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Dictionnaire des journaux 1600-1789, sous la direction de Jean Sgard, Paris, Universitas, 1991: notice 164 BIBLIOTHÈQUE IMPARTIALE (1750-1758) 1] Titres Bibliothèque Impartiale. Pour les Mois de [...]. 2] Dates Janvier-février 1750 - novembre-décembre 1758. Revue bimensuelle: 6 livraisons par an, pour les mois de janvier-février, mars-avril, etc., réunies en deux volumes annuels, soit au total 18 volumes. 3] Description Chaque volume rassemble 3 livraisons, avec mention de «Première [seconde, troisième] partie» à partir du 2e volume. La livraison fait environ 150 p., cahiers de 8 p., format in-8º, 90 x 153; frontispice et planches. 4] Publication «A Leide. Chez Jean Luzac». A partir de janvier 1754: «A Göttingen et Leide, chez Elie Luzac fils, Impr. Libr.». Tirage de 500 exemplaires. 5] Collaborateurs Jean Henri Samuel FORMEY. 6] Contenu Contenu annoncé: nouvelles de la «République des Lettres», «Journal littéraire». Ouvrages nouveaux et «Nouvelles littéraires» (par pays et par ville) de France, Italie, Suisse, Angleterre, Allemagne, Hollande, et rééditions d'ouvrages du XVIIe siècle. Principaux centres d'intérêt: théologie, histoire naturelle, belles-lettres, jurisprudence, mémoires académiques. Principaux auteurs étudiés: Buffon, Trublet, Quirini, J.B. Rousseau, Sulzer, Montesquieu, Tiphaigne de La Roche, Maupertuis, Haller, Toussaint, Diderot, J.J. Rousseau, Coyer, Fontenelle, Leibniz, Mably, Vervey, Voltaire, etc. Table alphabétique des matières en fin de volume. 7] Exemplaires B.R. Bruxelles, II, 5306 A (complet), VH 21422 (1750-1754); B.N., Z 21384-21401. 8] Bibliographie B.H.C., DP2, art. «Formey». – Van Stockum, La Librairie, l'imprimerie et la presse en Hollande.., Amsterdam et La Haye, 1910. – Marx J., «Une revue oubliée au XVIIIe siècle, la Bibliothèque impartiale», Romanische Forschungen, 1968, t. II-III, p. 23-33; – Idem, «Un grand imprimeur au XVIIIe siècle: Elie Luzac fils 1723-1796», Revue belge de philologie et d'histoire, 1968, t. XLVI, p. 779-786; – Idem, «Une liaison dangereuse au XVIIIe siècle: Voltaire et Jean-Henri Samuel Formey», Neophilologus, 1969, t. LIII, 2, p. 138-146; – Idem, «Elie Luzac et la pensée éclairée», Werkgroep XVIIIde eeuw Documentatieblad, Nijmegen, 1971, t. XI-XII, p. 74-105; – Idem, «La Bibliothèque impartiale. Etude de contenu», dans Couperus, p. 89-107. Historique La Bibliothèque impartiale, dont la publication, à Leyde, s'étendit dans les années-charnières du XVIIIe siècle, sur le plan de la diffusion des Lumières (janv. 1750 - juil.-août 1758), est née de la collaboration de deux esprits talentueux, qui sont aussi des figures représentatives du Refuge protestant en dehors des frontières de la France. L'éditeur Jean Henri Samuel Formey (1711-1797), dont la famille avait quitté la France pour le Brandebourg après la révocation de l'édit de Nantes, pasteur de l'Eglise française, cumulait les fonctions élevées de secrétaire perpétuel de l'Académie de Prusse avec celles de directeur de la classe de philosophie. Il fut un des polygraphes les plus prolifiques de son temps, un vulgarisateur qu'on a parfois comparé à Fontenelle (il occupe une position comparable à celle du secrétaire de l'Académie des sciences de Paris) et un journaliste intempérant: il créa aussi la Bibliothèque germanique (1720-1740), le Journal littéraire d'Allemagne, de Suisse et des Pays du Nord (1741-1743), puis s'associa avec le pasteur français Peyrard, à Stettin, pour publier une Nouvelle Bibliothèque germanique (1746-1759), et collabora en outre à de nombreuses revues, dont le Journal encyclopédique de Pierre Rousseau. Wolfien en philosophie, adepte de l'optimisme leibnizien, Formey se montra d'abord favorable à l'esprit éclairé, au point de méditer un projet d'Encyclopédie qui fût l'équivalent prussien de l'œuvre de d'Alembert, et dont il livra les matériaux à Diderot. Mais la présence de Voltaire à Berlin, ainsi que ses manigances dans la célèbre querelle Maupertuis-König, allaient déboucher sur une stratégie de harcèlement idéologique, dont la Bibliothèque impartiale porte les traces (voir la Lettre de