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Dictionnaire des journaux 1600-1789, sous la direction de Jean Sgard, Paris, Universitas, 1991: notice 510 GAZETTE DE LA GUADELOUPE (1785?-1789?) 1] Titres Gazette de la Guadeloupe. 2] Dates Hebdomadaire, la Gazette de la Guadeloupe paraît le jeudi. Un volume par an. 3] Description Le numéro est publié sur 4 et parfois 6 p., à deux colonnes, avec des suppléments occasionnels de 2 p. Cahier de 195 x 295, in-folio. Pagination continue pour chaque volume. Sans devise ni illustrations. 4] Publication A la Guadeloupe (Basse-Terre), de l'imprimerie de la veuve Bénard, imprimeur du Roi. On pouvait s'abonner, en 1788, chez l'imprimeur et chez M. de Lacorbière. 6] Contenu Principales rubriques: 1) «Nouvelles politiques» (la section «Guadeloupe» donne les nouvelles de l'île et des îles avoisinantes ainsi que les nouvelles provenant de sources particulières); 2) Avis du gouvernement de la Guadeloupe; 3) Avis divers (ventes de biens et de marchandises; avis de départ; offres de service; annonces publicitaires, etc.); 4) «Maronages» (liste et description des esclaves marrons recherchés et arrêtés); 5) Arrivée et départ des bateaux dans les ports de la colonie; 6) Prix des denrées et marchandises; tarif du fret. En 1788, l'évolution de la situation politique en France et les efforts pour développer et diversifier l'économie de la Guadeloupe, sont les deux principaux centres d'intérêt de la Gazette. 7] Exemplaires Collections consultées: A.N., Section Outre-Mer, Recueil Colonies 2e série 30 / bibliothèque Moreau de Saint-Méry 32, 1788, nº 7-21 (14 févr. - 22 mai); B.N., Fol. Lc 12.13, 1788, nº 22-32 (29 mai - 7 août), 39-52 (25 sept. - 25 déc.), 1789, nº 1 (1er janv.). 8] Bibliographie B.H.C., p. 70. – Ragatz L.J., A guide for the study of British Caribbean history, Washington, 1932, p. 402. – Blanche L., Contribution à l'histoire de la presse à la Guadeloupe, Basse-Terre, 1935, p. 24. Historique On ne connaît pas avec certitude les dates extrêmes de publication de la Gazette de la Guadeloupe. Les collections conservées à la B.N. et aux A.N. ne comportent de numéros que pour les années 1788 et 1789, mais elle a sans doute commencé à paraître bien avant. Elle est en tout cas déjà publiée au début de 1785 (Gazette de la Guadeloupe, 1788, p. 97). La première imprimerie de la Guadeloupe avait été établie à Basse-Terre en 1765. Selon les termes du brevet délivré à Jean Bénard le 28 juin 1764 et enregistré par le Conseil souverain de l'île le 23 mars 1765, celui-ci avait seul «le droit d'imprimer [...] les écrits [...] pour toute la Colonie». Il bénéficiait également du monopole de la vente de «toutes sortes de livres approuvés, gazettes et autres nouvelles publiques, imprimés et en manuscrits» (Blanche, p. 2). Le privilège concédé à Jean Bénard en 1765, sera transmis à son fils en 1778, puis à la veuve de ce dernier qui en est propriétaire en 1788. Quant au service de poste de l'île, il avait été également établi à la fin de 1765 ou au début de 1766, sous le gouvernement du comte de Nolivos (Dessalles, Histoire générale des Antilles, 1848, t. V, p. 476). Dès cette époque donc, étaient réunies les conditions matérielles nécessaires pour la publication et la distribution d'un journal. Il est probable que la Gazette de la Guadeloupe a commencé à être publiée dans les années qui suivent, et peut-être, à l'instar de la Gazette de la Martinique, dès 1766. Comme la plupart des périodiques publiés aux colonies dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, la Gazette de la Guadeloupe a une vocation avant tout utilitaire. Journal «semi-officiel», elle publie les avis, lettres circulaires, arrêts du Gouverneur et de l'Intendant, comme les ordonnances et règlements de la métropole qui concernent directement les colonies ou qui peuvent les affecter. Elle s'efforce aussi d'améliorer la vie quotidienne des colons par les informations et renseignements pratiques qu'elle fournit, et à aider au progrès de la colonie en agissant, en quelque sorte, comme un catalyseur de l'activité. Dans le nº 45 du 6 novembre 1788, par exemple, sont publiées, à l'intention des «habitants cultivateurs de la colonie», des «instructions» sur de nouvelles cultures que l'on essaie alors d'implanter dans l'île, et les lecteurs sont à leur tour invités à faire part des observations et expériences qu'ils auraient pu faire et qui seraient d'utilité pour la colonie; cf. également, par ex., «Questions sur les poissons à chair vénéneuse» (1788, p. 26-27); «Article Mécanique» (p. 41); «Questions de commerce» (p. 49-50); «Médecine» (p. 58). Etablissant ainsi des réseaux de communication, diffusant l'information, la Gazette cherche à stimuler la vie communautaire et à susciter «l'intérêt public». Les problèmes particuliers à la société coloniale, les antagonismes, les divergences d'intérêts, d'opinions ou d'aspirations qui y existent, ne sont cependant pas traités directement, sans doute en raison de la nature même du journal et de la surveillance étroite exercée par l'administration coloniale. Une des questions les plus importantes, celle de l'esclavage, est cependant abordée à l'occasion de la nouvelle de la création d'une société anti-esclavagiste à Londres. Commentant longuement cette nouvelle, le rédacteur, qui est probablement Lacorbière, un