ISSN 2271-1813

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Dictionnaire de la presse française pendant la Révolution 1789-1799

C O M M A N D E R

   

Dictionnaire des journaux 1600-1789, sous la direction de Jean Sgard, Paris, Universitas, 1991: notice 526

GAZETTE DE SAINTE-LUCIE (1787-1793)

1Titres Gazette de Sainte-Lucie, avec en dessous, en caractères plus fins, indication de la date («Du Mardi...»). A partir du vol. II, sous le titre encadré, est rappelé chaque fois un événement historique ayant eu lieu le même jour que celui de la parution du journal.

Modifications du titre: Gazette de Sainte-Lucie, Nationale et Politique (nº 41, 13 oct. 1789); Gazette Nationale et Politique (nº 16, 19 avril 1791).

2Dates 1787 - printemps 1793 (au moins). Hebdomadaire paraissant le mardi. Un volume par an.

3Description Le numéro paraît sur 4 p. à 2 colonnes, avec des suppléments occasionnels de 2 p., 205 x 302, in-folio. Pagination continue pour chaque volume.

A partir du nº 28 du 13 juillet 1790, le rédacteur remplace le rappel, en sous-titre, d'un événement historique, par une citation qu'il change périodiquement. Ces citations sont un moyen d'alerter le lecteur («Vois ce que nous étions et vois ce que nous sommes», Voltaire, nº 36, 7 sept. 1790); de prendre position («Je porte dans mon cœur la Liberté gravée et les rois en horreur», Voltaire, nº 2, 26 févr. 1793); de lancer un mot d'ordre («Soyez libre, mais non pas indisciplinés», Mirabeau, nº 23, 5 juin 1792); ou de se justifier («Les journalistes doivent être les précepteurs du genre humain, en annonçant tout ce qui peut être utile», nº 32, 9 août 1791). Sans illustrations.

4Publication A Castries, île de Sainte-Lucie, chez J.B. Thounens, imprimeur et libraire, puis, à partir d'avril 1790, à Saint-Pierre de la Martinique (imprimerie de J.B. Thounens, rue Saint-Jean-de-Dieu, nº 360). Par la suite J.B. Thounens se désigne comme «Imprimeur du Peuple» (nº 28, 19 juil. 1791), puis «Imprimeur du Comité de Surveillance et de la Société patriotique» (nº 2, 26 févr. 1793).

On pouvait s'abonner dans tous les bureaux de la Poste de Sainte-Lucie et, pour la Martinique, chez M. Calligé à Saint-Pierre. Il y avait également un dépositaire de la Gazette à la Guadeloupe. En 1789, la population de Sainte-Lucie est estimée à 2500 Blancs, 1800 hommes de couleur libres et 20 000 esclaves.

La gestion de J.B. Thounens ne semble pas avoir été très heureuse: pressé «sans ménagement» par ses créanciers en avril 1790, il demande à ceux qui n'ont pas encore payé leur abonnement échu de s'acquitter au plus vite de leur dette, leur laissant, s'ils ne peuvent le faire en argent, «la faculté de le faire en toutes sortes de denrées» (vol. III, nº 17).

5Collaborateurs Jean-Baptiste THOUNENS; Sextius BUFFARDIN (1790-1791).

6Contenu Principales rubriques: 1) Nouvelles de France et d'Europe suivant leur disponibilité au moment de la mise en page, et extraits de journaux; 2) Nouvelles de Sainte-Lucie, de la Martinique et des îles avoisinantes; 3) Publication d'avis, arrêts, décrets, règlements relatifs à Sainte-Lucie et aux différentes colonies des Iles du Vent; 4) Avis maritimes (arrivées et départs des navires; marchandises transportées; offres de passage); annonces et avis divers (ventes de biens et d'esclaves; soldes de compte avant départ; successions; offres de service; annonces publicitaires; nègres marrons); cours des denrées coloniales et des marchandises importées de France. Publication, à l'occasion, de comptes rendus de livres et de courts poèmes de circonstance.

