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Dictionnaire des journaux 1600-1789, sous la direction de Jean Sgard, Paris, Universitas, 1991: notice 226 CONTINUATION DES MÉMOIRES (1726-1732) 1] Titres Continuation des Mémoires de Littérature et d'Histoire de Mr. de Sallengre. A partir du t. II, II, le titre est abrégé: Continuation des Mémoires de Littérature et d'Histoire. Continuation nominale des Mémoires de littérature de Sallengre (1715-1717). Continué dans une certaine mesure par le t. III du Recueil de pièces d'histoire et de littérature (1738). 2] Dates Février 1726 - janvier (?) 1732. 11 vol. Privilège: 24 décembre 1724. Périodicité: c'est seulement à la fin de la première partie du t. IV (1727) qu'il est indiqué, dans le «Catalogue des livres nouveaux imprimés chez Simart» où sont annoncées les «7 parties» des Mémoires de littérature et d'histoire: «On donne une suite de cet ouvrage tous les trois mois». Périodicité réelle: approximativement trimestrielle. 4 livraisons par an jusqu'en 1730. 2 vol. par an. Datation: t. I et II: 1726; t. III et IV: 1727; t. V et VI: 1728; t. VII et VIII: 1729; t. IX: 1730; t. X et XI, I: 1731; t. XI, II: 1732. 3] Description Chaque tome, sauf le t. IX, est divisé en deux parties, vendues séparément: «Tome premier, Partie I»; «Tome premier, Partie II», etc. Nombre de pages: t. I, XVI + 514; t. II, 514; t. III, 2 + 488: t. IV, 484; t. V, XII + 464; t. VI, 480; t. VII: 480; t. IX, 484 + 1 (catalogue); t. X, 453 + 31 (tables); t. XI: 480. Cahiers de 16 p. in-8º, 100 x 163 (alors que dans ses catalogues le libraire déclare régulièrement l'ouvrage in-12). Gravures, hors texte: t. I, I, p. 48, Deus Crepitus, le Dieu Pet (deux figures); t. IV, I, p. 176, les trois médailes d'Hermonthis, de Mendès et de Jotapé; t. IV, II, p. 418, une médaille de l'empereur Trajan; t. VIII, II, p. 438, Quatre médailles du consul P. Decius; t. X, II, p. 386, le dieu Telesphore (statuette). Dépliants, hors texte: t. I, II, p. 444, plan de deux basiliques; t. V, II, p. 454, table de concordance: chronologies de Newton et du père Souciet; t. XI, I, p. 224, bas-relief trouvé à Narbonne (enfants et bûcher, enfant à l'école). Dessins incorporés au texte: t. IX, II, p. 472 et 476, inscription de Charles le Chauve et Epitaphe; t.,IV, p. 60, inscription de l'Hôtel-de-Ville de Nantes. 4] Publication Paris, Simart (Nicolas Simart), rue Saint-Jacques, au Dauphin. Imprimeur: Louis-Denis Delatour, rue de la Harpe, aux Trois-Rois (t. I, p. 248). Puis Simart lui-même, qualifié dans la page de titre, à partir du t. X (1731) de «Libraire-Imprimeur de Monseigneur le Dauphin», mais probablement imprimeur dès la fin de 1726 (t. IV, I, «Catalogue des livres nouveaux imprimés chez Simart»). 5] Collaborateurs Pierre-Nicolas DESMOLETS, fondateur. Le privilège, d'une longue durée (huit ans), avait été acquis par Simart dès le 24 décembre 1724 et enregistré le 29 janvier 1725 (ms. f. fr. 21.953, p. 133). Comme en témoigne une lettre de Bougerel (21 févr. 1724) citée dans les Mémoires (t. I, p. 150), avant même d'interrompre la publication des Nouvelles littéraires, Desmolets avait commencé de «méditer» un «recueil» profondément différent, fondé sur l'idée que les bibliothèques privées renfermaient «des trésors considérables». Il s'agissait de «mettre entre les mains de tout le monde» les «dissertations» détenues par les «savants» de Paris et de province, et d'accueillir tout ce qui «apporterait quelque recherche utile, quelque expérience nouvelle, quelque point de critique ou d'histoire, appuyé sur de nouvelles preuves», (y compris des «pièces latines, italiennes et espagnoles» [que le rédacteur se proposait d'«accompagner autant que possible» de leur traduction]); des «extraits de livres rares et curieux trop considérables pour que