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Dictionnaire des journaux 1600-1789, sous la direction de Jean Sgard, Paris, Universitas, 1991: notice 217 CONFÉRENCES DU BUREAU D'ADRESSE (1633-1642) 1] Titres Premiere [-Quatriesme] Centurie des Questions traitées ez Conferences du Bureau d'Adresse depuis le 22. jour d'Aoust 1633 [le 3. jour de Novembre 1634, le 18 [11] Fevrier 1636, le 24 Janvier 1639] jusques au dernier Juillet 1634 [à l'11 [4] Fevrier 1636, au 17. Janvier 1639, au 10 Juin 1641]. Avec une Table des Matieres. L'ensemble est augmenté du Cinquiesme et dernier tome du Recueil Général des Questions traittées es Conferences du Bureau d'Adresse sur toutes sortes de Matieres; Par les plus beaux esprits de ce temps. Non encore mises au jour. Malgré son titre l'édition in-4º de ce volume a pour but de compléter la série des Centuries; l'édition in-8º, quant à elle, constitue bien le cinquième tome du Recueil Général (cf. 8). Les livraisons hebdomadaires ne bénéficient d'aucun titre spécifique, si ce n'est du numéro d'ordre de la Conférence, suivi de la date de la séance et de la mention des sujets traités. Hatin (B.H.C., p. 28) voit une filiation, au moins spirituelle, entre les Conférences du Bureau d'Adresse et le Journal des savants. 2] Dates La collection compte cinq volumes: les quatre Centuries, parues en 1634, 1636, 1639 et 1641, réunissent les comptes rendus des séances du 22 août 1633 au 10 juin 1641 (l'achevé d'imprimer de chaque numéro porte en réalité la date de la séance qui suit celle dont on donne le texte). Le Cinquiesme et dernier tome du Recueil général, publié en 1655, après la mort de Théophraste Renaudot, couvre la période du 24 juin 1641 au 1er septembre 1642. Les Conférences du Bureau d'Adresse bénéficient du privilège accordé à Renaudot le 30 mai 1631 pour la Gazette, les Nouvelles ordinaires et les Relations. Celui-ci fut en effet renouvelé le 11 mars 1633, puis le 4 août 1634, et étendu à toutes les impressions du Bureau d'Adresse. Les fascicules s'imprimaient et se débitaient toutes les semaines, avec interruption lors de «vacations d'été» de périodicité irrégulière, au rythme moyen de 30 numéros par an. Lorsque les débats portant sur cent questions avaient été mis sous presse, ils étaient rassemblés, environ tous les deux ans, en une Centurie. 3] Description Première Centurie, nº 1-50 (Conf. I-L), 408 p.; Seconde Centurie, nº 1-50 (Conf. LI-C), 420 p.; Troisieme Centurie, nº 1-86 (Conf. CI-CLXXXV), 524 p.; Quatriesme Centurie, nº 1-100 (Conf. CLXXXVI-CCLXXXV), 460 p.; Cinquiesme et dernier tome du R.G., nº 1-51 (Conf. CCLXXXVI-CCCXXXVI), 239 p. (in-4º), 478 p. (in-8º). Les Conférences se composent, comme la Gazette, de cahiers de 4 p. in-4º en demi-feuille (pontuseaux horizontaux), 155 x 220 (ex. relié). 4] Publication Les Centuries parurent «A Paris, Au Bureau d'Adresse, ruë de la Calandre, au grand Coq». Le colophon de chaque livraison («Du Bureau d'Adresse, [la date], Avec Privilege») indique clairement que ces feuilles sortaient des presses de Renaudot, qui, entre autres, imprimaient la Gazette. 5] Collaborateurs Théophraste RENAUDOT (cf. DP2) inaugura en 1630 le premier Bureau d'Adresse parisien, rue de la Calandre, dans la Cité. A l'origine bureau de placement mettant en relation maîtres et valets, gentilshommes et écuyers, acheteurs et vendeurs, le Bureau d'Adresse devint également mont-de-piété, banque immobilière et agence de location. Médecin du roi, aidé de ses confrères de Montpellier et des apothicaires parisiens, Renaudot dispensa aux pauvres des «consultations charitables» et des soins gratuits; afin de se procurer des médicaments à bon compte, il installa au Bureau d'Adresse un laboratoire «chymique». Des cours de médecine y furent également professés, expérience pédagogique qui aboutit rapidement, en mai 1633, à l'instauration du cycle des Conférences publiques. Celles-ci s'échelonnèrent jusqu'au 1er septembre 1642. Elles se déroulaient le lundi après-midi dans la Grande Salle du Bureau d'Adresse et, jusqu'au 2 juin 1636, l'on y traitait de deux sujets assignés aux orateurs huit jours à l'avance. En outre une heure était consacrée à la présentation d'inventions diverses («Ecrire sous un sens ouvert une autre signification cachée aussi ample que la premiere», «Enseigner une langue matrice dans laquelle toutes les autres sont dialectes, & se peuvent apprendre par icelle: que le proposant soustient si facile qu'il en montrera toute la grammaire en six heures: mais il faut six mois pour apprendre la signification de tous les mots», etc.). Après le 2 juin, et pour des raisons inconnues, l'on ne retint plus