ISSN 2271-1813

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Dictionnaire de la presse française pendant la Révolution 1789-1799

C O M M A N D E R

   

Dictionnaire des journaux 1600-1789, sous la direction de Jean Sgard, Paris, Universitas, 1991: notice 216

LES CONFÉRENCES ACADÉMIQUES (1660-1666?)

1Titres Le titre varie suivant les numéros. On trouve: Premieres [-Huitiesme] Conference academique et oratoire, Neufiesme [-Dix-neufiesme] Conference de l'Academie Françoise protégée par Monseigneur Foucquet [...], Vingtiesme Conference de l'Academie [...], Vingt-uniesme [-Vingt-quatriesme] Conference de l'Academie Royale [...], Cinquiesme Conference de l'Academie des beaux esprits, entretenüe par Sa Majesté [...], etc.

2Dates Les Conférences académiques paraissent en principe à raison d'un numéro par semaine, comme l'annonce un Advis de l'Academie (Première Partie, p. 597). Le rythme est d'abord assez régulièrement tenu (44 livr. pour 1660, la première précédée d'une dédicace datée du 17 janvier), puis il tend à s'espacer pour devenir, après une interruption complète en 1662-1663 et une reprise en 1664-1665, de nouveau très irrégulier à partir de cette dernière année. Il ne semble pas s'être publié de numéro, selon Révillout, après celui du 10 mai 1666.

3Description La collection comprend d'abord 88 Conférences, dont la publication s'échelonne entre 1660 et 1665. Elles ont été rassemblées en 3 vol. in-4º. La moitié d'entre elles forment La Première Partie des Conferences academiques et oratoires accompagnées de leurs resolutions, dans lesquelles on voit le plus bel usage des maximes de la philosophie et des préceptes de l'éloquence, «Paris, Rue de la Huchette, 1661», 597 p., privilège du 20 mars 1661, accordé à Jean de Sourdier.

Autres éditions (remaniées avec des changements dans les dédicaces) en 1661-1662: La Premiere [Seconde] Partie des Conferences academiques et oratoires sur toutes sortes de sujets problématiques [...], «Paris, l'Autheur, à l'Académie des orateurs», un volume, achevé d'imprimer pour la première partie daté du 10 avril 1661 et en 1663: Les Conferences academiques, sur toutes sortes de sujets pour et contre, utiles et agréables [...], «Paris, l'Autheur, à l'Académie, Place Dauphine, aux deux croissans, du côté du grand cours de l'eau». Cet exemplaire, suivant François Moureau, semble une contrefaçon lyonnaise. Viendront ensuite: La Troisième Partie des Conferences academiques et oratoires [...], 262 p., Paris, l'Académie des Orateurs, 1665 (l'achevé d'imprimer porte la date du 20 janvier) et La Quatrième Partie [...], 330 p., mêmes lieu, adresse et date, groupant chacune vingt-deux conférences.

Il existe également plusieurs volumes (Révillout en a connu trois) de Conférences recueillies, après 1665, dans le format in-12. Richesource, de plus, en a republié par groupes de dix, sous le titre de Première [-Dixiesme] décade des Conferences de l'Academie des Orateurs [...], ou, dans des rééditions ultérieures, des Conferences philosophiques et oratoires [...], Paris, Place Dauphine, in-12. La publication de ces volumes semble s'être étendue de 1669, ou même plus tôt, à 1682 au moins. On peut ajouter à cette liste: Quatorze problèmes choisis des onze volumes de Conférences académiques et oratoires, traitez pour et contre, avec leurs décisions, Paris, place Dauphine, 1686, in-12. Selon Révillout, «il est assez difficile de deviner ce que Richesource entend par ces onze volumes de Conferences en grand et petit format». La bibliographie des Conferences academiques reste embrouillée et lacunaire. Elles mériteraient un recensement méthodique.

Chaque numéro, dans les volumes in-4º, compte de 8 à 16 p. Il est constitué de plusieurs cahiers de 8 ou 4 p., 80 x 230.

4Publication Paris. Les exemplaires se vendent chez l'auteur, primitivement rue de la Huchette, puis place Dauphine, où l'Académie de Richesource tient ses assises. Ils sont imprimés par Gabriel Targa, rue Saint-Victor, proche Saint-Nicolas-du-Chardonnet.

Conditions de vente, en 1660: «La contribution pour les Conferences de l'année courante est de deux Escus blancs, payez par avance, pour ceux qui auront le soing de les envoyer prendre, chaque semaine, à l'Académie: elle est d'un Louis de cinq sols, chaque semaine, pour ceux qui ne veulent pas payer, par avance, lesdites six livres, et d'un Louis d'Or, pour ceux qui désirent qu'on leur envoye, chaque semaine, lesdites Conferences, par les Postes, ou par les Messagers, et pour ceux aussi qui ne les prennent qu'à la fin de l'année. Ce qui fait voir que ceux qui payent les deux Escus blancs, par avance, les auront à beaucoup meilleur marché».