beaucoup de savants» pussent «les acquérir», «surtout ceux dont ni Moreri ni Bayle» n'avaient «parlé» (t. I, Préface). Desmolets offrait aux auteurs dont le style apparaîtrait «bas ou obscur» de récrire leur texte s'ils y consentaient. Dans un Avis, en tête du t. III, il fit annoncer aux collaborateurs du journal qu'ils recevraient «un exemplaire du volume où on placer[ait] leur pièce». Directeur: Desmolets. S'il a déployé une grande activité de prospection, dont témoigne notamment une lettre de l'abbé Bonardy (ms. f. fr. 24409, fº 105; 8 mars 1726), il est possible qu'il se soit contenté de présenter dans ses Mémoires les contributions d'autrui. D'après Andry, il ne leur aurait destiné qu'une courte «pièce», la «Lettre d'un professeur de l'Université d'Angers...» (t. I, I), d'ailleurs parue également dans la Bibliothèque française (mai 1726) et qu'il a laissé attribuer à Crevier, professeur au Collège de Beauvais (Mémoires, t. III, «Nouvelles littéraires», p. 181). On serait cependant tenté de lui attribuer d'autres textes qui nous paraissent aujourd'hui beaucoup plus remarquables, notamment la «Lettre sur la vraie philosophie» (t. I, I). Les habitués de ses réunions ou «conférences» du dimanche soir semblent lui avoir tenu lieu de comité de rédaction; il indique, en effet au début du t. III qu'il a l'habitude de soumettre son recueil à des «approbateurs d'un grand poids» et désigne nommément le père Tournemine. Collaborateurs réguliers, par ordre d'importance: L'abbé Goujet, «toujours zélé pour la Continuation des Mémoires qu'il a enrichis de plusieurs de ses savantes dissertations» (t. V, p. 332): t. I, p. 121-137 et 138-149; t. I, II, p. 389-402 par «G.C.D.J.L.» (Goujet chanoine de St Jacques de l'Hôpital, ident. dans la Bibliothèque française, sept.-oct. 1726); t. V, I; t. VIII, I. Articles auxquels il faut ajouter six autres textes anonymes, reconnus par Goujet dans ses Mémoires historiques: t. III, I, p. 116-148; t. I, I, p. 137-190; t. IV, II, p. 417-430 et 430-468; t. X, Eloge de Dom Mopinot et conte en vers. Le père Joseph Bougerel qui, en dehors de ses propres contributions (t. I, I; t. II, II, «Histoire des Juifs de Provence», identifié dans Bibliothèque française: t. IX, I; t. III, II; t. VIII, I; t. X, I...), a collecté différentes «pièces» en Provence entre 1724 et 1726. Jean-Jacques Bel, en 1726 et au début de 1727 (t. II, II; t. III, I). Le jeu des renvois permet d'autre part d'établir que les seules «Nouvelles littéraires» que contiennent les Mémoires (t. III, I et II), précises et riches, sont certainement de lui. Moreau de Mautour, à partir de 1727 (t. IV, II; t. V, I; t. VI, I1; t. VII, II). L'abbé Papillon, de Dijon (t. II, I; t. III, I; t. IV, I). L.B. (Le Beau?), «chanoine d'Auxerre» (t. II, II; t. VIII, II; t. III, I). Collaborateurs occasionnels: Prose. Aubert, Académie de Lyon (t. X, II); Baltus, jésuite (t. II, I); Beneton de Perrins, écuyer, ancien gendarme de la Garde du roi (t. X, II); Bouhier (t. III, II); Chansierge, de Lyon (t. II, II); de Colonia, jésuite (t. VI, I); Claude Hemard de Danjouan, d'Etampes (t. I, I; t. X, I); abbé du Bos (t. III, I; et très probablement t. IX, I, la réponse à Boulainvilliers); Fréret (t. I, II, p. 349-363, identifié dans les Mémoires de Trévoux, août 1726, p. 1556 et dans les Mémoires de Goujet); abbé Fleury (t. IX, I); Gauger, physicien (t. V, I); Gerbier, prof. de mathématiques à Marseille (t. II, I; t. III, II); Gibert, canoniste (t. VIII, I); Lafont, chanoine de Narbonne (t. XI, I); Mme de Lambert (t. II, II: «Lettre d'une dame à son fils sur la vraie gloire», «manuscrit communiqué» par le chevalier de Saint-Jorry); La Monnoye (t. III, II); Montbroux de la Nauze, chronologiste décédé (t. V, I); Le Brun, oratorien (t. VIII, I); Jean Morin, oratorien (t. I, II); Nervet (t. III, I); Claude Olivier, avocat de Marseille (t. I, I; t. IV, II); Petit, médecin (t. III, II); Pouget, oratorien décédé (t. I, II); Claude Terrin, décédé (t. I, I); marquis de Valbonnais, président de la Chambre des comptes du Dauphiné (t. VI, I); de Velles, théatin (t. X, I); Vonderhardt (t. VI, I); D. Walthier, médecin (t. VII, I). Vers. Boillot, oratorien (t. VII, II); Galaup de Chasteuil, poète en langue provençale, décédé (t. VIII, II); Fontenelle (t. II, I); La Monnoye (t. I, II; t. III, I); abbé Le Blanc (t. VIII, I); Le Brun, oratorien (t. VIII, II); François Oudin, jésuite (t. VII, I); Remond de Saint-Mard (t. I, II); de Vesrière (t. I, II); abbé de Villiers (t. II, II); Voltaire (t. II, I; t. II, II). 6] Contenu Contenu annoncé: «Recueillir les petites pièces en tout genre de littérature, tant de vers que de prose», sans être trop difficile pour les «ouvrages» inédits, sauf en ce qui concerne «les pièces d'éloquence» (Préface, t. I, I). Contenu réel: dans sa préface Desmolets énumérait les différentes branches de la «Littérature» qu'il pensait voir représentées dans son journal: «Théologie, Morale, Histoire sacrée et profane, Mythologie, Physique, Métaphysique, Jurisprudence, Médecine, Mathématiques, Poésie». Le contenu réel des Mémoires ne correspond guère à cette liste. Rien sur le droit, les mathématiques, la mythologie. Quant aux autres matières, elles sont très irrégulièrement réparties, comme le montre la proportion du nombre de pages qui leur sont consacrées dans les pièces nouvellement produites: Religion: 13% (traditions ecclésiales, rituel, règles: plus de 6%; vie des Saints: 2,5%; il ne reste que moins de 2,5% pour l'exégèse et le commentaire de textes sacrés, 2% pour la théologie). Philosophie et morale (à peu près également réparties): 7%. belles-lettres: 21% (textes anciens, établissement, traduction, commentaire: 45%; vers en latin: 1,5%; vers français: 3%; facéties savantes, en latin ou en français: près de 1,5%; art poétique, esthétique: 5%; critique littéraire: un peu moins de 4%; nouvelles littéraires de Paris: 1,5%...). Sciences et Arts: 4% (deux rubriques représentant environ 1,5%: la physique et d'autre part l'observation des phénomènes ou curiosités naturelles; une troisième, médecine et chirurgie, un peu moins). C'est l'Histoire qui se taille la partie belle avec 55%. Moins de 27% pour ce que nous appellerions proprement de ce nom: histoire ancienne: 6,5%; histoire moderne: 20% (dont plus de la moitié consacrée à des controverses sur «les origines des institutions françaises», noblesse et monarchie). Plus de 28% pour ce que nous considérerions aujourd'hui comme des rubriques annexes: antiquités, inscriptions, médailles: 12%; vie des «savants» et célébrités: près de 10%; chronologie: 5,5%; histoire, «littéraire», de villes françaises: plus de 1%. Principaux centres d'intérêt: bien que la grande masse des «Dissertations» porte soit sur les antiquités, romaines ou nationales, soit sur les règles et usages religieux, on trouve quelques perspectives intéressantes dans deux domaines tout à fait différents: l'esthétique littéraire (critique du «système» de l'abbé du Bos par Bel, t. III, I; les goûts des amateurs de romans à près d'un siècle de distance, t. VI, II; «De la lecture des vieux romans», dialogue de Chapelain, t. V, I: «Lettre à M.D. sur les romans»); la morale («Réflexions ou Maximes», t. VIII, I et II; «Lettre» de Mme de Lambert, «à son fils», t. II, II; et surtout, t. I, I, «Lettre à Mlle D*** sur la vraie philosophie», éloge tout à fait nouveau, fait par un malebranchiste, de ce qu'on appellera plus tard sociabilité: «La liberté» [une “liberté honnête”] est l'âme de la société»). Mais la principale spécialité de Desmolets demeure la publication de textes du XVIIe siècle: Lettres inédites