membre associé du Cercle des Philadelphes de Saint-Domingue, adopte une position similaire à celle du «célèbre défenseur de la liberté», l'abbé Raynal: une suppression graduelle de l'esclavage qui permettrait d'accorder les principes humanitaires de «l'esprit philosophique» aux réalités économiques et sociales des colonies (1788, p. 76-77). Lien entre les différentes parties de la colonie, la Gazette de la Guadeloupe se veut aussi un lien entre celle-ci et l'extérieur. Certaines des nouvelles contenues dans la rubrique «Nouvelles politiques» qui ouvre le journal, proviennent de sources particulières: la nouvelle de l'incendie de la Nouvelle-Orléans est apportée par une corvette espagnole arrivée à Saint-Pierre, celle du retour de Necker par une lettre reçue de Bordeaux (1788, p. 109, 177); mais pour la plupart, ces nouvelles sont reprises des journaux européens et américains (celles contenues dans le supplément du 27 novembre 1788, par exemple, sont extraites de la Gazette de Leyde du 12 septembre précédent). En 1788, la Gazette de la Guadeloupe accorde une place importante aux tentatives de réformes de Louis XVI. Son rédacteur, qui est acquis aux idées philosophiques, partage ce désir et cet espoir de «régénération de la nation» qui marquent les dernières années du règne. Il commente favorablement les textes des ordonnances réorganisant les administrations de la justice et des finances, textes qui doivent «intéresser tous les individus de l'Etat», se réjouit du rappel de Necker, «ministre vertueux et capable», ou de l'annonce de la convocation des Etats généraux, ce «bienfait que Sa Majesté accorde à ses Peuples» (1788, p. 119, 176, 191). Une large place est aussi accordée à l'édit de 1787 restituant aux protestants leurs droits civils, édit dont les provisions sont étendues aux colonies en 1788. La Gazette de la Guadeloupe prend parti en sa faveur, opposant à «l'intolérance» de certains membres du clergé comme l'évêque de La Rochelle qui a interdit aux prêtres de son diocèse d'obéir aux dispositions de l'édit, l'attitude de «simples curés au zèle plus éclairé» qui prêchent publiquement la tolérance et se mettent au service des «non-catholiques de [leurs] paroisse[s]» (1788, p. 61-64, 67-69, 104, 109; 1789, p. 3). Notons que le Conseil souverain de la Guadeloupe, trouvant que l'édit s'était arrêté en chemin, demandera dans un mémoire du 11 mai 1789 adressé au Roi, que plusieurs de ses dispositions soient étendues, et notamment que les catholiques soient autorisés à contracter mariage avec les personnes de la religion réformée (Lacour, Histoire de la Guadeloupe, 1855, t. I, p. 381). Dans le numéro 25 du 19 juin 1788, après avoir annoncé la mort de Buffon, le rédacteur ajoute: «nous renvoyons au temps prochain de l'hivernage où la stérilité des nouvelles politiques nous permettra l'extension de l'éloge de cet illustre écrivain». Ce n'est en effet que pour suppléer à la rareté des nouvelles, notamment pendant la mauvaise saison (mi-juil. / mi-oct.), qu'apparaît la littérature. Pour la plupart, cependant, ces «articles de littérature» ne sont pas simplement choisis en fonction de leur disponibilité dans un «temps de disette des nouvelles politiques» (1788, p. 25). Un de ces articles traite par exemple de la dissertation de l'abbé Genty sur «l'influence de la découverte de l'Amérique sur le bonheur du genre humain». Dans cette dissertation, soumise à l'Académie de Lyon pour un prix offert à l'abbé Raynal, Genty soutenait notamment que «l'indépendance des Anglo-américains [était] l'événement le plus propre à accélérer la révolution qui doit ramener le bonheur sur terre», et que le développement des Etats-Unis «fer[ait] naître de proche en proche l'émulation et l'activité de toutes les autres Colonies du Nouveau Monde» (1788, p. 171-174). Le rédacteur de la Gazette de la Guadeloupe affirme ne donner cet «article de littérature» que pour «remplir le vide des nouvelles», mais le choix même de cet article est significatif et révélateur non seulement des intérêts et des convictions du rédacteur, mais aussi des idées qui sont alors débattues dans les colonies, lorsqu'on sait notamment que dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle les colonies de la mer des Antilles prennent conscience de leur différence et de leur spécificité «américaine» et que s'y développe un mouvement à caractère autonomiste qui va trouver une de ses sources d'inspiration dans le «modèle américain». Deux autres comptes rendus sont publiés à la fin de 1788, l'un analysant la réponse de Necker à Calonne, l'autre, rédigé par Jean-Marie Amic, médecin du gouvernement de la Guadeloupe, rendant compte d'une publication du Cercle des Philadelphes sur les «maladies epizootiques» dont est atteint le bétail (p. 117, 194). Tous deux se rattachent également aux deux principaux centres d'intérêt de la Gazette de la Guadeloupe en 1788, les réformes entreprises dans le royaume et le progrès de la colonie. La publication de la Gazette de la Guadeloupe a sans doute cessé au cours de l'été 1789. A partir du 3 septembre de cette année-là, la veuve Bénard publie les Affiches, annonces et avis divers de la Guadeloupe (Ragatz, p. 401). Comme la Gazette, les Affiches sont hebdomadaires et paraissent le jeudi. Alain NABARRA
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