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Dictionnaire des journaux 1600-1789, sous la direction de Jean Sgard, Paris, Universitas, 1991: notice 600 HISTOIRE CRITIQUE DE LA RÉPUBLIQUE DES LETTRES (1712-1718) 1] Titres Histoire critique de la République des Lettres, tant Ancienne que Moderne. 2] Dates Avril 1712 - 1718. Quinze tomes. Périodicité annoncée: trimestrielle. Périodicité réelle: le t. I est imprimé fin avril 1712. Mais le t. II n'est débité qu'en janvier 1713; le t. III l'est en août 1713 et le t. IV en novembre de la même année. La périodicité trimestrielle est alors à peu près respectée. Les t. V, VI, VII sont, en effet débités respectivement en avril, août et novembre 1714, et les t. VIII, IX, X dans le cours de l'année 1715 (le t. IX fin août). En 1716 et 1717 ne paraissent plus que deux volumes par an, les t. XI et XII étant débités en juin et novembre 1716. Quant au t. XV, il est publié en 1718. T. I-II: 1712; t. III-IV: 1713; t. V-VII: 1714; t. VIII-X: 1715; t. XI-XII: 1716; t. XIII-XIV: 1717; t. XV: 1718. 3] Description Chaque tome comprend plusieurs articles dont le nombre varie de 9 à 19. Le nombre des pages des tomes varie de 276 à 480 (tendance à un grossissement du volume sensible dès le t. II). En tête de chaque tome, une table des articles non numérotée. On trouve des Avertissements et (ou) Avis (du libraire) (non numérotés) dans les t. I-VI, VIII et IX. A partir du t. III, sont données des listes d'Errata (pages généralement non numérotées). Cahiers de 24 p., 73 x 130, in-12. Les t. II, V et XV comprennent chacun une planche (reproduction de médailles). 4] Publication T. I-II: «A Utrecht, chès Guillaume à Poolsum». T. III-XIV: «A Amsterdam, chez Jacques Desbordes». T. XV: «A Amsterdam, chez la Veuve de Jaq. Desbordes». Le journal se trouve chez tous les libraires de Hollande, de Brabant et d'Allemagne, comme aussi à Paris chez Ganeau rue Saint-Jacques, à Londres chez Paul Vaillant dans le Strand, à Genève chez Fabri et Barillot et à Lyon chez Anisson et Posuël. 5] Collaborateurs Fondateur-directeur: Samuel MASSON. Principaux collaborateurs: Jean MASSON, Philippe MASSON, Jacques ROSEL DE BEAUMONT (à partir du t. VI), Alphonse DES VIGNOLES (t. III, art. 8; IV, 11; V, 3; VI, 2 et 5; VIII, 2; IX, 6; X, 5 et 11; XI, 1; XII, 1), Gabriel DUMONT (VI, 6; VIII, 14; IX, 14; X, 4 et 7; XI, 6; XIII, 6; XV, 7). Parmi les autres collaborateurs plus occasionnels: Jean-Paul Bignon (V, 5), Pierre Coste (X, 10; XI, 14), Gisbert Cuper (IV, 14; X, 9), Pierre Desmaizeaux (VIII, 9; XI, 2 et 13), Jacques de Hase (X, 6; XII, 3; XIV, 5; XV, 9), Théodore de Hase (XII, 8; XIII, 2; XIV, 8; XV, 8), Jacques Lenfant (VI, 2), Joannes-Henricus Majus (XI, 7; XIII, 7; XIV, 6), Casimir Oudin (VII, 6; VIII, 8; XV, 5), Adrien Reland (IV, 5; V, 11), Jean-Charles Schott (IV, 11; V, 1). 6] Contenu Contenu annoncé: le «principal dessein» des journalistes est de «parler en critiques de toutes sortes de matières savantes», en remontant «jusqu'à l'Antiquité la plus reculée», sacrée et profane, sans se borner au seul «moderne». Sont annoncés: Des extraits de livres faits avec autant d'exactitude que de circonspection (notamment à l'égard des personnes vivantes). Ces extraits porteront sur «ces excellents ouvrages de littérature et de critique» qui ont paru depuis la renaissance des belles-lettres (ceux surtout qui sont «les moins communs et les plus solides» en même temps), et aussi sur ces «beaux ouvrages» anglais qui méritent d'être connus «au-delà de la mer». Des pièces françaises ou même latines, relatives à la science des médailles, aux inscriptions, aux rites et coutumes de l'Antiquité, aux ouvrages des prosateurs et poètes anciens (quand bien même il ne s'agirait que d'une seule remarque, d'un simple éclaircissement...). Des «pièces apologétiques» d'auteurs