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Dictionnaire des journaux 1600-1789, sous la direction de Jean Sgard, Paris, Universitas, 1991: notice 476 LA FEUILLE UTILE ET AMUSANTE (1778) 1] Titres La Feuille utile et amusante. 2] Dates 14 janvier 1778 - mars 1778 (nº 1) ? Un seul numéro. Le nº 0 ou prospectus, paru antérieurement au 1er octobre 1777 annonçait la première Feuille pour le 4 novembre de la même année. A dater de ce jour, deux feuilles seraient fournies chaque semaine, lesquelles paraîtraient régulièrement les mercredi et samedi. Cette périodicité fut-elle respectée? Encore faudrait-il qu'un nº 2 eût été imprimé! 3] Description Feuille petit in-4º (190 x 245), à deux colonnes, constituée de 8 p. composées en caractère Cicéro. 4] Publication Dinant, Arnold-Joseph Leroux, imprimeur-libraire, rue Neuve, à l'enseigne du Cygne, pour le prospectus seul; ensuite, le lieu de publication mentionné sera: au Ban-du-Mont, de l'Imprimerie de la Société. Le prospectus annonçait que les personnes qui désiraient s'abonner pourraient souscrire «au Bureau des Postes de Sa Majesté Impériale, Royale et Apostolique vis-à-vis du Collège à Namur; chez Madame Delloye, marchande-fabricante de papier à Huy; chez le Sieur Loxhay, marchand-libraire au Palais à Liège; chez le sieur Jard, au Café militaire sur la Place, proche la Grand'-Garde à Givet; et chez le sieur Diot, imprimeur-libraire à Charleville». Le prix de l'abonnement annuel était fixé à 12 # de France, franc de port, payable pour moitié à la souscription. 5] Collaborateurs A l'instar de Pierre Rousseau avec le Journal encyclopédique (1756) et plus tard de Pierre Lebrun avec le Journal général de l'Europe (1785), Arnold-Joseph LEROUX, fondateur de La Feuille utile et amusante, fut assurément le directeur et rédacteur principal de cette autre revue de nature philosophique. 6] Contenu Contenu annoncé (Prospectus): le projet de la Feuille utile et amusante est «d'instruire le Public, de l'amuser agréablement, de lui donner des connaissances toujours nouvelles en diverses sciences, de lui découvrir les Secrets de la Nature et de l'Art, de lui fournir des moyens assurés par l'expérience pour se procurer par soi-même l'amusement de l'esprit, la satisfaction de l'âme, la gaité du cœur, le soulagement dans tous les maux de la vie, et la guérison certaine des différentes maladies qui infectent le genre humain». La pensée qui a déterminé l'entreprise de cette Feuille est de révéler à l'Homme les bienfaits de la Nature. Pour atteindre cet objectif dans l'air du temps et «n'ayant d'autre intention que d'inspirer l'amour de la vertu et l'horreur du vice», l'auteur prévoit les rubriques qui composeront chaque ordinaire: L'Histoire amusante, utile et agréable (séparée de «ces réflexions morales, souvent sèches, qu'on ne lit guère, et qui pour la plupart ne servent qu'à ennuyer»); des Anecdotes galantes et nouvelles; la Géographie, centrée pour une grande part sur une meilleure connaissance de la Principauté de Liège, tout en donnant une vue générale sur le monde qui l'entoure; les Affaires Politiques, Civiles et Ecclésiastiques se produisant parmi les puissances européennes; la Fable et les Antiquités; la Médecine. D'après Ulysse Capitaine, «ce recueil très inoffensif ne renferme que des anecdotes, des comptes rendus littéraires, des variétés scientifiques, etc. Nous ignorons s'il a eu quelque durée». 7] Exemplaires Bruxelles, Mundaneum, nº 0 (oct.?) 1777. 8] Bibliographie Capitaine U., «Recherches sur l'introduction de l'imprimerie dans les localités dépendant de l'ancienne principauté de Liège et de la province actuelle de ce nom», Le Bibliophile belge, t. I, 1866, p. 111. – Doyen F.