de Balzac, 1650-1653 (t. X, II), Boileau (t. VII, II), Corneille, 1646 (t. X, II), Leibniz à Arnaud (t. VIII, I), Malherbe (t. I, I), Racine (t. VII, II), Saint-Evremond à Mme d'Aulnoy (t. II, I), Mlle de Scudéry (madrigal, t. IV, I), auxquelles s'ajoutent deux lettres de Calvin, 1545, 1561 (t. X, II). Relations: la conversion de La Fontaine (t. I, II); une ambassade à Constantinople (t. IV, II); rapports pour Colbert rédigés par Costar (t. II, II) et Chapelain (t. II, I) sur tous «les gens de lettres célèbres en France» (le jugement que celui-ci portait en 1662 sur Molière et sur Boileau est extrêmement savoureux). Textes divers: vers inédits de Malherbe (t. I, I) et de Chaulieu (t. VII, I); Histoire de la Franche-Comté, par Pellisson (t. VII, I); un chapitre «ajouté par M. d'Aubignac à sa Pratique du Théâtre»: «Des Discours de piété» (t. II, I); mais surtout l'«Entretien de M. Pascal et de M. de Sacy» et la «Suite des Pensées de M. Pascal extraites du manuscrit de l'abbé Périer» (t. V, II). Principaux auteurs étudiés: Du Bos (t. III, I); Boulainvilliers, dont le Traité sur l'origine et les droits de la noblesse est publié et vivement critiqué (t. IX, I); Voltaire (Hérode et Marianne: t. I, I; t. III, I); La Motte (Romulus: t. I, I; t. II, II); Watteau (t. II, I: épitaphes et hymnes). Tables intégrées à la collection. Tables à la fin de chaque partie. Exceptionnellement la table des matières se trouve en tête de la première partie du t. I; le t. IX qui compose un seul ensemble, ne comporte naturellement qu'une table, à la fin du volume, mais c'est aussi le cas pour le t. VII, bien qu'il renferme deux livraisons. D'autre part on trouve deux tables générales (29 p.) à la fin du t. X: «Par ordre alphabétique des titres des traités», «Par les sciences, ou les disciplines auxquelles les différents traités ont rapport». 7] Exemplaires B.M. Grenoble, E 13968 (notes manuscrites dans le t. VIII: désignation de trois auteurs d'articles, notamment Villefore, pour La Vie d'Athenaïs); – D 5248; – P 7959 (t. I-X; prix mentionné à l'encre à la dernière page du t. I: «20 livres 10 vol.»); B.N., Z 20639-20649; Sorbonne, H Sg 66 (12º). 8] Bibliographie Mentions dans la presse du temps: Bibliothèque française, t. VII (La France savante ou Histoire littéraire de la France, juil. et août 1726), p. 319 et suiv. (compte rendu de t. I, I); t. VIII (La France savante), sept. et oct. 1726, p. 135 et suiv. (compte rendu de t. I, II), nov.-déc. 1726, p. 279 et suiv. (compte rendu de t. II, I); t. IX, i, 1727, p. 14 et suiv. (compte rendu de t. II, II); t. XI, I, 1728, p. 19 et suiv. (compte rendu de t. III, I). Mémoires de Trévoux, mars 1726, p. 619 (on vend «une Continuation des Mémoires de Littératures [sic] et d'Histoire, si souvent et si à propos discontinués chez Simart»); août 1726, p. 1550-1556 (analyse de t. I, II, avec une pointe fielleuse à la fin: le «public qu'on respecte trop peu en ne lui présentant que le brouillon des pièces»). Journal des savants, notamment juin 1726 et mars 1728, p. 179 (sur l'affaire de la publication du manuscrit de Mme de Lambert). Le Nouvelliste du Parnasse, t. III, lettre 40, p. 169-181 (compte rendu global, avec une très longue critique de la Dissertation sur le goût parue dans la première partie du t. XI). Journal littéraire de l'année 1733 (La Haye), t. XX, I, p. 201 (compte rendu du t. XI). Nouveaux Mémoires d'histoire, de critique, t. I, 1749, p. 314. Historique La première partie du t. I, approuvée le 12 janvier, fut publiée vers le 20 février 1726. Le 8 mars l'abbé Bonardy annonce que les «Mémoires littéraires» doivent paraître environ tous les trois mois et que «le second volume est sous presse» (Correspondance littéraire du président Bouhier, éd. H. Duranton, Saint-Etienne, Université de Saint-Etienne, 