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Dictionnaire des journaux 1600-1789, sous la direction de Jean Sgard, Paris, Universitas, 1991: notice 1171 RECUEIL DE PIÈCES (1731-1741) 1] Titres Recueil de pièces d'Histoire et de Littérature. 2] Dates Fin novembre ou décembre 1731 - début 1741. Quatre volumes; le privilège est daté du 26 octobre 1731 (pour 3 ans); puis 31 janvier 1738. Il ne paraît pas même un volume par an: t. I: 1731; t. II: 1732; t. III: 1738; t. IV: 1741. 3] Description Chaque tome comporte une dizaine de pièces. Nombre de pages des volumes: t. I, XIV + 224; t. II, 246 (dont 234 numérotées); t. III, 230 (dont 224 numérotées); t. IV: VIII + 236. Cahier de 16 p., 105 x 180, in-8º. 4] Publication Paris, Chaubert (Hugues-Daniel), à l'entrée du Quay des Augustins, du côté du pont Saint-Michel, à la Renommée et à la Prudence. 5] Collaborateurs François GRANET. Directeurs successifs: François Granet (t. I, II, IV); Pierre-Nicolas DESMOLETS (t. III). François Granet écrit dans l'Avertissement placé en tête du dernier tome: «Le quatrième tome qu'on publie aujourd'hui, ainsi que les deux premiers, est de l'écrivain qui a eu l'idée de cette collection et qui a traduit ou composé la plupart des pièces qu'on y trouve». Dans ces tomes on peut lui attribuer la totalité des pièces historiques, critiques, traductions, sur lesquelles n'est donnée aucune indication particulière. Collaborateurs occasionnels: J.J. Bel, t. II, p. 229-234 (contre le discours de La Motte sur la poésie dramatique); Ribaud de Rochefort, avocat de Gannat, t. III, p. 1-85 (trois «dissertations» historiques); le père Oudin, jésuite, t. IV, p. 1-38 (histoire); Milord Atterburi, t. IV, p. 105-128 (sept lettres en latin, au marquis de Caumont et à F. Granet); Boureau-Deslandes (discours à l'Académie de La Rochelle), t. IV, p. 198-205. 6] Contenu Contenu annoncé: «Je souhaiterais que ce Recueil pût ressembler aux ouvrages si connus en Angleterre sous le nom d'Essais ou de Miscellanées. Ce sont d'excellentes collections où règne une utile et ingénieuse variété. On y trouve des points d'histoire curieusement traités, des allégories fines, qui cachent une morale judicieuse, des réflexions d'un tour libre et original, des critiques sensées d'ouvrages célèbres» (Préface). Contenu réel: dans l'Avertissement du t. IV Granet se livre à une critique implicite du t. III; il promet de n'insérer dans son recueil «que des écrits annoncés dans la préface du premier», et il insiste sur «le choix des pièces» contenues dans le nouveau tome, sans doute dignes, elles, «de la curiosité de divers genres de lecteurs». Il faut donc distinguer le t. III des autres, bien que dans tout le Recueil l'histoire prédomine très largement. Recueil de Granet: Histoire 59%, dont Histoire de l'Eglise 19,5%, Histoire critique des religions 14%, Histoire romaine (mœurs, hommes illustres) 17%, Histoire des Celtes 5,5%, Chronologie 3%; Littérature 41%, dont Littérature française (textes et critiques) 19%, Ecrivains grecs (trad. d'Isocrate, vie de Plutarque) 18%, Actualité littéraire (discours académiques, lettres en latin) 4%. Recueil de Desmolets: Histoire: 56% (Histoire des Francs: 42%; Histoire locale: 14%); Commentaire de textes canoniques: 22%; Littérature (lettres et vers de célébrités du XVIIe siècle): un peu moins de 10%; Usages linguistiques: 9,5%; Sciences naturelles ou magie (vertus merveilleuses d'un fruit des Philippines): 3,5%. Principaux centres d'intérêt: publication de pages inédites du XVIIe siècle: Desmolets, dont c'était devenu la spécialité, fit paraître dans le t. III des textes ou des lettres de Sallo (p. 86-107), Christine de Suède et Pascal (p. 108-123), «Racine» (attribution