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Dictionnaire des journaux 1600-1789, sous la direction de Jean Sgard, Paris, Universitas, 1991: notice 381 ÉPHÉMÉRIDES TROYENNES (1757-1768) 1] Titres Ephémérides Troyennes (avec en sous-titre, «Pour l'an de grâce...» ou «Pour l'année bissextile...», suivi de la date en chiffres romains). 2] Dates Annuelles, les Ephémérides troyennes paraissent chaque année de 1757 à 1768. Un volume par an. 3] Description 12 volumes, 65 x 120, in-12 ainsi paginés: t. I-II-III: non paginés; t. IV: 200 p.; t. V: 222 p.; t. VI: 243 p.; t. VII: 226 p.; t. VIII: 259 p.; t. IX: 230 p.; t. X: 186 p.; t. XI: 191 p.; t. XII: 212 p. Devises: La devise adoptée en 1760, Spartam nactus es: Hanc orna, est remplacée en 1762 par une devise annuelle placée en sous-titre. Illustrations: chaque volume des Ephémérides est accompagné d'une planche en frontispice; de nombreuses vignettes et quelques planches hors-texte. Liste des planches en frontispice: 1757: Plan par terre de la ville de Troyes; 1758: Vue de la façade de l'Hôtel de Ville de Troyes; 1759: Portail de la cathédrale de Troyes; 1760: Carte des environs de Troyes; 1761: Jubé de Saint-Etienne de Troyes; 1762: Portail de Saint-Martin-ès-Vigne de Troyes; 1763: Grille de Saint-Nicolas de Troyes; 1764: Jubé de Sainte-Madeleine de Troyes; 1765: Portail de Saint-Nicolas-au-Marché de Troyes; 1766: Porte des prisons de Troyes; 1767: (Planche identique à celle du vol. de 1760); 1768: Portail de Saint-Frobert de Troyes. 4] Publication Troyes. Imprimeurs: veuve L.G. Michelin, imprimeur du Roi, Grande Rue, Troyes (1757-1760). Michel Gobelet, imprimeur, Grande Rue, Troyes (1761-1768). Libraires associés: Duchesne, libraire à Paris, rue Saint-Jacques, «Au Temple du Goût» (1758, 1760-1768); veuve Le Gras, libraire à Paris, au Palais, au coin de la galerie des Prisonniers, «A l'Image Notre-Dame» (1759). 5] Collaborateurs Pierre-Jean GROSLEY, avocat, membre associé de l'Académie des inscriptions et belles-lettres. Quelques collaborations occasionnelles sous forme d'insertion de «Mémoires» (Noms mentionnés: comte de Rhinvillé; Desmaret, inspecteur des manufactures de Limoges). 6] Contenu En publiant les Ephémérides troyennes, Pierre-Jean Grosley se propose de «servir sa patrie (Troyes) en la faisant connaître aux étrangers comme à ses propres concitoyens». Dans ce but il traitera notamment des «curiosités et singularités de la ville de Troyes» et insérera «chaque année [...] quelques Pièces Historiques ou Inconnues ou absolument Anecdotes» relatives à la ville. Pour continuer la tradition de «l'ancienne typographie troyenne», les Ephémérides seront également un almanach mais «un almanach particulier» de Troyes et un almanach dans lequel «les mouvements des corps célestes exactement calculés, quelques détails d'Histoire naturelle, une idée du Gouvernement Ecclésiastique, Civil et Militaire», remplaceront les «prédictions» et les «pronostications sur la pluie et le beau temps» d'autrefois (Avis, 1757-1758). Les articles publiés de 1757 à 1768 se rangent sous quatre rubriques principales: 1) «Antiquités», «curiosités et singularités de la ville de Troyes» (description et évaluation des principales richesses artistiques de la ville); 2) Mémoires et «pièces relatives à l'histoire civile, ecclésiastique et naturelle de Troyes» (textes, certains en latin, choisis pour leur rareté et leur intérêt historique ou anecdotique); 3) Essais sur la vie et les ouvrages de Troyens célèbres; 4) «Etablissements et entreprises utiles» (l'actualité troyenne et notamment des remarques et articles sur les moyens de développer l'économie de la région et d'améliorer la vie quotidienne de ses