injustement maltraités et qui trouveront dans le périodique l'occasion de se défendre et de se justifier, en évitant autant que possible «injures» et «personnalités». Des nouvelles de littérature et un catalogue de livres nouveaux dont il sera dit éventuellement «un petit mot». Contenu réel: qu'il s'agisse de comptes rendus de livres plus ou moins détaillés, de projets ou plans d'ouvrages, de pièces, françaises ou latines, se présentant sous la forme de Dissertations, Observations, Examens, Mémoires, Lettres, Discours..., ou encore qu'il s'agisse de l'annonce de livres nouveaux, les principaux objets d'études sont les suivants: Critique des textes: restitutions, corrections, explications, commentaires, traductions... de passages des livres sacrés (Ancien et Nouveau Testament) et des œuvres de l'Antiquité gréco-latine (poésie et prose). Avec nombre de remarques d'ordre grammatical, philologique, étymologique... et de citations et références érudites; aperçus philosophiques (matière, liberté...); chronologie, histoire ancienne et moderne, voyages, mœurs et usages; numismatique, épigraphie. On trouve également des informations relatives à certains faits de l'histoire contemporaine des lettres (la Querelle des Anciens et des Modernes) ou de l'édition (les œuvres de Bayle) et des Eloges ou Vies d'hommes illustres par leur savoir (Jacques Rhenferd, III, 7; Jacques Perizonius, IV, 16; Adrien Reland, XV, 15; comte de Shaftesbury, X, 10). Principaux centres d'intérêt: érudition et polémique: Le caractère curieux des recherches savantes; l'accent mis sur l'importance de la critique sans laquelle on ne saurait exercer un art, sur les secours mutuels que se prêtent les lettres profanes et les lettres sacrées et par suite sur la nécessité de bien entendre les auteurs anciens pour une meilleure intelligence des livres saints. La tonalité polémique très marquée en dépit des déclarations liminaires: le débat soulevé par l'explication du psaume CX (I, 3; II, 1; III, 3); les disputes avec Dacier (à propos d'Horace: II, 5; III, 1; VIII, 6), Le Clerc (à propos, par exemple, de l'Histoire de M. Bayle et de ses ouvrages: XII, 12); l'attaque menée contre Prosper Marchand à l'occasion des éditions des œuvres de Bayle (Commentaire philosophique, Lettres, Dictionnaire: VI, 9; VII, 7 et VIII, 9; X, 8). Principaux auteurs étudiés: en dehors des écrivains grecs et latins, objet de l'exercice critique, en dehors de la longue lignée des érudits des XVIe et XVIIe siècles très souvent invoqués, citons (et sans reprendre les noms déjà avancés): Bentley, Cudworth, Locke, Ray; Barbeyrac, Basnage, Chardin, Saint-Hyacinthe; Leibniz; Vignoli. Table des auteurs cités et des matières dans les six premiers tomes seulement (non intégrée). 7] Exemplaires Collection étudiée: B.M. Bordeaux, H 18808 (1-15) (les t. I et II correspondant à une réédition de 1715). Autres collections: B.N., Z 54676-54690; Ars., 8º H 26613 et 8º H 26614; Ste G; Strasbourg. 8] Bibliographie B.H.C., p. 38; H.P.L.P., t. II, p. 283; H.G.P., t. I, p. 155; DP2. Rééditions des t. I et II à Utrecht chez Guillaume à Poolsum en 1715 et à Amsterdam ches Jacques Desbordes en 1717. Mentions dans: Amsterdam (29 avril et 3 mai 1712; 24 janv., 7, 14 et 24 févr., 1er, 15, 18, 29 août, 7 et 17 nov., 22 et 29 déc. 1713; 2 et 9 janv., 3 et 13 avril, 10 juil., 24 et 28 août, 21 sept. 1714; 12, 26 et 30 juil., 13 et 20 août, 19 nov. 1715; 26 et 29 mai, 17 nov., 4 déc. 1716; 9 févr. 1717); Journal de Trévoux (août 1712, p. 1479; avril 1713, p. 639-659; nov. 1713, p. 2024; oct. 1714, p. 1845; déc. 1715, p. 2413); Journal des savants (20 mars 1713, p. 183-189 et 13 nov. 1713, p. 593-599); Journal littéraire de La Haye (t. III, I, janv.