ISSN 2271-1813 ...
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Dictionnaire des journaux 1600-1789, sous la direction de Jean Sgard, Paris, Universitas, 1991: notice 30 AFFICHES DES ÎLES DE FRANCE ET DE BOURBON (1773-1790?) 1] Titres Annonces, Affiches et Avis Divers pour les Colonies des Isles de France et de Bourbon. Devient en 1783, Annonces, Affiches et Avis Divers pour les Isles de France et de Bourbon. 2] Dates Un «Avis au Public» annonçant la publication prochaine du journal, est diffusé au cours du mois de décembre 1772. Les «lettres de privilèges», datées du 12 janvier 1773, sont signées du gouverneur de Ternay et de l'intendant Maillar-Dumesle qui nomment également le même jour un censeur chargé de surveiller «l'impression, la vente et le débit» du journal, Charles de Saint-Mihiel. Hebdomadaires, les Annonces sont publiées le mercredi à partir du 13 janvier 1773. Elles auraient continué à paraître jusqu'à la fin de 1790. On n'en connaît cependant des exemplaires que pour les années 1773, 1774, 1775 et 1783. Un volume par an. 3] Description Cahier de 4 p. sur deux colonnes. Pour les trois premières années on ne trouve que deux suppléments de deux pages chacun (Suppléments aux nº 1 et 6 de l'année 1773), et deux numéros paraissent, l'un sur huit pages (nº 30, 1773), l'autre sur six pages (nº 3, 1774). Pagination continue pour chaque volume (1773: 51 numéros, 212 p.; 1774: 52 numéros, 210 p.; 1775: 52 numéros, 208 p.). Dimensions, 188 x 223, in-4º. Sans devise ni illustration pour la collection existante. 4] Publication A Port-Louis, Ile de France, de l'Imprimerie du Roi, «située entre la Citadelle et le ruisseau des Pucelles». Imprimeurs: Pierre Nicolas Lambert (1773-1783); François Nicolas Bolle (1784-1790). Le prix de l'abonnement, fixé la première année à 24 # pour Port-Louis, 36 # pour le reste de l'île de France, et 30 # pour l'île Bourbon, passe dès l'année suivante à 30 # pour Port-Louis, 42 # pour l'intérieur de l'île, et 36 # pour l'île Bourbon. Coût d'insertion des annonces: 20 s. Les «Avis, Mémoires, Observations, etc., tendant à l'utilité générale seront reçus gratis». 5] Collaborateurs Pierre Nicolas LAMBERT (1773-1783); Joseph Anne GESTAT DE GAREMBE (1783-1784); François Nicolas BOLLE (1784-1790). Collaborations occasionnelles de lecteurs. 6] Contenu Nicolas Lambert se propose de publier une «feuille imprimée» qui sera «assez semblable aux petites affiches de Paris par l'annonce des biens de Campagne, Maisons, Noirs, Bestiaux, Effets à vendre ou à louer, des Entreprises pour le Roi ou pour le particulier, des Ordonnances et Règlements», etc. Mais il veut aussi «embrasse[r] un plan beaucoup plus étendu», ayant dessein de «faire entrer [dans sa feuille] tous les événements particuliers» aux îles de France et de Bourbon, et tout «ce qu'on pourra recueillir des nouvelles étrangères dans les différents établissements fréquentés par les Vaisseaux de la Nation, les recherches et observations faites sur l'agriculture des deux Isles, sur le commerce qui peut leur être le plus avantageux, sur les accroissements dont il est susceptible, sur les moyens d'en multiplier les branches» (Avis au public). Les Annonces donneront également des «nouvelles de la Métropole» extraites de différents journaux, et «rapporter[ont]» plus particulièrement «les articles les plus intéressants» pour les deux îles (Avant-Propos, nº 1, 13 janv. 1773). Le contenu réel suit les grandes lignes du contenu annoncé, du moins pour les trois premières années. Principales rubriques dans leur ordre de publication: 1) Biens à vendre; 2) Avis divers (avis, ordonnances, lettres circulaires des administrateurs; offres et demandes; esclaves marrons; annonces de particuliers; objets perdus et trouvés; etc.); 3) Départ des particuliers; 4) Agriculture et Arts (articles, mémoires traitant de sujets économiques, et plus particulièrement