-D., Bibliographie namuroise, 1887, p. 599. – Puttemans A., La Censure dans les Pays-Bas Autrichiens, 1935, p. 128. – Courtoy F., «Une imprimerie clandestine à Falmignoul en 1778», Namurcum, 1937, t. XIV, p. 52-55. – Gilles M., La Presse dinantaise (1777-1940), 1981, p. 1-3. Historique Vers 1776, Arnold-Joseph Leroux s'installe à Dinant. Il fait paraître, fin 1777, le prospectus d'un journal littéraire qu'il se propose d'intituler La Feuille utile et amusante. Il y fait l'éloge du Prince-Evêque des Etats de Liège, «qui ne discontinue point de donner des marques de son affection pour ses Sujets, de son zèle et de son attachement pour la prospérité des Sciences et des Arts». François-Charles de Velbrück, nommé prince-évêque de Liège le 16 janvier 1772, à la mort de Charles d'Oultremont, était en effet réputé pour son attachement aux idées nouvelles et éclairées qui secouèrent les esprits de toute l'Europe en cette seconde moitié du XVIIIe siècle. A.-J. Leroux quémande du Prince-Evêque sa protection qui «servira à augmenter l'émulation de ceux qui ont tant à cœur de célébrer ses vertus éminentes, et de suivre en tout son exemple». Alors qu'il organisait la publication de son recueil la sortie du premier numéro était en effet annoncée pour le 4 novembre 1777 mais fut très certainement retardée par manque de souscripteurs on lui retira son permis d'imprimer sous prétexte d'avoir trouvé dans sa librairie dinantaise des livres immoraux. C'est en effet l'époque où en marge de leur production courante ou officielle, les imprimeurs, même les plus grands, font un commerce prospère en diffusant les livres clandestins et en contrefaisant les œuvres philosophiques, libertines ou érotiques, sous le couvert de fausses adresses. Il va sans dire que les livres censurés, donc à succès, sont précisément ceux que le public achète le plus volontiers. A.-J. Leroux transporte donc sa presse au hameau de Ban-du-Mont qui formait alors l'extrême limite du Pays de Liège et des terres de l'Empire. Il y imprime le 14 janvier 1778 le premier numéro tant attendu de sa Feuille utile et amusante. Au dire du Procureur général du Conseil provincial de Namur, Grosse, qui rapporte les propos du receveur des douanes de Mesnil-Saint-Blaise, localité voisine de Falmignoul, c'est le 9 janvier que Leroux aurait été expulsé de Dinant et se serait alors refugié au Ban-du-Mont. Il avait mis à profit le statut confus de cette partie du village de Falmignoul, situé sur le territoire de l'Empire, et qui faisait l'objet depuis le XVIIe siècle, de difficultés territoriales entre les Pays-Bas et la Principauté de Liège. Le Ban-du-Mont relevait en effet de la Prévôté de Poilvache dans le Comté de Namur et ses habitants constituaient la communauté de Falmignoul avec ceux du Ban-de-Saint-Hubert, appartenant à l'abbaye du même nom, qui était sous la suzeraineté liègeoise. La propriété du chemin qui passait par les deux bans fut maintes fois contestée, à tel point que les habitants du Ban-du-Mont avaient habilement profité de la situation en déclarant cette terre, enclavée dans les Pays-Bas, franche de tout droit. Leroux s'y croit à l'abri. Il devra vite déchanter. Dans une lettre datée du 13 février 1778, le receveur des douanes de Mesnil-Saint-Blaise informe en effet la juridiction namuroise du caractère subversif des publications de Leroux. Il y fait notamment état de la saisie de celles-ci, le 9 février, chez un associé dinantais de Leroux, et joint comme preuve, le prospectus et le premier numéro de La Feuille utile et amusante (cf. notes de Warzée contenues au