1974-1988, 14 vol., t. V, p. 9). Le rédacteur des «Nouvelles littéraires de France» de l'Histoire littéraire de l'Europe, mars 1726, note vers le même moment: «Il paraît ici Essais de littérature, petit volume qu'on donnera tous les mois. On en croit auteur le P. Molait, Bibliothécaire des frères de l'Oratoire» (p. 275). Le 9 juillet d'Olivet confirme la périodicité trimestrielle et précise que la première partie du t. II «n'est en vente que d'aujourd'hui» (Correspondance littéraire du président Bouhier, t. III, p. 108): 35 jours séparaient cette publication de la date d'approbation. Dans le courant du printemps Desmolets reçoit des lettres de félicitation (réponse à Bouhier, du 3 mai, nouv. acq. fr. 1.212, fº 75) et voit affluer les manuscrits. «Je recouvrai en six semaines un plus grand nombre d'écrits que je n'avais pu en rassembler avant la publication de mes Mémoires, pendant le cours de deux années», écrit-il dans une nouvelle Préface, vers la fin de l'année. Cette Préface, placée en tête de la première partie du t. II, traduit son euphorie: l'entreprise a connu un «succès inespéré» et la critique lui a été favorable. «Mrs les Journalistes de Trévoux ont critiqué quelques-unes des pièces de la seconde partie du premier tome», ne les trouvant «ni assez approfondies ni assez châtiées», mais les auteurs «des différents journaux de France et de Hollande [lui] ont rendu plus de justice»... Globalement le rythme de publication se maintient pendant plusieurs années, puisque le recueil des sept premiers tomes est «retiré pour le Cabinet du roi» le 21 juin 1729 (ms. f. fr. 22023, p. 83) et que, le 22 juillet suivant, l'abbé Le Blanc envoie à Bouhier un nouveau volume qui est très probablement la première partie du t. VIII (ms. f. fr. 24412, fº 389). Il est cependant certain que les différentes livraisons ne parurent pas régulièrement en janvier (Desmolets, Préface, t. V), avril, juillet et octobre de chaque année. En tête de la seconde partie du t. III, imprimée en mars 1727, figure en effet un Avis prometteur: «On avertit le public qu'on a reçu un si grand nombre de pièces depuis quelque temps qu'on donnera le mois prochain un volume par extraordinaire» (verso de la feuille de titre), ce qui laisse augurer cinq livraisons pour 1727; or dans le courant de cette année, la publication des Mémoires prit en fait trois mois de retard, la première partie du t. V, approuvée seulement le 27 mars 1728, n'ayant pu paraître avant la fin d'avril. Retard d'ailleurs bientôt rattrapé: Desmolets, qui affirmait en mars 1727 avoir «devant [lui] plus de pièces qu'il n'en [fallait]) pour douze volumes», avait soumis à l'approbation une énorme fournée de pages dans le courant de l'hiver: «le tome V et suiv.» (ms. f. fr. 21956, fº 125, 18 janv. 1728), c'est-à-dire aussi le t. VI et très probablement le t. VII (appr. le 20 avril). C'est en 1730 que la vie du journal a été beaucoup plus profondément perturbée: si le t. IX, approuvé le 18 janvier, parut probablement en février et avril, le t. X, qui aurait dû être mis en vente vers juillet et octobre et dont les pages de titre portent bien 1730, ne fut approuvé que le 15 mars 1731... Les livraisons du t. XI (appr. le 12 mars 1731) sont datées respectivement de 1731 et 1732. Pendant plusieurs années Desmolets et ses amis allaient déplorer l'arrêt de la publication. Le 16 juin 1732 il avoue à Bouhier qu'il ne peut dire quand paraîtra son «prochain mémoire», «dépendant absolument de son libraire» qui en «diffère de plus en plus l'impression [...], soit par indigence ou pure indolence» (dossier Bonnardet, fonds de l'Oratoire). Dans la Préface du t. V il avait déjà signalé, discrètement, la résistance de Simart et il se désolait de son inertie dans une lettre à Desmaizeaux du 27 juillet 1731 (nouv. acq. fr. 4285, fº 