de l'agriculture et du commerce dans la colonie et des moyens de les améliorer); 5) Nouvelles particulières (nouvelles locales; annonces et comptes rendus des réunions des différents corps constitués; nouvelles apportées par les vaisseaux qui abordent au Port-Louis); 6) Nouvelles extraites des gazettes d'Europe; 7) Arrivée et départ des vaisseaux du Port-Louis; 8) Extrait du registre de la geôle de Port-Louis (liste hebdomadaire des esclaves marrons arrêtés et emprisonnés). Les Annonces, affiches et avis divers se veulent avant tout un journal au service des îles de France et de Bourbon, un organe d'information et de liaison entre les différents quartiers de la colonie comme un lien entre celle-ci et l'extérieur. 7] Exemplaires Coll. consultée, incomplète: B.L., P.P. 3801.ba (Prospectus, années 1773, 1774 et 1775, complètes); A.N., C4 63.2, fº 162-163 (nº 38 de l'année 1783); Mauritius Institute Library, Port-Louis, le nº 43 de 1783. 8] Bibliographie Toussaint A., Early printing in the Mascarene Islands. 1767-1818, Londres, 1951, p. 59-76. – Toussaint A., Bibliography of Mauritius (1502-1954), Port-Louis, 1956, p. 169 et suiv. Historique Administrées depuis 1721 par la Compagnie française des Indes Orientales, les Mascareignes passent en 1764 sous le contrôle direct du ministère de la Marine, mais ce n'est que trois ans plus tard, en juillet 1767, que débarquent à l'île de France les premiers administrateurs royaux. Dès la fin de l'année 1767, l'intendant Pierre Poivre établit une imprimerie à Port-Louis, la première des îles. Pierre Saunois, un «ingénieur-mécanicien» originaire de Saint-Julien près de Langres, en assure la direction jusqu'au début de 1770, date à laquelle il est remplacé à ce poste par Pierre Nicolas Lambert, né à Paris en 1741 et arrivé à l'île de France en 1767. C'est à l'initiative de ce dernier que vont être publiées les Annonces, «une entreprise qui étant ici la première de son genre, laisse tout à créer» (1773, p. 1). Le problème que Nicolas Lambert doit d'abord résoudre, est celui de la distribution. Aussi la société qu'il forme au cours de l'année 1772 se donne-t-elle pour but, outre la publication d'«une feuille imprimée», l'établissement d'un «Bureau» qui assurera la distribution du journal et la «correspondance générale» des îles. Le «Bureau général des Postes et Gazettes» de l'île de France est constitué en décembre 1772. Des «Noirs facteurs» seront chargés de distribuer les «lettres et feuilles hebdomadaires» dans les différents quartiers de l'île une fois par semaine, et, exceptionnellement, dans le cas de l'arrivée d'un bateau au Port-Louis, «six ou huit heures après» (Avis au public). Le service de la poste est étendu à l'île Bourbon au cours de l'année 1773, le sieur Détaché étant chargé à Saint-Denis de la distribution des «lettres, feuilles de Gazettes et autres papiers publics» («Avis à Mrs les Habitans de Bourbon», 1773). Par l'établissement de ce service de poste, Nicolas Lambert résout non seulement le problème matériel de la distribution du journal, mais trouve aussi le moyen d'en promouvoir la vente: pour les abonnés du journal, les lettres seront «délivrées franches de port». Un autre obstacle, plus difficile à surmonter, est celui des sources d'informations. Dès le premier numéro, Nicolas Lambert s'excuse auprès de ses lecteurs: «les premières Feuilles ne seront peut-être pas aussi complètes que Mrs les Abonnés avaient droit de l'attendre et que nous l'aurions désiré en notre particulier, mais nous espérons que les difficultés que nous avons trouvé à rassembler nos Matériaux ne subsisteront pas par la suite» (1773, p. 2). Pour les nouvelles de l'extérieur, Nicolas Lambert est à la merci de l'arrivée des bateaux. Ceux venant de France mettent en moyenne quatre mois pour faire la traversée, mais, selon les saisons et les armements, le délai peut être plus long: ce n'est, par exemple, que dans les derniers jours de décembre 1774 que L'Actif apporte à la colonie la nouvelle de la mort de Louis XV survenue à Versailles le 10 mai, nouvelle que les Annonces publient dans leur numéro du 4 janvier 1775. Les nouvelles apportées par les différents bateaux qui abordent au Port-Louis sur la route de France ou des Indes, entrent dans la rubrique «Nouvelles particulières» qui contient également les nouvelles locales. Celles-ci sont fonction de l'actualité: la célébration de la Saint-Louis au siège du gouvernement; les crimes du soldat Desperou dit «Sans Quartier»; le terrible ouragan du 10 avril 1773 qui détruisit toutes les récoltes, plus de trois cents maisons à Port-Louis et une trentaine de navires amarrés dans la rade (1773, p. 142, et 1775, p. 138; 1774, p. 36 et suiv.; 1773, p. 58, 62). Mais leur part est souvent réduite. Pour suppléer au manque de nouvelles, Nicolas Lambert a recours aux correspondances privées et aussi aux journaux de bord tenus par certains officiers de marine: le chevalier de Clesmeur et le capitaine Crozet rendent compte du voyage de Marion-Dufresne à Tahiti; le capitaine Lanoue, du voyage d'exploration de la Sauterelle à l'Ile-aux-Sables; La Pérouse, commandant de la flûte La Seine, des opérations navales au large des côtes de l'Inde (1773, p. 54-56, 58-59; 1775, p. 87-88, 186-187). Le défaut de «matériaux» avait cependant contraint Nicolas Lambert, dès le nº 13 de la première année, à puiser dans les collections de journaux européens de l'année précédente: «Nous avons été obligé, par la stérilité des nouvelles du pays, d'avoir recours à ce fonds de matières» (1773, p. 56). Il promet d'abréger «le plus qu'il sera possible» cette rubrique des «Nouvelles d'Europe extraites des Gazettes», espérant avoir accès à des informations plus récentes, mais la rubrique deviendra régulière et occupera souvent, par la suite, plus de la moitié du journal. Lien avec l'extérieur, journal d'information locale, le premier journal des Mascareignes est aussi, et avant tout, comme son titre l'indique, un journal commercial d'avis et d'annonces. Il renseigne les habitants qui commencent à s'établir dans les différents quartiers des îles de France et de Bourbon, sur les règlements en vigueur, le mouvement du port, les ventes aux enchères, les arrivées de marchandises, etc. Nicolas Lambert voudrait aussi faire des Annonces un instrument pour aider au progrès de la colonie. Dans ce but, il publie plusieurs articles et mémoires qui soutiennent notamment les efforts de l'administration pour développer les cultures vivrières, et invite les «habitants zélés et instruits» à faire part au public de leurs «observations et expériences» (1773, p. 35). Quelques-uns répondent, comme Fortin, habitant de la Montagne Longue, qui donne son «remède» pour guérir plusieurs maladies qui affectent les animaux d'élevage (1773, p. 9-10); mais les contributions viendront surtout d'officiers et d'administrateurs en poste dans la colonie: Beauvais, médecin-vétérinaire, Bourdier, «premier médecin des Hôpitaux du Roi aux Isles de France», de Montvert, major des Milices nationales, qui indique «le meilleur moyen de faire des Pépinières de Caffeyers» (1773, p. 24-25). La source se tarit cependant rapidement et l'absence de contributions conduira Nicolas Lambert à recourir de plus en plus fréquemment, pour sa rubrique «Agriculture et Arts», à des extraits de la Gazette du commerce, choisissant, dans la mesure du possible, des articles qui traitent de découvertes et d'expériences qui pourraient avoir des applications locales. De même que l'éloignement et l'isolement, la faible population de la colonie limite les sources d'informations et les «matériaux» disponibles (il n'y avait en 1767 que 1990 blancs et «libres» à l'île de France, 5300 à l'île Bourbon). L'absence d'établissements d'enseignement se fait aussi