qu'un point de discussion. A l'encontre de l'Université, où l'on ne s'interpelle guère qu'en latin, «l'une des loix de cette conférence [...] est qu'on n'y parle que François». Une autre règle est «qu'on n'y allègue des authoritez que fort rarement». En effet «si l'Autheur a parlé avec raison, elle doit suffire sans son authorité» (Préface). Parti-pris courageux, et d'une singulière modernité, face au dogmatisme désuet et intransigeant de l'appareil universitaire. Le propos de Renaudot était transparent: ériger le Bureau d'Adresse, sous la houlette des «plus beaux esprits du temps», en instance de vulgarisation du savoir et créer ainsi les conditions d'une existence culturelle bourgeoise en marge des cadres officiels de l'Université et des cercles fermés de Mersenne et Dupuy. Cette attitude pragmatique trouva son expression ultime, dès le 22 août 1633, dans l'impression hebdomadaire des comptes rendus de séances et dans leur réunion régulière en volumes. L'efficacité d'un discours oral concis et clair était ainsi confortée et répercutée par la diffusion de l'écrit. Dans la mesure où «la principale des conditions qu'ils ont requises» est l'anonymat (Préface), les collaborateurs de Renaudot ne nous sont pas connus. Certains critiques (Denonain, Solomon) ont voulu composer le personnel scientifique du Bureau d'Adresse des membres de l'académie des frères Dupuy ou du cercle de Marin Mersenne (La Mothe Le Vayer, Naudé, Bourbon, J.B. Morin, les Pascal...). Rien cependant ne confirme une telle solidarité. Seule la présence de La Calprenède, qui mettait sa plume au service de la Gazette, est attestée (Tallemant des Réaux, Historiettes, éd. Pléiade, t. II, p. 584). Le nombre important de sujets médicaux abordés suggère également la participation régulière de médecins aux réunions. D'autre part, Furetière (Roman bourgeois, in Romanciers du XVIIe siècle, éd. Pléiade, p. 953) laisse supposer la présence de robins dans le public. Les dames, enfin, étaient elles aussi assidues (Reynier, La Femme au XVIIe siècle, Paris, Tallandier, 1929, p. 142-149). Conçue comme une articulation souple entre producteurs et consommateurs d'idées, l'entreprise «académique» de Renaudot s'inscrit donc parfaitement dans la problématique de l'utilitarisme et de la vulgarisation du savoir qui constituent un des fondements de l'idéologie bourgeoise. 6] Contenu Le discours des Conférences du Bureau d'Adresse investit la quasi-totalité du champ culturel classique: anthropologie, cosmologie, médecine, physique, philosophie... («De la saignée», «Quelle est la plus excellente des trois facultez de l'ame», «Si la parole est naturelle & particuliere à l'homme», «Du tremblement de terre», «Des nègres», etc.). Seules les matières théologiques et politiques ont été prudemment occultées et abandonnées aux autorités de la Sorbonne et du Conseil du Roi. Sur chaque sujet à l'ordre du jour, quatre ou cinq «beaux esprits» expriment leurs convictions, leurs doutes, leurs inquiétudes et véhiculent ainsi les archétypes des différents modes de penser issus des milieux intellectuels (mécanisme, scepticisme, aristotélisme...), tout en se gardant de pénétrer dans les méandres d'un débat critique. Aucune conclusion non plus n'est imposée à l'assistance: «Chaque avis est un fruit exposé à la Compagnie». L'incertitude consécutive à cette confrontation courtoise de discours clos sur eux-mêmes n'est pas sans s'apparenter au pyrrhonisme et à l'épochè prônés notamment par un La Mothe le Vayer. Il est d'ailleurs significatif que nombre de sujets abordés participent des interrogations profondes des libertins («Du mouvement ou repos de la terre», «De l'astrologie judiciaire», «Des sorciers», «Des Freres de la Rose-Croix», etc.). L'on ne saurait toutefois évaluer avec précision, et pertinence, leur influence immédiate sur ces choix. Au moment difficile où l'Occident se trouve aux confluences du savoir magique et de l'épistémologie mathématique, Renaudot, par le biais des Conférences, a rendu possible la circulation des plus récentes créations conceptuelles de l'intelligentsia aussi bien que des crédos traditionnels les plus rebattus et, par là-même, a offert à l'honnête homme les conditions nécessaires à penser une diversité garante de liberté. L'enjeu principal des Conférences du Bureau d'Adresse réside en effet en ce qu'elles opèrent une cristallisation du savoir dans une période de crise épistémologique, d'incertitude des valeurs culturelles dont elles reproduisent la mouvance et les contradictions. Dans la mesure où les sujets traités étaient arrêtés toutes les semaines, le contenu des Conférences échappait à tout projet