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Dictionnaire des journaux 1600-1789, sous la direction de Jean Sgard, Paris, Universitas, 1991: notice 264 COURRIER DE BOSTON (1789) 1] Titres Courier De Boston, Affiches, Annonces, Et Avis. 2] Dates 23 avril - 15 octobre 1789. Hebdomadaire, il paraissait le jeudi. The Massachusetts Centinel annonce sa publication dans deux articles du 3 janvier et du 11 février 1789, articles en anglais qui reprennent la teneur d'un prospectus non daté, de 8 p., rédigé en français. 3] Description Le numéro paraît sur 8 p. à deux colonnes, 185 x 237, in-4º. Pagination continue (26 numéros: 208 p.). Devise: «L'Utilité des deux Mondes». Sans illustrations. 4] Publication A Boston, de l'imprimerie de Samuel Hall, libraire dans le Cornhill, au nº 53. On pouvait s'abonner à Boston, chez l'imprimeur; à Salem, chez Dabney et Cushing; à New York, chez Thomas Greenleaf et John Fenno; à Philadelphie, chez Mathew Carey; et «chez les principaux imprimeurs des Etats-Unis». Le Courier de Boston aura par la suite des correspondants au Cap, Ile de Saint-Domingue (Perkins et Cie), et à Saint-Pierre de la Martinique (J. Cornerais de Lorme). Prix au numéro: 5 pence. Abonnement annuel: 15 # (16 shillings 8 pence) pour Boston et le reste de l'Amérique, 24 # pour l'étranger, franc de port, la moitié de l'abonnement payable à la réception du neuvième numéro. Pour se faire une idée du tirage et de la diffusion du journal, on peut noter que dans le dernier numéro, le rédacteur indique qu'il serait prêt à reprendre la publication du Courier de Boston, s'il se présentait un nombre suffisant de souscripteurs, nombre qu'il fixe à 400. 5] Collaborateurs Paul Joseph GUERARD DE NANCRÈDE. 6] Contenu Le Courier de Boston a, selon le prospectus, trois «objets principaux»: 1) «encourager l'étude de la Langue Française en Amérique»; 2) «présenter un tableau de la Politique, des Arts, des Sciences et du Commerce des Etats-Unis, et généralement tout ce qui peut intéresser le Navigateur, le Négociant, le Cultivateur et le Politique, d'une manière directe»; 3) «répandre des lumières sur tout ce qui concerne l'Amérique; rectifier les erreurs des négociants étrangers; faire connaître aux Français les ressources locales de cette vaste et riche contrée [...] [et] les circonstances physiques, morales et politiques qui doivent déterminer les rapports sur lesquels le Commerce des Etats-Unis doit être fondé». C'est surtout «vers ce point que seront dirigés les efforts des Editeurs». Le contenu réel suit les grandes lignes du contenu annoncé. Principales rubriques: 1) Nouvelles de France et d'Europe. 2) Nouvelles d'Amérique. 3) Actes et travaux du Congrès des Etats-Unis. 4) Nouvelles de Boston. 5) Articles divers, la plupart sur des sujets économiques et commerciaux. 6) Prix courants des marchandises importées et exportées; «état du change entre Boston et les principales villes commerçantes d'Europe»; cours des fonds et effets publics; «bureau naval». Le Courier de Boston se donne essentiellement pour tâche de mieux faire connaître les Etats-Unis, pour notamment aider au développement de son commerce. Il travaille également à resserrer les liens culturels, politiques et commerciaux entre la France et les Etats-Unis. 7] Exemplaires Prospectus et collection complète: American Antiquarian Society, Worcester, Mass. (MWA). Principales collections complètes, à l'exception toutefois du Prospectus: Library of Congress, Washington, NC 0745931; Hougton Library, Harvard Univ., Cambridge, U.S. 4649.5; Essex Institute, Salem; N.Y. Hist. Soc., New York; Mass. Hist. Soc., Boston; Boston Public Library. 8] Bibliographie Presse du temps: The Massachusetts Centinel, 3 janv., 11 févr. 1789. Thomas I., The History of Printing in America, New York, 1874, t. I, p. 178. – Belisle A., Histoire de la presse franco-américaine, Worcester, 1911, p. 355-357. – Bringham C. S., History and bibliography of American newspapers: 1690-1820, Worcester, 1947, p. 285. – Winshisp G.P., «Two or three Boston papers», Bibliographical Society of America Papers, vol. XIV, 2 (1920), p. 57-76. – Barthold A.J., «French Journalists in the United States», Franco-American Review, vol. I, 1936, p. 219-221. Historique Le prospectus du Courier de Boston, non daté, annonce «l'établissement de cette feuille» pour «l'époque heureuse de la ratification de la nouvelle Constitution». Celle-ci, finalement adoptée par le Congrès américain le 17 septembre 1787, fut aussitôt envoyée pour ratification aux différents Etats: le Delaware la ratifie le 7 décembre, la Pennsylvanie le 12, le New Jersey le 18. Il est donc probable que le prospectus du Courier de Boston a été rédigé et diffusé dès la fin de 1787. Un autre fait vient soutenir cette hypothèse: à une lettre qu'il envoie le 2 janvier 1788 à Thomas Jefferson, alors ambassadeur des Etats-Unis à Paris, Nathaniel Barrett joint un «prospectus» rédigé par «a professor of the French Language at the University [of Cambridge] [...] who will have the best assistants and only need some encouragement abroad» (Papers of Th. Jefferson, Princeton, 1954, t. XII, p. 491). Joseph Nancrède, revenu en 1785 en Amérique où il avait combattu de 1779 à 1783 dans le corps expéditionnaire français, s'était installé à Boston et avait obtenu en octobre 1787 le poste d'instructeur de français, à l'université Harvard (Corporation Records, III, 229). Il songe donc dès la fin de cette année-là à publier un journal français, mais ce ne sera que plus d'un an plus tard que le Courier de Boston finalement paraîtra. Ce long délai s'explique par les nombreuses difficultés rencontrées, difficultés que Nancrède mentionne dans deux articles publiés au début de 1789 dans le Massachusetts Centinel: nécessité de s'assurer d'un nombre suffisant de souscripteurs pour permettre le démarrage, sinon le succès financier, de l'entreprise; délais dans l'établissement des correspondances avec les différents pays européens; retards dus aux problèmes typographiques posés par l'impression d'un journal français en Amérique; et aussi, et peut-être surtout, le temps employé à surmonter les «préjugés nationaux», et plus particulièrement le sentiment anti-français: «Although that blind antipathy against the French is almost done away among the enlightened class, yet there are still some prejudices left [...]; [this] will vanish away when the French nation will be better known among the Americans, it is true; but in the meantime the Frenchman, who, actuated by pure motives, undertakes anything useful, has the shocks of opinion to encounter» (11 févr. 1789). Pour assurer la publication de son journal, Nancrède recherche des souscripteurs à Boston et dans le reste de l'Amérique, mais aussi au Canada, dans les Antilles et en France. Il est encouragé et soutenu dans son entreprise par la Société gallo-américaine fondée en janvier 1787 à Paris par Brissot. Nancrède, qui travaille alors à une traduction anglaise de De la France et des Etats-Unis (M. Stern, Books and Book People, New York, 1978, p. 61-62), rencontre Brissot lors du séjour de celui-ci à Boston en juillet 1788. Il défendra dans les colonnes du Courier de Boston les idées exposées dans De la France et des Etats-Unis, puis reprises dans le programme de la Société gallo-américaine. Le premier numéro du Courier de Boston paraît le 23 avril 1789. Quelques changements ont été apportés: annoncé sur «16 à 20 pages octavo», il ne paraît plus que sur 8 p., in-4º; sa date de parution a été reportée du vendredi au jeudi; le sous-titre initial, «Affiches, Nouvelles et Avis», légèrement modifié. Le Courier de Boston s'est également donnée une devise, «L'Utilité des deux Mondes», qui se calque sur celle de la Société gallo-américaine, «Le Bien des Deux Mondes» (Brissot, Correspondance, Paris, 1912, p. 123). Dédaignant le goût du siècle qui demande toujours «plus de satire, plus de choses piquantes», le Courier de Boston se veut une «gazette utile» rédigée dans un «esprit impartial»: «Nous dirons tout ce qui nous paraîtra bon, utile, instructif, sans consulter si nous flattons l'un ou l'autre parti, tout ce qui pourra tendre à diminuer la force, la folie des préjugés nationaux, religieux; à faire connaître l'influence du cosmopolitisme et de ses effets bienfaisants». Ses lecteurs seront «des négociants, des étrangers, des personnes éclairées, à qui la Chronique scandaleuse qui fait l'ornement des papiers de Boston, n'offrirait que peu d'intérêt» (Courier, p. 1-3). Le Courier de Boston fait profession d'impartialité, mais cela ne doit pas tromper: journal d'opinion, il défend une politique précise. Il s'agit de contrebalancer l'influence de l'Angleterre, de lutter contre «l'esprit de parti» qui se déploie dans les journaux dévoués aux intérêts d'une «nation rivale», d'aider à «affranchir les Américains confédérés de l'espèce d'esclavage moral dans lequel ils gémissent encore, aux moyens des papiers publics anglais, source unique à laquelle ils puisent tous leurs avis» (Prospectus, p. 6; Courier, p. 3, 85). Le Courier de Boston voudrait voir se rompre les liens culturels et commerciaux qui rattachent encore l'Amérique à l'Angleterre, et fait campagne pour une politique de rapprochement et d'alliance entre la France et les Etats-Unis, une alliance qui est dans la «nature des choses» en raison de l'aide apportée par la France aux insurgés américains lors de la guerre d'Indépendance (Courier, p. 54, 78, 85). Nancrède défend notamment dans les colonnes du Courier de Boston, l'idée chère à Brissot d'une association commerciale privilégiée entre la France et les Etats-Unis, entre une France «manufacturière» et une Amérique «cultivatrice», le maintien de la vocation agricole de cette dernière étant le plus sûr garant de la préservation de ses «mœurs républicaines» (Courier, nota, p. 