459)... Le 18 janvier 1734 Bougerel note que «les mémoires du père Desmolets ne paraissent plus, par la faute du libraire qui ne veut ni imprimer ni laisser imprimer les autres, le privilège [éteint en fait depuis la fin de 1732] étant sous son nom» (à Bouhier, ms. f. fr. 24409, fº 131). Enfin, le 21 septembre 1735, Desmolets signale qu'il ne peut plus du tout compter sur son éditeur, qui pourtant le «pressait de jour en jour de faire imprimer la suite des mémoires»: «Le pauvre homme est prisonnier à la Conciergerie sans qu'on puisse dire pourquoi, sinon qu'il était un des plus amis des valets de chambre des convulsionnaires» (à Bouhier, ms. f. fr. 24410, fº 453). Desmolets se vouait passionnément à la recherche de pièces intéressantes. Inédits de grands écrivains, ce qui n'a pas été sans mésaventures (il dut reconnaître dans la Préface du t. III qu'il s'était un peu trop pressé de laisser attribuer à Boileau une Epître de vieillesse, publiée dans la première partie du t. II [en réalité de Saint-Didier: Bibliothèque française, t. VI, nov.]; déc. 1726, p. 279)... Réflexions nouvelles: ses lettres à l'abbé Conti peuvent témoigner de son ouverture d'esprit. Le 14 avril 1728, il lui écrivit qu'il se ferait «un plaisir de faire connaître en France» des livres d'Italie; le 12 mai 1727 il suggérait plus audacieusement: «Ce qui ne peut s'imprimer chez vous» (par exemple «des manuscrits d'histoire... sans passion, sans médisance») «pourrait très bien s'imprimer ici» (dossier Ingold-Bonnardet, fonds de l'Oratoire). Peut-être était-il trop optimiste... En tout cas dans sa hâte il prit parfois de curieuses libertés avec les exigences de la censure. Dans le t. II, apparemment «approuvé» tout entier, «le 4 juin 1726», la dissertation de Chansierge sur la rime est datée du 7 juillet. Dans la seconde partie du t. III, apparemment «approuvé le 29 décembre 1726», les «Nouvelles littéraires» sont datées du 18 février 1727. Même phénomène dans la première partie du t. VI, approuvée le 27 mars 1728: elle contient une lettre d'érudit datée du 20 avril. Quant au t. IV, il ne comporte aucune mention d'approbation... Alors qu'au printemps de 1727, Desmolets venait de s'attirer l'hostilité des auteurs du Journal des savants («Ces Messieurs sont jaloux de leurs droits et prétendent qu'ils peuvent seuls, à l'exclusion de tous autres, publier des nouvelles littéraires en France», à Conti, fonds Ingold-Bonnardet, 12 mai 1727), la publication d'une des pièces que contient ce t. IV, en tête de la deuxième partie, a pu être jugée subversive: le journaliste avait exhumé «des manuscrits du Sr Alexandre Le Roy, Censeur royal pour les affaires étrangères», le rapport envoyé à Louis XIV par un ambassadeur de France à Constantinople vers la fin des années 1660. Le Roy, censeur des trois premiers tomes des Mémoires, fut ensuite remplacé par Beauchamps... Peut-être a-t-on là une des raisons de la brève suspension du périodique dans le courant de 1727. De toute façon, la publication de Desmolets n'a certainement pas enrichi Nicolas Simart, puisque, malgré son nouveau titre de «Libraire-Imprimeur de Mgr le Dauphin», les affaires de celui-ci sont allées en déclinant: 40 livres de capitation pour 1722, 25 pour 1734 (ms. f. fr. 21857). Dans les Mémoires historiques et littéraires (La Haye, Du Sauzet, 1763), p. 63, Goujet a attribué l'interruption du journal à leur «dérangement». Mis à part le t. III du Recueil de pièces, 1738 (voir ce titre), La Continuation ne semble pas avoir eu de suite, bien que Calvet ait noté au bas d'une lettre de d'Artigny que «le premier volume» des Nouveaux Mémoires de celui-ci «parut la même année qu'on acheva d'imprimer les mémoires du P. Desmolets en 1749» (B.M. Marseille, ms. 1509). Michel GILOT
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