Mundaneum). Le 20 février 1778, les officiers principaux du Bureau des droits d'entrée à Namur informaient le Conseil des Finances à Bruxelles de ce qu'un dénommé Leroux, imprimeur-libraire, était venu s'établir au village de Falmignoul sans avoir payé de droits et exerçait son art sans les autorisations d'usage. Il s'était mis à débiter des livres suspects et y imprimait une «feuille licencieuse» qu'il répandait ensuite dans tout le pays. Compte tenu de la méconnaissance des droits juridictionnels afférents au Ban-du-Mont, ils demandaient des instructions sur la conduite à prendre et sur les droits qu'ils avaient sur la saisie des livres et des ustensiles de l'imprimerie. Le 23 février, Paradis, le Conseiller des Finances, déférait l'affaire au Conseil privé (Carton 1065B). Le 5 mars, le Gouvernement de Bruxelles chargeait le Procureur général, Grosse, de lui faire rapport. Son avis en date du 21 mars est catégorique (Archives de l'Etat à Namur, Conseil provincial, nº 3416). Dans l'intérêt de la religion, des mœurs et de l'Etat, il fallait empêcher l'établissement d'une imprimerie ou d'une librairie au Ban-du-Mont, «endroit situé à l'écart, où l'on peut exercer ce commerce utile et dangereux à la fois, sans être soumis à aucune censure, et par conséquent, y mettre sous presse et faire circuler dans le public avec autant d'aisance que d'impunité cette foule de productions monstrueuses, dont tout le zèle des Magistrats trop souvent s'efforce en vain d'arrêter le cours pernicieux». Il souhaitait d'ailleurs obtenir la permission d'effectuer en quelque sorte un recours en référé en demandant à ce qu'on lui envoie «les ordres convenables à l'effet d'interdire cette librairie et imprimerie, même avec pouvoir de s'emparer de tous les livres, feuilles et ouvrages qui peuvent la composer, afin de voir et reconnaître ce qu'il y a de bon ou de mauvais et agir en conséquence. d'autant plus que le Receveur de Mesnil-Saint-Blaise donne celui qui dirige cette entreprise pour un homme fort suspect...». Aux yeux du procureur général, il semblait d'ailleurs évident «que ce n'est pas seulement pour se tenir éloigné des yeux des censeurs ordinairement domiciliés dans la capitale et pour échapper à leur animadversion que ce Le Roux s'est réfugié dans ce petit coin contigu à un païs étranger, mais qu'en cela il s'est encore proposé de vendre et débiter sa marchandise, sans supporter les droits d'entrée à la faveur des prétentions absurdes et ridicules des habitants du Ban du Mont qui ne veulent point être sujets de S.M., lorsqu'il s'agit du paiement de ces droits pour ce qu'ils reçoivent de l'étranger». Il proposait des poursuites rigoureuses contre l'imprimeur «s'il était possible à présent de le découvrir». Dans son rapport en date du 2 avril, Lambert Plubeau, conseiller au Conseil privé, prie l'Impératrice de charger le procureur général de Namur de se pourvoir contre Joseph-Arnold Leroux en conformité avec l'ordonnance du 25 juin 1778. Le 27 avril suivant, l'Impératrice chargeait le procureur général de Namur d'agir contre Leroux et de le poursuivre en justice. C'est ainsi que se termine la carrière infortunée de ce libraire aventureux qui aura connu des démêlés avec l'administration tant de la Principauté de Liège que de celle des Pays-Bas. Il y a fort à parier qu'il ait eu le temps de fuir puisqu'à partir de ce moment on perd sa trace. Sa mobilité géographique et la spéculation sur les livres philosophiques le poussèrent plus que probablement à poursuivre en d'autres lieux ses activités illégales du commerce de la librairie. Jacques HELLEMANS
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