-févr. 1714, p. 141-160; t. IV, I, mai-juin 1714, p. 155-173; t. VIII, I, 1716, p. 76-115); Nouvelles littéraires (t. I, 27 avril 1715, p. 202-205; t. II, 10 et 17 août 1715, p. 92-96 et 108-112; t. III, 26 févr., 18 avr., 30 mai et 20 juin 1716, p. 138-144, 250-254, 343-350, 400; t. V, VI, VIII: table des articles); Europe savante (janv. 1718, t. I, I, Préface). – Couperus, p. 182. Historique En lançant l'Histoire critique de la République des Lettres, le fondateur, qui entend demeurer inconnu (il s'agit de Samuel Masson, ministre à Dordrecht depuis 1700), assure qu'il n'a pas en vue de prendre la place d'un des journaux «qui viennent de cesser» (allusion aux Nouvelles de la République des Lettres suspendues en décembre 1710?) et pense que l'étendue des vues adoptées et la méthode retenue suffiront à distinguer son périodique du reste de la presse. Dans son Histoire critique des journaux (Amsterdam, 1734, t. II, p. 159 et suiv.), D.F. Camusat reprend le propos que rapporte notamment Prosper Marchand dans une lettre de 1716 envoyée au Journal littéraire de la Haye (t. VIII, p. 114) et selon lequel «l'historien critique» se serait d'abord adressé à Fritsch et Böhm, libraires à Rotterdam, et aurait essuyé un refus quand, pour faire valoir son projet, il aurait promis d'«écraser» dans son ouvrage «les Le Clerc et autres demi savants dont le mérite consistait à faire la barbe au bon sens et à la pure et saine érudition»... Quoi qu'il en soit, c'est à Utrecht chez Guillaume Poolsum qu'est publié le t. I, présenté «comme une espèce d'essai» appelé à être perfectionné. Le journaliste, en effet, sollicite les avis et conseils des personnes éclairées, sincères amis des lettres et véritables savants, en même temps qu'il souhaite leur collaboration, qu'il s'agisse de pièces à insérer (mais suffisamment courtes, car il n'est prévu pour chacune que deux feuilles d'impression environ) ou de nouvelles littéraires à annoncer. Dès le début de l'Avertissement du t. II (lequel paraît avec retard par suite de «quelques petits contretemps»), Masson s'empresse de noter le «favorable accueil» qu'a reçu l'Histoire critique des gens de lettres, des curieux et même des «savants de premier ordre» et il rappelle, afin de repousser l'objection d'un excès d'érudition qu'avancent des esprits «envieux» ou «sans goût», le didactisme de son propos initial, son souci primordial de rechercher un savoir «solide» et «utile» à la fois. Cependant le t. III paraît avec un nouveau retard (en raison d'un changement de ville et de libraire). Serait-ce parce que Guillaume Poolsum n'aurait plus voulu imprimer le journal? Dans la Préface de l'Europe savante, Saint-Hyacinthe du moins le laisse entendre... Masson, lui, dans l'Avertissement qui ouvre le t. III, souligne qu'entre plusieurs raisons qui l'ont incité à s'adresser à Jacques Desbordes à Amsterdam, «la commodité des presses et des gravures» a joué un rôle déterminant. Et il vante la beauté du papier et des caractères employés (pour la première fois en librairie sont gravés des caractères chinois), tandis qu'il promet un respect plus scrupuleux de la périodicité annoncée. Sept mois pourtant s'écoulent avant que le tome suivant ne soit débité. Il est vrai qu'ensuite (et jusqu'à la fin de 1715) une plus grande régularité est observée dans la parution. Selon le souhait du fondateur, des savants, professeurs, pasteurs, académiciens... de différents pays: son frère Jean Masson, son cousin Philippe Masson, etc. communiquent au journal lettres ou dissertations qui sont publiées dans la mesure où elles entrent dans le dessein maintes fois rappelé de l'ouvrage. En même temps, grâce aux correspondances ainsi établies, les nouvelles littéraires s'étendent de pays à pays (Hollande, Angleterre, Allemagne, France, Suisse, Italie...) et, à l'intérieur d'un même pays, de ville à ville. Et le journaliste de se féliciter du mérite et de