La Gazette de Sainte-Lucie s'intéresse avant tout, à partir de 1789, à l'évolution de la situation politique en France et aux conséquences de la Révolution dans les colonies des Iles du Vent.

7Exemplaires Collections consultées: B.N., Fol. Lc 12.31: vol. I, nº 32-35 (août 1788); vol. II, nº 5-8 (févr. 1789) et 46-47 (nov. 1789); vol. III, nº 5-8 (févr. 1790) et 14-21 (avril-mai 1790); A.N., Section Outre-Mer, Recueil Cies, 2e série, 21 / bibliothèque Moreau de Saint-Méry (22): vol. I, nº 40 (30 sept. 1788); vol. II, nº 1-52 (6 janv. - 29 déc. 1789, 282 p.); vol. III, nº 1-52 (5 janv. - 28 déc. 1790, 278 p.; manquent nº 23 et 31); vol. IV, nº 1-52 (4 janv. - 27 déc. 1791, 260 p.); vol. V, nº 1-42 (3 janv. - 16 oct. 1792; manquent nº 5, 22, 25-26, 43 et suiv.); vol. VI, nº 2 (26 févr.), 5, 7, 8 (28 mars 1793).

8Bibliographie B.H.C., p. 70; DP2. – Thounens J.B., Compte rendu aux comités de la Marine et des colonies réunis [...], s.l.n.d. [Paris, an II], p. 21, 25. – Ragatz L.J., A Guide for the Study of British Caribbean History, Washington, 1932, Part. XVI, «Foreign West Indian Newspapers», p. 402.

Historique A l'origine, comme c'est le cas pour la plupart des autres périodiques publiés dans les possessions françaises de la mer Caraïbe au XVIIIe siècle, la Gazette de Sainte-Lucie est un journal «semi-officiel» (Jean-Baptiste Thounens, imprimeur du Roi et de la Colonie, possède un «privilège exclusif» pour sa publication). Elle sert de lien avec l'extérieur, donnant des nouvelles d'Europe et des îles avoisinantes, comme d'organe de liaison entre les onze «quartiers» de la colonie, publiant les arrêtés de l'administration et informant les colons des nouvelles locales. Mais peu à peu, sous la pression des événements et en raison des opinions de son rédacteur-imprimeur, ce journal «de service» va se transformer en journal politique.

Acquis aux idées philosophiques, Jean-Baptiste Thounens sera l'un des premiers, du moins à l'en croire, «à faire et à soutenir la Révolution, dès 1789, aux Colonies du Vent» (Compte rendu, p. 24). Bien que limité dans ses moyens, dépendant pour l'information de l'arrivée des bateaux porteurs de nouvelles, il s'efforce, dans la Gazette de Sainte-Lucie, de tenir ses lecteurs au courant de l'évolution de la situation politique en France, persuadé «qu'on ne peut offrir à des Français rien de plus intéressant que ce qui a rapport au grand spectacle que la France donne [alors] à l'Univers» (vol. II, nº 7). Thounens n'intervient lui-même que rarement dans son journal, sinon pour annoncer un extrait ou assurer le lien entre différentes rubriques, mais ses choix d'éditeur sont significatifs de ses convictions personnelles. En août 1788, par exemple, à l'occasion de la mort du dernier des «grands philosophes», Buffon, il publie un long éloge de ceux qui ont dénoncé «les préjugés barbares qui font les esclaves et les tyrans» et redonné aux hommes la conscience de leurs droits et «le sentiment profond de l'humanité» (vol. I, nº 32); et, en février 1790, est reproduit intégralement un article de L.S. Mercier paru dans les Annales patriotiques, éloge funèbre de l'année 1789, «année unique» qui a rendu aux Français «l'égalité, la justice, la liberté que le despotisme aristocratique tenait captives», année «glorieuse [...] par le courage et l'activité des Parisiens, par la mort de haut, hautaine Noblesse, morte en convulsion» (vol III, nº 8). La Gazette de Sainte-Lucie avait publié un numéro spécial le mercredi 5 août 1789, sous le titre de Gazette extraordinaire de Sainte-Lucie pour annoncer la «proclamation solemnelle des Etats-Généraux à Versailles», et elle aurait été le premier journal des Antilles à annoncer la prise de la Bastille et à «oser imprimer, au commencement de septembre 1789, les principaux détails de la Révolution de France» (Compte rendu, p. 5).

