars 1790 (ibid., t. VI, p. 88), il signale la création du Bulletin du département de Bordeaux (c'est Marandon qui le lance), il prévoit la chute du Journal de d'Orte dont, assure-t-il, les abonnés «diminuent tous les jours». Il est vrai qu'il remarque aussi que les papiers parisiens qui se sont tant multipliés finiront par dévorer ceux des provinces (p. 89, 22 mars 1790).

Depuis le 2 mars 1790, le Journal de Guienne n'est plus imprimé chez Calamy. Selon Bernadau, d'Orte devrait à celui-ci 1 300 # qu'il lui aurait payées en billets, mais, ajoute Bernadau, «des billets d'un journaliste ne valent pas ceux d'un mineur» (ibid.). A Calamy succède Simon de La Court, d'une ancienne famille de la librairie bordelaise. Six mois plus tard, le 17 septembre 1790, le Journal reçoit un nouveau titre: Journal patriotique et de commerce. Dès le 18, la dédicace qui, depuis le 24 juillet, n'était plus adressée qu'à Philippe Noailles, maréchal de France, disparaît. Le titre précise: Rédigé par Dis et Fois Dorte. Denis a, en effet, fait appel à son frère François, correspondant du musée de Bordeaux. Bernadau ironise: «Enfin les Journalistes Dorte se sont mis à la Constitution [...] Tout, jusqu'à leur imprimeur, a déposé sa physionomie féodale» (p. 265, 16 sept. 1790). Allusion à l'orthographe également modifiée de Lacourt... Lorsque mourra Denis (8 févr. 1792), François aussitôt changera une nouvelle fois le titre. Le Journal s'intitulera alors: Journal de commerce, de politique et de littérature. Rédigé à Bordeaux par Fois Dorte de l'Académie des Arts et du Musée. François en assurera la rédaction jusqu'à la fin de 1797.

Robert GRANDEROUTE

 


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