la réputation des collaborateurs propres à donner du lustre au périodique. Effectivement, l'Histoire critique a obtenu un certain succès, du moins auprès de ce public de curieux auquel elle entend s'adresser. Dès le t. III (p. 302-303), le correspondant parisien ne manque pas de faire état des extraits donnés par le Journal de Trévoux et le Journal des savants à l'occasion des deux premiers tomes et d'y relever les marques d'honnêteté et de civilité. D'autres allusions (t. VI, p. 77, t. VIII, p. 407, t. X, p. 378) seront faites au jugement élogieux de Paris (il s'agit essentiellement du J. de Trévoux) qui apprécie et goûte un ouvrage rempli de dissertations savantes habilement choisies. De son côté, G. Cuper, écrivant d'Oxen, près de Deventer, le 21 septembre 1713 (t. IV, p. 298), constate que le journal «fait tête à beaucoup d'autres» et que sa renommée «se répand par toute la République savante à cause des matières belles et nouvelles qui y sont illustrées par une érudition peu commune». Plus tard (t. XIV, p. 208), c'est Berlin qui, sous la plume de Rosel de Beaumont, exprime la satisfaction de ses gens de lettres... Signalons d'ailleurs qu'en 1715 Guillaume Poolsum procède à une réédition (sur un papier et avec des caractères meilleurs) des t. I à II alors épuisés, «ce qui», note le correspondant d'Utrecht, «ne s'est encore guère vu ni pratiqué à l'égard des journaux» (t. VIII, p. 421). Masson, il est vrai, refuse de reconnaître une réédition qui s'est faite sans son consentement ni sa participation. Mais il annonce (t. VIII, Avertissement) son intention de donner lui-même une nouvelle édition de ces deux tomes «exactement corrigée» (elle verra le jour en 1717). Du succès dont l'Histoire critique a pu être l'objet témoignent encore divers emprunts ou imitations. Emprunts non toujours avoués, véritables «vols littéraires», comme de la part de ce journal allemand de Leipzig (Nouvelle Bibliothèque du monde savant) qui copie «mot à mot», et sans la citer, des articles des t. II, III, IV de l'Histoire critique (un recensement précis des emprunts est donné, t. VI, p. 372-374). C'est aussi Jacques Bernard qui, dans le Supplément du Dictionnaire historique de Moreri (Amsterdam, 1715), retranscrit (jusqu'aux fautes d'impression!) l'article Bull de l'Histoire critique (t. VI, p. 354-356) qu'il se garde bien de nommer. Ce sont encore ces «débiteurs de nouvelles de littérature» qui reproduisent, «en Hollande et ailleurs», les informations envoyées de Londres (t. X, p. 377). Allusion qui ne saurait viser les Nouvelles littéraires, assure Du Sauzet qui montre que son périodique a annoncé de nombreux ouvrages avant l'Histoire critique (Nouvelles littéraires, t. III, p. 142-143)... Tantôt il s'agit d'une traduction: un journal allemand, imprimé à Hall, traduit ainsi le t. XII de l'Histoire critique (t. XIII, p. 359). Tantôt d'une véritable imitation: en 1717, Théodore de Hasse, ministre à Brême, lance avec un de ses collègues, F.A. Lampe, la Bibliotheca Historico-Philologico-Theologica sur le modèle de l'Histoire critique à laquelle d'ailleurs il collabore. Simplement, le journal est écrit en latin (mais on peut se servir aussi du français) et porte sur les seules matières de théologie et d'histoire ecclésiastique (histoire de l'Eglise réformée). L'Histoire critique en publie le projet dans son t. XIV (p. 339-350) et, dans son t. XV (p. 360-362), énumère les titres des pièces qui composent les deux premiers volumes parus. Cependant l'histoire du périodique des Masson est marquée de divers épisodes polémiques auxquels se trouvent mêlés plusieurs journaux contemporains. L'un de ces épisodes est lié aux réactions suscitées par la Dissertation critique sur le Psaume CX de Jean Masson. Aussitôt le premier article publié en 1712, un ancien pasteur de l'Eglise