A partir de 1790, les répercussions des événements de France dans les colonies des Iles du Vent tiennent la première place dans la Gazette de Sainte-Lucie. Thounens continue à la publier, bien qu'il se soit installé, au printemps de cette année-là, à Saint-Pierre de la Martinique (à peine «sept lieues» séparent les deux îles qui avaient des liens étroits entre elles, Saint-Lucie dépendant en fait, aussi bien du point de vue administratif qu'économique, de la Martinique (Daney, Histoire de la Martinique, 1963, t. IX, p. 248). La Gazette de Sainte-Lucie rend alors compte de la formation des Assemblées coloniales et de l'instauration des communes et municipalités dans les îles, puis des affrontements, bientôt armés, entre partisans et adversaires du nouveau régime. Elle accorde notamment une large place à la lutte ouverte qui oppose la municipalité «patriote» de Saint-Pierre et l'Assemblée coloniale qui siège au Fort-Royal et que contrôlent les royalistes. La «gazette patriotique de Sainte-Lucie» prend à ce moment-là ouvertement parti pour la Révolution et les «sans-culottes colons» contre les «Grands-Planteurs» et les autorités civiles et militaires nostalgiques de l'ancien régime (Compte rendu, p. 7, 21, 25).

En avril 1792, Jean-Baptiste Thounens se rend en France pour régler certaines affaires personnelles, laissant la rédaction de la Gazette de Sainte-Lucie à un collaborateur. Pendant son absence l'imprimerie est occupée sur ordre du général Béhague, gouverneur des Isles-sous-le-Vent, dont les sympathies sont acquises à la contre-révolution. A son retour à la Martinique, début décembre, Thounens est menacé d'arrestation et doit s'enfuir. Réfugié à Sainte-Lucie, restée loyale à la République, il est nommé «député extraordinaire» de l'Assemblée coloniale de Sainte-Lucie. Chargé de trouver des renforts pour assurer la défense de l'île, il se rend, fin décembre à Saint-Domingue, puis à Paris où il arrive le 21 février 1793 pour plaider la cause des «patriotes» auprès de la Convention. Saint-Pierre étant aux mains des royalistes, la Gazette de Sainte-Lucie avait dû interrompre sa publication à la fin du mois de novembre 1792, «persécutions personnelles», «injustices», «moyens violents» ayant été employés contre son rédacteur pour la «réduire au silence» (vol. VI, nº 2). A la suite de la reprise de Saint-Pierre par les troupes républicaines, la Gazette de Sainte-Lucie reprend sa publication à la fin de février 1793 (l'imprimerie de Jean-Baptiste Thounens devient alors l'imprimerie officielle du «Comité de surveillance» et de la «Société patriotique»). La Gazette de Sainte-Lucie cesse de paraître au cours de l'été 1793, alors que la Martinique est en proie à la guerre civile, révolutionnaires et contre-révolutionnaires soutenus par les troupes d'invasion anglaises, se disputant l'île. A la suite de la reddition de Rochambeau, le 21 mars 1794, la Martinique passe sous contrôle britannique. Elle le restera jusqu'au traité d'Amiens de 1802.

Alain NABARRA

 


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© Universitas 1991-2024, ISBN 978-2-84559-070-0 (édition électronique)