M. de Voltaire à l'Auteur de la Bibliothèque impartiale, mai-juin 1752), et qui se termina par la disgrâce du secrétaire au yeux du roi. L'imprimeur, Elie Luzac fils (1723-1796), avait également reçu une solide formation philosophique et littéraire à l'Université de Leyde, sous la direction du philosophe Hemsterhuis. Quoique ne partageant pas les thèses matérialistes, il n'en publia pas moins le dangereux Homme-Machine de La Mettrie en 1748, ce qui lui valut la condamnation du Consistoire de l'Eglise wallonne de Leyde, à laquelle il répliqua par un Essai sur la liberté de produire ses sentiments (Au Pays libre, 1749) qui marque une date dans l'histoire de la liberté de la presse. Très sourcilleux sur ce point, et dans le droit fil de la tradition hollandaise, Luzac n'en partit pas moins en guerre contre les paradoxes de J.J. Rousseau dans la Bibliothèque impartiale en 1756, puis dans ses écrits séparés; et il entama également la critique de Montesquieu dans des Remarques philosophiques et politiques d'un anonyme sur l'Esprit des Lois (1765), où paraissent les qualités d'un jurisconsulte wolfien, rompu à l'exercice d'une logique exprimée, en outre, dans un français impeccable. Elie Luzac et Formey s'associèrent en 1749, et nous savons par le contrat conclu à cette occasion (ms à la Deutsche Staatsbibliothek de Berlin) que l'intention délibérée était de diffuser la Bibliothèque impartiale en France. Luzac s'arrangea également pour faire paraître la revue conjointement au Journal britannique (1750-1757) de Mathieu Maty, qui fut en outre chargé de la partie anglaise de la Bibliothèque: nous savons ainsi que la revue fut diffusée et bien accueillie en Angleterre, et nous n'ignorons rien, grâce à la correspondance manuscrite de Luzac et de Formey, des préoccupations mercantiles qui accompagnèrent le projet. Il est assez difficile de déterminer la participation exacte des collaborateurs recrutés par Formey, le principe de l'incognito ayant été posé comme règle: Formey lui-même annonçait en janvier-février 1753 que «l'impossibilité de conserver l'incognito plus longtemps» (suite, probablement, aux remous de la querelle Maupertuis-Koenig) l'obligeait à renoncer à la rédaction d'extraits. La revue s'imposa dès 1751, puis, les rapports entre Elie Luzac et son oncle Jean, avec qui il était associé, s'envenimant, la revue fut imprimée à Göttinge, le tirage passant de 200 à 500 exemplaires. Nous connaissons les noms de certains lecteurs: Jean-Nicolas Sébastien Allamand, alors professeur d'histoire naturelle à Franeker, l'astronome Jean Lulof, membre de l'Académie de Berlin, et l'on peut en conclure que l'audience de la revue concernait surtout une caste bourgeoise protestante et érudite, héritière d'une certaine tradition de scepticisme historique et de cartésianisme. Peu répandue à Paris, la Bibliothèque impartiale trouva surtout son public en Angleterre et en Allemagne, où elle apparut comme une sorte d'organe annexe de l'Académie de Berlin. En général, et sous l'impulsion de Formey, la revue se caractérisa par une assez nette orthodoxie rationaliste et religieuse, et elle est un excellent témoin de la période de charnière qui sépare les successeurs de Bayle des apologistes de la seconde moitié du siècle. Elle militait en fait sur trois plans, celui de la polémique anti-catholique, celui de la lutte contre les églises dissidentes, et celui de la lutte contre l'impiété, et l'on perçoit assez nettement le trouble du directeur, inquiet de voir l'hétérodoxie protestante exploitée par les «philosophes». Pour le reste, quelques constantes marquent les préoccupations de la revue: son cosmopolitisme et son anglomanie; son pragmatisme, qui la rend très attentive aux progrès des techniques; son manque presque total de réceptivité au genre romanesque (à l'exception, curieusement, du genre utopique) et, surtout, l'attention qu'elle porte aux questions scientifiques. Elle a, sur ce point, joué un rôle pilote, et contribué dans une proportion non négligeable à la percée des «sciences de la vie» dans l'épistémologie du XVIIIe siècle. Jacques MARX
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