habitants). Encadrant ces articles, se trouve la partie proprement «almanach» des Ephémérides, contenant une série d'informations et de renseignements pratiques, les uns généraux (calendrier avec indication de la position et du mouvement des astres; fêtes mobiles; saints; saisons; éclipses, etc.), les autres particuliers à la ville de Troyes (liste des fonctionnaires de l'administration royale; paroisses et clergé du diocèse de Troyes; échevins et conseillers de ville; journal du Palais; médecins; arrivée et départ des courriers; poste; foires et marchés, etc.). Quelques avis et annonces publicitaires. Principaux centres d'intérêt: Troyes, son passé et son avenir. Principaux auteurs troyens: Jean Passera (1762, p. 93-126); Pierre Pithou (1763, p. 117-144); le père Lecointe (1764, p. 165-195). Pas de tables intégrées à la collection. Alphonse Roserot a établi une «Table de concordance entre l'édition originale et la réimpression de 1811», dans Mémoires de la Société [...] de l'Aube, t. XXXIV, 1897, p. 229-242. La «Table onomastique des Ephémérides de Grosley», établie par l'abbé A. Prévost, dans Mémoires de la Société [...] de l'Aube, t. LII, 1915, p. 285-321, renvoie à la réédition de 1811. 7] Exemplaires B.N., 8º Lc31. 543. 8] Bibliographie Rééditions: Ephémérides de P.J. Grosley, éd. par L.M. Patris-Debreuil, Paris, 1811, 2 t. (réédition partielle et distribution différente des articles par rapport à l'édition originale). Mentions dans la presse du temps: Bibliothèque impartiale, t. XVI, juil.-août 1757, p. 98-105; La Clef ou Journal historique sur les matières du temps, t. 85, janv. 1759, p. 38-39; t. 87, janv. 1760, p. 42-44; t. 89, mars 1761, p. 184-188. Deux pamphlets ont été publiés contre les Ephémérides troyennes: Ramponides, s.l.n.d. [Troyes, 1761], et Lettre critique de M. Hugot, Maître Savetier, à l'Auteur des Ephémérides troyennes, s.l.n.d. [Troyes, 1762], attribués respectivement à Montroger et à J.B. Ludot. Grosley se justifiait déjà de certaines attaques dans sa Lettre à Monseigneur au sujet des observations sur l'almanac de Troyes, Troyes, 1757. – Mercure de France, 1812, p. 393-403. – Vie de M. Grosley, écrite en partie par lui-même, Paris, 1787. – Sainte-Beuve, «De l'esprit de malice au bon vieux temps», Revue de Paris, t. X, 1842, p. 145-169. – Dubois J., «Un savant champenois: Grosley», Mém. Soc. Aube, t. XXXVIII, 1901, p. 181-217. Historique En 1741, fuyant la «représentation» et les «entremangeries» des milieux littéraires parisiens (Vie, p. 60), Pierre-Jean Grosley revient dans sa ville natale, Troyes, pour s'y établir définitivement. Une idée va désormais guider sa vie comme son œuvre, celle de la «patrie», au sens étymologique du mot. Aussi entreprend-il en 1757 la publication des Ephémérides troyennes: «L'objet de ce travail», écrit-il dans ses mémoires, «était d'intéresser mes concitoyens à leur patrie [...], de rendre hommage au mérite présent et passé, [et] d'ouvrir les yeux sur des entreprises utiles» (p. 171). Se voulant un véhicule d'instruction locale, les Ephémérides troyennes s'attachent surtout à faire connaître l'histoire de Troyes et de sa région. Pour Grosley l'attachement au passé va cependant de pair avec l'amour du progrès. S'il rappelleles anciennes traditions, ou s'il fait revivre les faits et les hommes qui ont marqué dans le passé de la ville, c'est non seulement pour «mettre [les Troyens] au fait de leur propre histoire», mais aussi pour animer leur «zèle patriotique», les attacher à leur patrie afin de les intéresser à son avenir. Il faut lire «l'Histoire avec des yeux philosophiques», en tirer des enseignements pour mieux s'engager dans le présent. Apologiste du «bonheur de province» (Vie, p. 