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Dictionnaire des journaux 1600-1789, sous la direction de Jean Sgard, Paris, Universitas, 1991: notice 198 CARNAVALADE (1760) 1] Titres Carnavalade, puis Carêmade (I-II), puis Paschade. 2] Dates Quatre livraisons: fin février ou début mars - 1er avril 1760. Périodicité annoncée et qui a dû être à peu près respectée: hebdomadaire. 3] Description Volume factice qui regroupe, outre ces quatre livraisons (12 p., chaque livraison étant de 4 p.), la Feuille littéraire, l'Apologie des Feuilles littéraires et d'autres pièces. Cahier de 8 p., in-4, 190 x 230. 4] Publication [Toulouse]. Mais aucune adresse n'est mentionnée. On lit à la fin des deux premières livraisons: «Se vend en ville par tout où les distributeurs se trouvent» («par tout où on en distribue»); à la fin de la 3e: «Au Bazacle, Mrs, au Bazacle est aujourd'hui le Bureau de distribution»; à la fin de la 4e: «Sans redouter le Poisson d'avril, on peut se rendre à l'Esplanade et au Quay; on y trouvera à coup sûr la présente feuille»; toutes mentions non dénuées d'humour. Prix: 24 deniers. 6] Contenu Contenu annoncé: pour «donner de la tablature» au journaliste de la Feuille littéraire, l'auteur n'a pu mieux faire que d'entreprendre «un ouvrage périodique» dont le but est «d'égayer tout le monde et d'extirper cette légion d'auteurs que la causticité enfante [...] Puissent tous les bilieux, les flegmatiques, les taciturnes, les atrabilaires, les misanthropes, les mélancoliques, les hypocondriaques et les caustiques tousser, se moucher, et cracher toute leur bile en usant une fois par semaine de l'antidote que nous leur présentons» (Carnavalade). Contenu réel: face au grave et «pédantesque» ouvrage de la Feuille littéraire, dont il s'agit de dénoncer le ridicule, «une farce en coeffe de nuit» (Carêmade, I): chant épicurien à la bonne chère, au vin, au divertissement, à l'amour du gain..., placé sous le signe de Gargantua, Pantagruel et... Gratelard dont les Vies sont annoncées dans une rubrique parodique d'ouvrages nouveaux (Carnavalade). Centre d'intérêt: l'essai d'une «feuille mimique» qui se veut tout en «friandes saillies» (Carêmade, II), écrite dans un style «plat comme une punaise», à l'adresse de la seule «populace» (Carêmade, I); une réponse amusante et comique dans le cadre de la polémique suscitée par la Feuille littéraire. 7] Exemplaires B.M. Toulouse, Rés. C XVIII 246 (3-5). Historique Dans la Lettre du chevalier de C... au marquis de B... (s.l.s.n.s.d), publiée à Toulouse sans doute vers février 1760, l'auteur, constatant la fureur contagieuse d'écrire qui se répand dans la ville (et notamment sous forme périodique), soumet à son destinataire l'hypothèse suivante: «penses-tu que ton Magister encore encrassé du pédantisme dont il n'a quitté que les livrées ne t'assomme pas à son tour d'une feuille périodique? Je doute qu'il latinise plus heureusement le français que le personnage qui nous excède ici» (il s'agit évidemment du journaliste de la Feuille littéraire). L'hypothèse devient réalité avec la parution de la série Carnavalade-Carêmade-Paschade. «Par Mr. S... ancien Maît... d'Eco... et St. M...», lit-on à la fin de chaque livraison. De sorte qu'on est tenté de considérer la Lettre du chevalier de C... comme une sorte de Prospectus, l'auteur revêtant le masque du Magister... De même que l'Apologie des Feuilles littéraires, Carnavalade est probablement le fait d'un confrère jaloux qui a cru se reconnaître dans l'allusion satirique et injurieuse lancée contre l'écrivan «gâte-métier» invité à retourner à la terre (Feuille litteraire, 2º et 4º), et qui, d'emblée, répond avec superbe: «...Et ne nous forcez pas d'aller planter nos choux Lorsque la gloire nous appelle». Animé par l'intention de «faire casser le col» (Carnavalade) à la Feuille littéraire, l'auteur, sur un ton d'emphase ironique, rapporte dans son deuxième numéro le succès du premier, allant jusqu'à parler de contrefaçon et précisant qu'il ne reste que sept ou huit exemplaires «d'un nombre innombrable», alors qu'à peine, en deux semaines, quarante Feuilles littéraires ont été vendues «en gros et en détail»! En fait, il ne fera pas «crouler» le «superbe colosse» de littérature puisque la Feuille littéraire poursuivra son cours jusqu'à la trentième, et que, pour sa part, il déclare, à la fin de son quatrième numéro: «prenons le parti de ne plus écrire: sans nous en prendre garde, nous broncherions aux défauts que nous reprochons aux grands hommes». Habile pirouette pour cacher la faillite de l'entreprise? Quoi qu'il en soit, une telle production, bien qu'éphémère, mérite d'être retenue en raison de sa tonalité propre. Toulouse avait déjà connu, l'année précédente, une tentative de feuille humoristique avec Le Courrier de campagne. Mais celui-ci s'insérait dans le cadre strict d'une feuille d'Annonces qu'il parodiait. Ici, l'auteur laisse libre cours à sa verve, multiplie les traits piquants et les développements amusants. A sa manière, cette suite périodique témoigne de l'activité des presses toulousaines en 1760: «La peste soit des Feuilles! [...] On entend hurler et aboyer de toutes parts la Gazette de Toulouse, Mrs, la Feuille littéraire, Mrs, Lettre à l'Auteur des Feuilles littéraires, Mrs, Apologie des Feuilles, Mrs, achetez, achetez, Mrs» (Carnavalade). Robert GRANDEROUTE
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