française de Berlin, d'Artis, envoie au journal une réfutation (fort honnête) de l'explication littérale proposée. Mais, en dépit de leurs déclarations liminaires, et sous le prétexte d'une longueur excessive du développement, les journalistes de l'Histoire critique refusent de la publier. D'Artis s'adresse alors au Journal littéraire qui l'insère dans ses tomes de janvier-février et mai-juin 1714. Dans l'intervalle, le synode wallon de Breda (septembre 1713) condamne l'interprétation de Masson. Celui-ci qui ne cache pas son étonnement (car la Dissertation «ne renferme pas, pour ainsi dire, un mot de théologie» et, d'autre part, jamais les journaux n'ont été «sujets aux censures des synodes», t. VIII, p. 474)) décèle et dénonce là une manœuvre de deux des rapporteurs, David Martin et Jacques Bernard, dont le faux exposé a surpris les autres membres de l'Assemblée. Et d'expliquer cette «malice noire» par le désir des deux hommes de nuire à l'Histoire critique qui aurait porté des jugements insuffisamment élogieux sur leurs œuvres... Suit alors un échange vif de répliques: à l'ouvrage de D. Martin, publié à Amsterdam, Le Vrai Sens du Psaume CX, J. Masson répond dans l'art. 16 du t. VIII de l'Histoire critique où il reprend une à une les «impostures» calomniatrices contenues dans ce qu'il appelle un «libelle». Et, comme, à la suite des synodes de La Haye (6 mai 1715) et d'Utrecht (9 septembre 1715), l'Histoire critique annonce que la dernière Assemblée «a enfin donné gloire à Dieu au sujet de la Dissertation du Psaume CX» (t. X, p. 419-422), un dénommé Chlodové Diodati (ce n'est évidemment qu'un pseudonyme) s'empresse, dans une lettre d'Amsterdam du 10 avril 1716 parue dans les Nouvelles littéraires du 18, de contester l'affirmation et de montrer, à la lumière des articles retranscrits des synodes, que l'historien critique est loin d'avoir à se féliciter, puisque l'Assemblée a simplement décidé, après examen «des écrits des auteurs de l'Explication du Psaume CX», que des injures aussi grossières et passionnées n'étaient pas «dignes d'être relevées». A cette lettre, J. Masson réplique dans les Nouvelles littéraires mêmes (30 mai 1716) et observe qu'il n'a fait que se défendre contre de «sanglantes critiques». De son côté, le Journal littéraire de 1716 (t. VIII, art. 6), sous la plume d'un correspondant anonyme, se plaît à reproduire, lui aussi, les articles des deux synodes afin de prouver, à son tour, que les Assemblées ne se sont pas dédites de la sentence prononcée à Breda et de détromper ainsi le public abusé par le compte rendu tendancieux de l'Histoire critique. D'où une nouvelle réplique de Masson qui paraît dans le t. XII du périodique. En dehors de cette polémique, signalons les démêlés avec Le Clerc, qu'il s'agisse de justifier Boileau contre les fausses accusations intentées dans le t. XXVI de la Bibliothèque choisie ou de repousser les imputations avancées à propos de l'Histoire de M. Bayle et de ses ouvrages (VI, 4; XII, 12). C'est d'ailleurs tout au long des volumes de l'Histoire critique que Le Clerc est visé (on lui reproche ses bévues, ses emportements...) et il n'est pas sans intérêt de noter que, lorsqu'est annoncée la parution du nouveau journal de celui-ci, le correspondant d'Amsterdam rapporte le dessein prêté à l'auteur de la Bibliothèque ancienne et moderne de «désarçonner» le journaliste de l'Histoire critique. A cet effet, Le Clerc aurait constitué «une petite ligue offensive et défensive avec quelques-uns de ses plus intimes amis» (t. VI, p. 384-385)... On peut aussi rappeler les démêlés avec Prosper Marchand. L'Histoire critique attaque vivement l'éditeur des œuvres de Bayle qui se trouve être également... l'un des auteurs du Journal littéraire, comme le souligne non sans dessein une note du t. X (p. 227). S'élevant dans