86), Grosley supporte mal l'hégémonie politique et culturelle de la capitale. Influencé par les théories de Quesnay et de d'Argenson, il favorise la décentralisation administrative, la liberté économique, la renaissance des franchises locales, l'essor des régions. Ainsi, sous la rubrique «Etablissements et entreprises utiles», une rubrique de plus en plus importante à mesure que les années passent, est proposée toute une série de mesures destinées à promouvoir le développement économique de Troyes et de la Champagne: aménagement de la navigation de la Seine; assèchement et mise en culture des terrains marécageux; introduction de cultures secondaires (lin, coton); créations d'industries locales (filatures, tanneries, papeteries, etc.). Grosley favorise également la décentralisation culturelle, inventoriant les richesses artistiques de la ville pour susciter la fierté et l'émulation chez ses concitoyens, ou publiant, dans les Ephémérides de 1761, un «Vocabulaire troyen», lexique des mots et expressions en usage dans la région: «Pourquoi donc Vaugelas restreint-il le bon usage de la langue française à la manière de parler des meilleurs écrivains et des personnes polies de la Ville et de la Cour?» (cité par Sainte-Beuve, p. 165, n. 1). La publication des Ephémérides troyennes souleva beaucoup de remous à Troyes. Grosley fut dénoncé aussi bien comme un esprit rétrograde que comme un dangereux novateur, notamment dans deux pamphlets dirigés contre son périodique, les Ramponides et la Lettre critique de M. Hugot, Maître Savetier. Qu'il loue l'art gothique à une époque où on le méprise ou qu'il avoue préférer les rues étroites, pavées et tortueuses de Troyes aux nouvelles avenues proposées dans un projet de rénovation urbaine, on l'accuse d'être l'ennemi du bon goût et de «tout ce qui se fait de son temps» (Vie, p. 208). Qu'il encourage au contraire le développement de l'artisanat local pour fournir de l'emploi aux vignerons et aux agriculteurs pendant l'hiver, remettant ainsi en cause les privilèges des Corps et «Communautés de fabricants», on lui reproche alors d'innover dangereusement en «dérang[eant] les paysans dans leur routine» (Lettre, p. 42). A la fois en avance et en retard sur son siècle, Grosley dérange et heurte susceptibilités et intérêts locaux. Aussi, le 23 décembre 1761, tous les exemplaires des Ephémérides troyennes sont-ils saisis chez l'imprimeur et détruits. Puis, par sentence du lieutenant-criminel de Troyes, datée du 22 mars 1762, «défense est faite de continuer la publication, à tout imprimeur de l'imprimer, à tout libraire et colporteur de la débiter, à toutes personnes de qualité et de condition qu'elle fût d'en garder un seul exemplaire» (Vie, p. 204). Le prétexte: la reproduction du portrait satirique d'un chanoine, œuvre d'un artiste troyen du XVIe siècle, qui fait notamment accuser Grosley d'être un «impie et un libertin» qui se moque des «mœurs et de la religion» (Vie, p. 178, 183). Les critiques qu'en d'autres occasions Grosley a adressées aux jésuites, ses sympathies jansénistes comme ses amitiés «philosophiques», ont aussi sans doute joué un rôle dans l'interdiction des Ephémérides troyennes en 1761. Un nouveau privilège sera cependant obtenu la même année, et la publication reprend. Mais les «tracasseries» continuelles, les «petits intérêts, les petites vues et les petites passions» auxquels Grosley doit faire face, auront raison de son entreprise: il abandonne avec la livraison de 1768. Pour le «guerroyant philosophe» de Troyes, comme l'appelle Voltaire qui l'a reçu à Ferney, impossible d'être prophète dans sa propre patrie (Best. D8784). Alain NABARRA
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