5Collaborateurs Fondateur: Jean Oudart, dit de La Sourdière ou Sourdier, seigneur de RICHESOURCE (Loudun, 1616 - Paris, 1694). Mais il ne s'y réserve guère que le soin de rédiger, à la fin, la «résolution de l'Académie». Ce qui la précède est constitué par les discours qu'ont prononcés des élèves ou habitués de son Académie: parmi eux, on relève des avocats (Joubert, Tarneau, Aliez, L. Guirbaldi, Perchambault, Dupuy, Philippe Cattier, parfois sous le pseudonyme de Tracite, Simon de Riencourt, Verceau, de Montméran, Le Barbier, Ravanet ou par anagramme Travane, Prieur ou Le Prieur, F. Agneau, Moreau, Fourniquet, Vellin, Heuzet, D. ou I. Thiery ou Tierry), des prêtres (Esprit Fléchier, parfois sous les pseudonymes anagrammatiques de Cherfile ou d'E. F. Leriche, Chopin, L. Hideux, de Vernon, chanoine de Maillebois), un apothicaire (De Plancy, officier du roi d'Angleterre), des gentilshommes (de Godonville-Cheminais, de La Felonière, Du Barreau, Maschel, gentilhomme du Bas-Poitou, de La Vergne, de Martincourt). D'autres se nomment Leroy (secrétaire de M. de Lionne? dissimulé parfois sous les noms de Yorel ou Lorey), chevalier, conseiller à la Cour des Monnaies, Ferrand, Henry, N. Troussillon, L'Archaige, N. ou H. Vangangelt, Tauchon, C. Erard, Huttelier, ou prennent un pseudonyme, semble-t-il, qui les rend impossibles à identifier (Rabbelire, L. Vassvore, Coupelaurier) ou sont désignés par d'énigmatiques initiales (I.D., X., F.L.R., L.E., D.C., A.V., I.S. (Richesource lui-même?), D.Q.B., D.L.R.).

6Contenu Contenu annoncé: les Conférences académiques se donnent pour objet de reproduire le texte des discours tenus tous les lundis après-midi, de deux heures jusqu'au soir, dans des séances publiques «sur des sujets [...] détachez», «traittez [...] ou suivant les simples maximes de la Philosophie et sans aucun ornement, ou suivant les préceptes de l'éloquence». A l'exception des «mystères de la Foy» et de «la Politique pour les affaires de l'Estat», ils peuvent être «tirez de toutes les Disciplines honestes». Le «Moderateur» de l'Académie (Richesource) en recueillie ensuite les manuscrits, ainsi que ceux qu'il pourrait avoir reçus d'autres Académies, les donne à l'imprimeur, en distribue des exemplaires aux «Personnes de condition dont il a reçu le sujet de la [...] Conference et à ceux à qui il les dédie, ainsi qu'aux Auteurs» (Advis de l'Academie au Lecteur, en tête de la Première Partie, éd. de 1663, non paginée).

Contenu réel: différentes questions, touchant le plus souvent à la morale, sont donc débattues contradictoirement. Par exemple la toute première conférence porte sur ce thème: «Si la vie civile est préférable à la vie rustique». L'actualité reste absente, sauf par de rares allusions aux événements du temps (mariage du roi, paix des Pyrénées, faits divers, etc.). Mais bien des motifs apparaissent, qui se retrouveront peu d'années après chez La Rochefoucauld (Les Conférences académiques figureront en 1728 dans l'inventaire de la bibliothèque de Verteuil: voir Mireille Gérard, dans Images de La Rochefoucauld, Paris, P.U.F., 1984, p. 261), un peu plus tard chez La Fontaine (différents apologues sont allégués, qu'il traitera lui-même dans ses Fables). On y trouve également évoquée l'anecdote qui servira de source à Démocrite et les Abdéritains), et chez Molière (femmes savantes), puis chez La Bruyère (richesse et pauvreté, mérite personnel, etc.). A noter que les cinq premières conférences de la Quatrième Partie sont consacrées aux questions d'amour formulées par Mme de Brégy et proposées au roi par Henriette d'Angleterre. On trouvera la table des sujets traités en tête de chaque recueil.

Principal centre d'intérêt: document précieux pour l'histoire des mentalités, les Conférences académiques aident surtout à mieux comprendre ce qui constitue, pour notre littérature «classique», son «horizon d'attente».

Principaux auteurs étudiés: de nombreux écrivains sont cités par les différents orateurs: des Anciens, grecs (Homère, Esope, Hippocrate, Platon, Aristote, Euripide, Démosthème, Archimède, Polybe) ou latins (Plaute, Térence, Cicéron, Virgile, Horace, Ovide, Sénèque, Lucain, Pline), des Pères de l'Eglise; des Modernes, comme Boccace, Marco Polo, Bodin, Rabelais, Montaigne, Casaubon, Lipse, Charron, Mlle de Gournay, la vicomtesse d'Auchy, Voiture, Gassendi, Descartes, Cureau de La Chambre, Molière (Précieuses ridicules).