inexacte) et «A. Vitart» (p. 124-128), du comte de Louvigny (p. 129-132). Mais de son côté Granet publia des pages de Saint-Réal (t. II, p. 1-30), Dryden (t. II, p. 1-97), Régnier Desmarais (t. IV, p. 129-156), Perrault (t. IV, p. 157-185) et surtout des «Réflexions nouvelles de M. de Lar***» (La Rochefoucauld), groupées en sept petits chapitres: De la Confiance, De la Différence des Esprits, des Goûts, De la Société, De la Conversation, du Faux, De l'Air et des Manières, t. I, p. 32-64, immédiatement vantées dans le Nouvelliste du Parnasse (t. I, Seizième lettre, p. 380 et suiv.), au détriment des Spectateurs, «Anglais, Français, Inconnus et Suisses». L'état d'esprit nouveau dont fait preuve François Granet: il s'adresse délibérément à des «personnes polies qui, sans mépriser le savoir et sans courir après le frivole, estiment ce qui peut plaire à l'esprit, ou instruire sans causer de dégoût». Témoignant d'une profonde évolution du public aux lendemains de la Régence, sa préface sonne presque comme une déclaration de guerre à un certain type de lecteurs: non content d'éviter «d'arborer l'enseigne de savant», de se déclarer épouvanté par les «grands noms» des Mabillon, des d'Acherri, des Baluze, des Muratori, et de tant d'autres «compilateurs érudits», il affirme qu'on ne courra pas grand risque de trouver dans son recueil «beaucoup de pièces pleines de cette érudition sèche qui ne fait plaisir qu'aux savants de profession». Son modèle? Les «Miscellanées» des Anglais, ces «heureux caprices de l'esprit humain», «où les réflexions politiques contrastent avec un ingénieux badinage, la fiction avec l'histoire». Son idéal? Une lecture qui soit comme une «conversation» «avec autant de personnes du caractère exprimé dans [...] différents écrits». S'il se propose de publier de temps en temps des pièces traduites de l'anglais (quantitativement elles représentent près du 1/3 du Recueil) ce n'est pas seulement par souci de variété, mais parce qu'on y trouve «des idées singulières», parce qu'elles sont marquées par «un air étranger qui ne disparaît pas dans la traduction» et que «cet air étranger fait toujours plaisir». Avec notre regard actuel, trop peu exercé, nous pouvons du moins constater que ses «dissertations» historiques sont rarement bardées de références savantes, qu'il aime particulièrement les réflexions critiques (articles sur «les faux prophètes et les vrais», «l'histoire de Sainte-Ursule et des 11 000 vierges», ramenée à une pieuse légende), qu'enfin et surtout il se donne le plaisir de confronter les jugements et les personnalités (Saint-Réal et un de ses contradicteurs; Perrault et Boileau qui risque de sortir curieusement diminué d'une comparaison avec Chapelain). L'Avertissement du t. IV, conçu comme défense et illustration des pièces composant ce volume, est un modèle d'alacrité et de finesse. Principaux auteurs étudiés: Saint-Réal, t. I (p. XI-XIV) et t. II (p. 208-228); La Motte, t. II (p. 229-234), Plutarque, t. II (p. 1-97); Saint-Augustin, t. III (p. 162-184). Tables intégrées à la collection: I, p. X; II, en tête, 2 p. non numérotées; III, en tête, 2 p. non numérotées; IV, p. VII et VIII. D'autre part on trouve, à la fin du t. II, une «Table alphabétique des Matières contenues dans les deux premières parties de ce recueil» (9 p. non numérotées). 7] Exemplaires B.M. Grenoble, E 13.964. La page de titre de l'exemplaire de la B.N., t. I (Z 23425), porte à l'encre l'indication du nom de l'auteur: «par le père Desmolets de l'Oratoire». Cette mention a été rayée et l'on a mis à la place le nom de «Granet». Historique Dans sa préface Granet déclare avoir «ramassé plusieurs pièces imprimées et manuscrites» sans annoncer aucune périodicité. On doit pourtant considérer ce Recueil publié par volumes irrégulièrement espacés, comme un journal, pour quatre raisons au moins: 1) Hanté par le souci d'éviter les redites, l'auteur se projette dans l'avenir en faisant état d'une entreprise de longue haleine: «Je m'attacherai à choisir ce qui peut offrir quelque chose de singulier et de nouveau [...]