méthodologique: «L'Assemblée trouva bon de commettre à la volonté d'un chacun le chois des propositions qu'on y devoit traiter» (Avis au lecteur). Les tables des matières, qui suivent la simple ordonnance chronologique, reflètent cette disparate. Certains sujets d'ailleurs étaient liés à une actualité parfois «brûlante»: alors que le 22 juin 1633 Rome condamne Galilée, l'on débat au Bureau d'Adresse, le 24 octobre, «Du Mouvement ou repos de la terre», séance au cours de laquelle héliocentristes et géocentristes s'opposent nettement; alors que paraît, en juin 1637, ce Discours de la méthode qui fait table rase du passé, le 15 du même mois les «beaux esprits» se demandent «S'il y a eu de plus grands hommes en quelqu'un des siècles précédens qu'en cettui-ci» et jettent ainsi les premières bases d'une Querelle entre Anciens et Modernes. Pendant scientifique de la Gazette, discours collectif porteur des valeurs multiples d'une société, les C.B.A. découvrent progressivement l'éventail des scénarios épistémologiques élaborés au XVIIe siècle et fournissent dès lors l'ensemble des repères qui permettent d'appréhender les assises principales de la culture classique. 7] Exemplaires B.N., Z 4039, 4043-4046. Vu la rareté des Centuries on consultera plus aisément le Recueil général (cf. ci-dessous): B.N., Maz., B.R. Bruxelles; coll. Pol-P. Gossiaux, U. de Liège, un ex. du Recueil ayant appartenu à «The Right Honble Algernon Capell, Earl of Essex, Viscount Maldon, and Baron Capell of Hadham: 1701» (ex-libris armorié, devise Fide et Fortudine). 8] Bibliographie H.P.L.P., t. I, p. 66; t. II, p. 93-94; B.H.C., p. 28; H.G.P., t. I, p. 92. La Première Centurie reparut en 1635, 1636 et 1638; la Troisième en 1641. Les quatre Centuries, complétées par un cinquième volume furent refondues par Eusèbe Renaudot en un vaste Recueil général des questions traictées és Conferences du Bureau d'Adresse, sur toutes sortes de Matieres; Par les plus beaux esprits de ce temps, 5 vol., in-8º. E. Renaudot en obtint le privilège le 24 novembre 1653 pour le céder, le 3 février 1654, à André Soubron, marchand libraire ordinaire de la Reine. Celui-ci s'associa à une dizaine de ses collègues si bien que l'on trouve des exemplaires portant des adresses et des dates différentes: J.B. Loyson, 1654-1655; L. Chamhoudry, 1655-1656; C. Besongne, 1656; J. Le Gras; 1656; J. Promé, 1655-1660. Ce Recueil fut également réédité à Lyon, chez A. Valançol en 1666, 6 vol., in-12º, complétés par un septième tome imprimé à Paris, chez J.B. et H. Loyson, en 1670. Traductions anglaises: A Question whether there be nothing new? Being one of those questions handled in the weekly conferences of Monsieur Renaudot's Bureau d'addresses, at Paris. Translated into English, anno 1640, London, Jasper Emery, s.d. A question of the cock; and whether his crowing affrights the lion? Being one of those questions handled in the weekly conferences of Monsieur Renaudot's Bureau d'addresses, at Paris. Translated into English, anno 1640, id. A General Collection of Discourses of the Virtuosi of France, upon questions of all sorts of philosophy, and other Natural Knowledge. Made in the assembly of the Beaux Esprits at Paris, by the most ingenius persons of that nation. Render'd into English by G. Havers, gent., London, T. Dring and J. Starkey, 1664 (texte de la Première Centurie). Richardson L.M., «The Conferences of Théophraste Renaudot: an episode in the quarrel of the Ancients and Moderns», Modern language notes, t. XLVIII, 1933, p. 312-316. – Denonain J.J., «Les Problèmes de l'honnête homme vers 1635: Religio Medici et les Conferences du Bureau d'Adresse», Etudes anglaises, t. XVIII, nº 3, 1965, p. 235-257. – Solomon H.M., Public welfare, science and propaganda in seventeenth-century France. The innovations of Théophraste Renaudot, Princeton, Princeton University Press, 1972, p. 60-99. – Jannini P.A., «La médecine dans les Conférences publiques de Renaudot», Marseille, oct.-déc. 1973, p. 127-131. – Jannini P.A., «Teatro e societa nelle Conférences publiques di Théophraste Renaudot», Quaderni del seicento francese, nº 1, 1974, p. 79-87. – Jannini P.A., «Istanze culturali della borghesia nelle Conférences publiques di Renaudot», Quaderni del seicento francese, nº 3, 1979, p. 163-169. – Carré M.R., «Arnolphe, Chrysale et Chrysalde aux Conférences de Théophraste Renaudot», French review, t. XLVIII, nº 3, 1975, p. 47-51. – Vanden Broeck P., «Les Conférences du Bureau d'Adresse et l'anthropologie classique», Problèmes d'histoire du christianisme, t. X, 1981, p. 25-40. Philippe VANDEN BROECK
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