7Exemplaires Pour la Première Partie, voir B.N., Rés. Z 1131; pour les parties I et II, B.N., Z 4027-4028; pour la troisième, B.N., Z 4029 et Rés. Z 1133 (ce dernier exemplaire relié aux armes de Louis XIII); pour la quatrième, B.N., Z 4030; pour la Deuxième Décade, B.N., Z 20021; pour les Quatorze Problèmes, B.N., Z 2188. Pour la contrefaçon probablement lyonnaise de la Première Partie parue en 1663, exemplaire personnel (avec lequel se trouvent reliés quelques numéros de la seconde partie).

8Bibliographie Loret, Muze historique, 2 oct. 1655, v. 113-134, éd. Ch.L. Livet, t. II, Paris, P. Daffis, 1877, p. 104. – Bibliothèque françoise, Paris, 1740, t. II, p. 130-135. – Nouveaux mémoires d'histoire, de critique et de littérature, Paris, 1752, t. V, p. 244-257, «Anecdotes sur Richesource, soi-disant professeur en Eloquence à Paris». – D'Alembert, Histoire des membres de l'Académie françoise [...], Amsterdam et Paris, Moutard, 1787, t. I, p. 404-405, t. II, p. 399-402. – Révillout C., «Un maître de conférences au milieu du XVIIe siècle: Jean de Sourdier de Richesource», dans Académie des sciences et lettres de Montpellier. Mémoires de la section des lettres, Montpellier, Boehm et fils, 1875, t. VI, p. 493-538, 669-670; 1886, t. VII, p. 41-92 (articles qui restent à ce jour la source d'information fondamentale).

Historique Richesource donnait des leçons d'éloquence depuis 1649, enseignant une Rhétorique raisonnée ou Philosophie oratoire. Il avait institué ses Conférences en 1653, à l'instar de celles qui s'étaient tenues à partir de 1633 au Bureau d'adresse. Les discours prononcés dans les séances du lundi furent imprimés. Des contrefaçons induisirent Richesource à prendre un privilège qui lui permît de réunir en recueil les livraisons de l'année écoulée. A partir de la quatrième livraison, le sujet des conférences ultérieures est annoncé. Par la suite seront généralement indiqués les auteurs des questions. Le calendrier prévu n'est pas toujours exactement respecté: il se produit des interversions, des retards. A dater du nº XVIII, le jour auquel on distribue les Conférences est précisé, de sorte que la chronologie de la publication peut être assez aisément reconstituée dans le détail. Quelques orateurs se signalent par la fréquence de leurs interventions. Le seul qui mérite d'être remarqué demeure Fléchier. Non pourtant qu'il se distingue des autres: celui qui deviendra l'un des maîtres de l'oraison funèbre ne fait encore que ses premières armes. La matière des débats, pour chaque séance, est proposée par les personnes les plus diverses. Citons, entre beaucoup d'autres, Le Tellier, Filleau, de Cailly, Du Bordage, Saint-Gilles, Perachon, Prioreau, procureur du roi au présidial de Bergerac, l'abbé de Visé, le chevalier de Saint-Philbert, le vicomte de Montaigu, les marquis de Cany, de Sorgues et de Magneux, Le Fèvre d'Arve, seigneur du Pontet, de Corbon, avocat au Parlement, Le Long, médecin... En 1660, Foucquet protège l'Académie de Richesource. En 1661, Séguier paraît remplir ce rôle, relayé par le président de Lamoignon. Les Conférences académiques sont dédiées à différents personnages, en particulier des évêques membres de l'Assemblée du clergé, de laquelle Richesource déclare être pensionné. La cinquième conférence de 1661 se tient en présence du marquis de La Fuente, ambassadeur du roi d'Espagne. Mais à la fin de cette année-là, semble-t-il, la publication s'interrompt, pour ne reprendre qu'en 1664 et 1665, sans parvenir à trouver longtemps un second souffle. Les séances de l'Académie s'espacent bientôt, avant de disparaître complètement, vers 1667 à ce qu'il semble. Richesource, dès lors, se borne à débiter son fonds de Conférences, afin de l'écouler, sous forme de décades ou de groupements un peu plus étendus.

Ces Conférences académiques s'inspirent manifestement de celles que Théophraste Renaudot avait organisées au Bureau d'adresse de 1633 à 1642 et dont le recueil avait commencé de s'imprimer en 1638. Elles en prennent même d'une certainte manière le relais, puisque les premières d'entre elles paraissent au moment précis où s'achève une réédition, en cinq tomes, du Recueil général (Paris, Promé, 1655-1660). Mais elles s'en différencient ainsi que leur titre même l'indique, par une attention particulière au bien-dire, puisqu'elles sont avant tout destinées à la formation et à l'entraînement d'avocats ou de prédicateurs. Leurs sujets sont moins variés et témoignent d'une curiosité moins ouverte pour le progrès des sciences ou le mouvement des idées. Elles présentent néanmoins un vif intérêt historique et sociologique. Certes Richesource, qui tombe souvent dans le pire des galimatias, mérite sa détestable réputation. Mais le professeur, heureusement, s'efface devant ses élèves, auxquels il cède la parole, et dont quelques-uns ne manquent parfois ni de dons, ni d'un certain talent.

Jean-Pierre COLLINET

 


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