. Si le premier volume est favorablement reçu, il sera bientôt suivi d'un autre; le succès produira de nouveaux efforts pour faire encore mieux». 2) Il prétend lancer une publication d'un type particulier, rivale des journaux ordinaires: «Au lieu de tant de journaux dont nous serons inondés, et où l'on trouve les extraits de livres connus, n'y aurait-il pas un plaisir et un avantage plus réel pour le public à donner des recueils faits avec soin?». 3) Il fait appel à des collaborateurs: «Il serait à souhaiter que tant de bons esprits déjà célèbres par leurs ouvrages voulussent s'intéresser à la fortune de ce Recueil, en faisant part de leurs richesses. Le libraire qui le fait imprimer en userait avec toute l'honnêteté possible». 4) Dans l'Avertissement du t. IV, il promet de «[...] donner à l'avenir un nouveau tome tous les trois mois». Ce journal eut une destinée laborieuse. Dans la Préface, Granet déclare avoir formé son «dessein depuis plusieurs années déjà». L'approbation du premier tome (10 oct. 1730) a précédé de plus d'un an l'acquisition du privilège par le libraire, H.D. Chaubert, dont le chiffre d'affaires était très modeste: entre 1730 et 1740 il n'a jamais payé plus de dix livres de capitation (mss. f. fr. 21857, passim) et en 1752, l'«Historique des libraires et imprimeurs de Paris» le définit en peu de mots: «Il vendait les œuvres de l'abbé Desfontaines. C'est un pauvre diable dont la fortune est bien bornée». Après la publication du t. II, un an après le premier, en décembre 1732 (approbation du 12 novembre), l'entreprise a pu sembler abandonnée. Cependant Chaubert acquit pour trois ans un nouveau privilège le 31 janvier 1738 et en juin Goujet pouvait écrire à Bouhier (ms. f. fr. 24411, fº 313): «Peut-être savez-vous que le p. Des Moletz continue le recueil de ses Mémoires de Littérature et d'Histoire. Il y a quelques jours qu'il m'a envoyé le volume [...]. Chaubert s'est servi du privilège pour un recueil de l'abbé Granet [...] dont il n'a donné que deux petits volumes. Celui du père Desmolets fait le troisième et paraît sous le même titre [...]. On va commencer l'impression d'un quatrième». Cette lettre doit dater de la troisième semaine du mois, puisque le 16, Desmolets lui-même annonçait à Bouhier l'envoi de «deux exemplaires du recueil de pièces de littérature et d'histoire» (ms. f. fr. 24410, fº 455). Chose curieuse, ce t. III porte comme date d'approbation le 18 décembre 1738 (au lieu de 1737?). Quoi qu'il en soit, le quatrième et dernier tome, approuvé seulement le 4 février 1740, ne parut qu'au début de 1741. Il contenait un Avertissement où, tout en proclamant l'inutilité d'indiquer les «raisons qui [avaient] retardé la continuation» de son journal, Granet laissait éclater en termes assez piquants son ressentiment vis-à-vis de Desmolets. «A l'égard du troisième [tome] les pièces qu'il renferme ont été amassées par un docte bibliothécaire qui, trompé sans doute par des personnes d'un goût peu délicat, a attribué au grand Racine des vers latins sur les agréments de la campagne qui ne sont qu'une mauvaise copie d'Abraham Remy, poète célèbre sous Louis XIII. C'est donc sans fondement qu'un nouvelliste de Paris, dans un journal de Hollande a associé M. l'abbé Desfontaines à ce Recueil». Michel GILOT
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