deux articles du Journal littéraire de 1716 (t. VIII, art. 7 et 9) contre la malignité et la fausseté de ses accusateurs, P. Marchand en vient à constater que l'Histoire critique s'est mise «au-dessus de toutes les règles de l'honnêteté la plus simple et la plus ordinaire». Il n'hésite pas à déceler là une vengeance des historiens critiques qui se souviennent du refus des libraires de Rotterdam (lesquels éditent précisément le Commentaire philosophique, les Lettres et le Dictionnaire...). Le rédacteur de l'Histoire critique, qui n'est pas sans observer que le seul t. VIII du Journal littéraire ne contient pas moins de cinq articles dirigés contre son périodique (outre les articles déjà mentionnés, un article de La Croze en réponse à l'article 3 du t. X de l'Histoire critique) tend, pour sa part, à voir dans ce débordement du «fiel le plus amer» et de la«bile la plus noire» un moyen de «redonner vie à un ouvrage mourant». Et, se refusant à répliquer directement à P. Marchand, il se contente de retourner le mépris qu'étalait à son encontre le Journal littéraire, qu'il traite d'«égout», de «véritable latrine» en référence à ces pièces «pleines de faussetés palpables, d'injures et de grossièretés dignes des halles et des corps de garde»... Après le Journal littéraire, voici l'Europe savante malmenée. En janvier 1718, Saint-Hyacinthe, pris à partie dans un article anonyme du t. XIV de l'Histoire critique (art. 2), répond à l'attaque dans la Préface de l'Europe savante (t. I). On se souvient que Saint-Hyacinthe avait, dans Le Chef-d'œuvre d'un inconnu (1714), largement daubé les Masson (Samuel, Jean, Philippe) confondus dans une même personne à qui sont adressées la Dédicace toute ironique du livre et l'Epître du t. II (p. 321-323) sans parler de la pièce jointe au Chef-d'œuvre et intitulée: Déification du docteur Aristarchus Masso...). Aux propos offensants de l'Europe savante (le titre «piqua la curiosité», mais «l'examen du livre et le nom de l'auteur qui ne put se cacher longtemps firent perdre toute espérance»), l'Histoire critique ne reste pas insensible (t. XV, p. 381-385). Accusant Saint-Hyacinthe de chercher à répandre du mépris sur elle, elle discrédite en retour et le journaliste (un homme à qui «la belle littérature et l'érudition sont aussi inconnues que les couleurs le sont à un aveugle-né») et le journal ( un recueil «de bagatelles, de balivernes et de choses qui ont déjà paru cent fois dans les journaux et dans les Nouvelles littéraires»). On le voit, l'Histoire critique de la République des Lettres nous plonge dans une atmosphère polémique particulièrement violente où se retrouvent les principaux représentants de la presse française de Hollande. Les adversaires du périodique, dont Camusat reflète les sentiments, n'ont pas totalement tort de reprocher aux Masson leur humeur hautaine, querelleuse et combative, l'oubli de leurs engagements initiaux, et aussi de faire sentir les limites du journal dans son érudition même (une érudition lourde, «pédantesque», voire «indigeste»...). Quoi qu'il en soit, l'Histoire critique se poursuit en 1716 et 1717 sur un rythme de périodicité quasi semestrielle. Mais, à la fin de 1717, Jacques Desbordes meurt. Le t. XV, annoncé pour janvier 1718, paraît avec quelque retard par les soins de la veuve du libraire. Dans ce t. XV, le journaliste prévoit la publication prochaine de pièces qui lui sont ou doivent lui être communiquées, renvoie au volume suivant la présentation et l'analyse de plusieurs livres... Mais le t. XVI ne verra pas le jour. Camusat (op. cit., p. 165) laisse entendre que Masson, après la mort de J. Desbordes, «s'adressa à tous les libraires du pays sans pouvoir en trouver un seul qui daignât accepter ses offres»... Robert GRANDEROUTE
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