sentir. Nicolas Lambert s'était engagé à publier toutes «les pièces» qui lui seraient adressées «sans hasarder [son] opinion»; mais dès le nº 6, ayant reçu «plusieurs pièces dont le style exige de grandes corrections», il se voit obligé de prévenir ses lecteurs que «quand les écrits qu'on [lui] enverra ne seront pas assez châtiés pour souffrir l'impression, [il se dispensera] d'en parler» (1773, p. 28). La vie culturelle se développe pourtant peu à peu à l'île de France, comme le montrent les annonces de ventes de bibliothèques et les avis de recherche de livres qui sont insérés dans le journal. Celui-ci publie aussi régulièrement, à partir de novembre 1775, le programme de la «Société de spectacle» qui donne des représentations théâtrales deux fois par semaine: on joue le Misanthrope le 5 novembre, Turcaret le 12, L'Ecole des femmes le 16. Durant les trois premières années, les Annonces ne publient cependant ni articles de nature littéraire, ni comptes rendus de livres ou de spectacles, à l'exception toutefois d'une «Anecdote», l'histoire d'«un mariage par lettre de change», reproduite des «papiers anglais» (1773, p. 42). Le fait que les Annonces soient un journal «semi-officiel», contrôlé étroitement par le gouverneur et l'intendant, a pu aussi décourager certaines collaborations et limiter les initiatives de son éditeur. Nicolas Lambert semble y faire allusion à plusieurs reprises, demandant l'autorisation de l'administration avant de publier la liste des chirurgiens accrédités, liste que lui a demandé un lecteur dans une «lettre circonstanciée» (1773, p. 34); ou rassurant plusieurs abonnés qui s'inquiètent du fait que les «Mémoires d'agriculture» et les «Bulletins de nouvelles» doivent être envoyés signés au journal: «Plusieurs personnes [..] nous ayant fait part de leur répugnance à cet égard, nous croyons devoir avertir que nous ne nous permettrons jamais de compromettre dans notre Gazette, le nom d'aucun auteur sans son consentement expresse: nous voulons seulement nous munir de pièces authentiques que nous puissions représenter au Censeur Royal, en cas de besoin» (1773, p. 116). Nicolas Lambert assure la publication des Annonces, affiches et avis divers jusqu'en 1783, avec l'aide, à partir de 1775, de Grezis de Julliat qui, nommé en mars de cette année-là directeur des Postes, est chargé «de la correspondance générale de l'Ile et de recevoir les divers avis et annonces qu'on jugera à propos de faire insérer dans la Gazette» (1775, p. 56). Pour les années 1773 et 1774, Détaché, commis au greffe, est le correspondant du journal à l'île Bourbon. Il est remplacé en 1775 par Légier, inspecteur de police à Saint-Denis. Au début de 1783, Nicolas Lambert cède la rédaction du journal à Joseph Gestat de Garembé, et, à la fin de la même année, la direction de l'imprimerie à François Bolle. C'est ce dernier qui, après la mort de Gestat de Garembé survenue en septembre 1784, va être en charge des Annonces, affiches et avis divers dont la publication aurait été suspendue en décembre 1790 par un décret de l'Assemblée coloniale (Toussaint, p. 59). A partir du 5 janvier 1792, François Bolle publiera la Gazette de l'Isle de France, qui se modèle sur les «anciennes Affiches», et le Journal des Assemblées coloniale, administrative et du directoire, journal officiel de la colonie. Nicolas Lambert, qui est de nouveau en charge de l'imprimerie en 1795, continuera à publier ces deux périodiques jusqu'en 1801. Ce n'est qu'à la fin de 1792 que la première imprimerie de l'île Bourbon avait été établie. Son directeur, Louis Delsuc, un ancien prêtre, publie en 1794 le premier journal de l'île Bourbon, devenue l'île de la Réunion l'année précédente, le Vrai Républicain ou Journal politique et littéraire de l'Isle de la Réunion qui n'eut qu'une existence éphémère. Alain NABARRA
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