73-74, 88, 90, 108; De la France, passim). Plusieurs articles sont plus particulièrement consacrés à la question des «pêches américaines» et de leurs débouchés possibles sur le marché français, une question qui intéresse directement plusieurs marchands de Boston qui, comme Nathaniel Barrett, sont engagés à ce sujet dans des pourparlers avec le gouvernement français (Courier, p. 55, 88, 92, 112; Papers of Th. J., t. IX, p. 74; t. XIII, p. 523). Cela conduit d'ailleurs Nancrède à critiquer les droits et règlements français qui entravent la libre circulation des denrées, comme il attaque, en d'autres endroits, la politique protectionniste de l'Angleterre ou le projet d'impôt sur les marchandises importées qui sera finalement voté par le Congrès américain (Courier, p. 15, 37, 85, 96). Par les articles et nouvelles qu'il publie, le Courier de Boston veut aussi servir de lien entre la France et les Etats-Unis et mettre ces deux pays à portée de mieux se connaître l'un l'autre. Nancrède s'astreint ainsi à traduire et publier le compte rendu des travaux du Congrès et le texte des principales résolutions adoptées. Il se donnait pour but, dans le premier numéro, de présenter le «tableau des Américains fait par eux-mêmes», mais la «crise du jour en France» va lui faire accorder une place de plus en plus importante, dans les colonnes du Courier de Boston, aux nouvelles de France. Acquis aux idées philosophiques, admirateur de Jean-Jacques Rousseau, Nancrède accueille favorablement les débuts de la Révolution et de «la régénération de la France». Il s'engage à publier «tout ce qui lui tombera sous la main» à ce sujet, s'attachant cependant à dénoncer les «menées des agioteurs et des gazetiers anglais» et toutes les fausses-nouvelles «fabriqué[es] en Angleterre» (p. 15, 47, 135, 143). Le Courier de Boston s'engage également dans les débats de politique intérieure américaine. Il prend ainsi le parti des «anti-dignitaires» qui, au nom de la pureté républicaine, refusent d'accorder titres ou distinctions aux élus de la nation; ou celui des «fédéralistes», en attaquant vigoureusement l'état de Rhode Island qui refuse de se rallier à la Confédération (p. 68, 132, 150, 167). La rubrique des nouvelles de Boston fournit l'occasion à Nancrède de défendre à nouveau sa politique de rapprochement avec la France, rendant compte des fêtes anniversaires de l'Indépendance, de la réunion de la Société de Cincinnatus ou de l'arrivée de la flotte française en rade de Boston (p. 94, 183, 191). A propos d'un article sur l'Université de Cambridge, il plaide en faveur de l'enseignement de la langue française, une campagne qu'il avait déjà engagée dans différents journaux de Boston (Mass. Cent., 17 sept. 1788) et qu'il continue par la publication même du Courier de Boston dont l'un des buts était «d'encourager l'étude de la langue française en Amérique». La connaissance de la langue française sera pour les Américains le moyen, le «signe de communication», qui leur permettra de trouver de nouveaux débouchés commerciaux: «Elle se parle dans toutes les parties de l'Europe, et partout où les Américains confédérés peuvent porter leur Commerce» (Prospectus, p. 4). En raison sans doute de l'importance des nouvelles politiques pendant ses quelques mois d'existence (réunion du premier Congrès américain, élection à la présidence de Georges Washington, débuts de la Révolution française), le Courier de Boston n'accorde qu'une place réduite à la littérature et aux arts. Nancrède rend cependant compte des séances de l'Académie américaine des sciences et des arts, et publie un «Parallèle de Sterne avec le Curé de Meudon» (p. 39, 71, 152). La publication du Courier de Boston, qui cesse avec le numéro 26 du 15 octobre 1789, semble avoir été un désastre financier, mais Nancrède aura tenu à la prolonger jusqu'au sixième mois afin de satisfaire aux engagements pris vis-à-vis de ses abonnés (p. 207). Dès juin, il avoue s'être laissé emporter par son zèle et avoir «méprisé toutes autres considérations», notamment financières (p. 65). Il comptait pouvoir augmenter le nombre des souscripteurs et aussi attirer des annonceurs, mais une seule annonce sera publiée au cours des six mois (p. 167). Les difficultés de communication et de circulation auxquelles il fait allusion à plusieurs reprises (p. 15, 183), ont aussi sans doute joué un rôle dans sa décision de suspendre la publication du Courier de Boston. Dans le dernier numéro, il annonce que celle-ci «pourrait être reprise au printemps prochain, s'il se présentait un nombre [suffisant] de souscripteurs», mais le soutien espéré ne se concrétisera pas. Nancrède continuera par la suite à travailler à la diffusion de la langue et de la pensée françaises en Amérique, notamment à partir de la librairie et maison d'édition qu'il ouvre en 1795 à Boston. Alain NABARRA
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