ISSN 2271-1813

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Dictionnaire de la presse française pendant la Révolution 1789-1799

C O M M A N D E R

   

Dictionnaire des journaux 1600-1789, sous la direction de Jean Sgard, Paris, Universitas, 1991: notice 115

ANNALES POLITIQUES [DE MALLET DU PAN] (1781-1783)

1Titres Annales politiques, civiles et littéraires du dix-huitième siècle; ouvrage périodique, pour servir de suite aux Annales de M. Linguet.

Dès le début de 1782 le titre s'arrête à: «ouvrage périodique».

Devient en 1783 Mémoires historiques, politiques et littéraires sur l'état présent de l'Europe (15 mars 1783).

2Dates 30 avril 1781 - 30 août 1783. Bimensuel paraissant le 15 et le 30 de chaque mois (avec un hiatus de 4 mois, d'avril à août 1782).

La couverture en papier bleu-gris servant de page de titre est faite pour être enlevée à la reliure, car le titre courant enchaîne sans couture de numéro en numéro.

3Description 6 vol. trimestriels de 514 à 546 p., format in-8º, 145 x 215, contenant chacun 8 numéros, chacun de 64  p. «L'année complète est composée de vingt-quatre numéros franc de port, de quatre feuilles d'impression chacune» (couverture). Tables alphabétiques à la fin des t. II et III.

4Publication «Londres» ou s.l., sans doute à Lausanne par la Société typographique; parmi les adresses données sur la couverture figurent celle de Mallet Du Pan lui-même à Genève, la S.T. à Lausanne, ainsi que d'autres à Bâle, Turin, Paris, Hambourg, etc. Devise: Nec temerè, nec timidè.

Souscription: 27 # en Suisse, 30 # pour les autres pays. Les numéros intitulés Mémoires... portent «Londres», sans devise.

5Collaborateurs Jacques MALLET DU PAN.

6Contenu «C'est un Recueil vraiment libre, consacré à développer l'Histoire générale du siècle, dans sa Politique, la Législation et la Littérature, avec des réflexions. Tout ce qui peut caractériser les Moeurs, les Usages, l'Esprit, les Lois et les Evénements de notre Epoque, y sera consigné avec autant de franchise que d'impartialité».

«Au moyen des précautions qu'on a prises, et des Correspondances scrupuleuses, dont on a fait choix, la vérité trouvera dans cet ouvrage un asile fermé aux nouvelles infidèles ou douteuses, à la calomnie comme à la flatterie, et à toutes les personnalités» (couverture servant de prospectus).

Le journal donne d'ordinaire des nouvelles de différents pays (mais peu sur la France), avec quelques comptes rendus littéraires: «Commentaire d'actualité politique et militaire des divers pays de l'Europe et de l'Amérique; examen critique de problèmes législatifs, juridiques et judiciaires, financiers et commerciaux, ecclésiastiques et religieux, voire scientifiques, artistiques et techniques; comptes rendus, parfois polémiques, d'ouvrages littéraires et historiques» (Candaux, p. 131-132).

7Exemplaires B.N., 8º Lc2 86 (manquent les 15 premiers numéros du t. I, tout le t. V et d'autres numéros); B.P.U. Genève, Gg 577 (manquent nº 13 et 23). Selon le National Union Catalogue (U.S.A.), des collections complètes existent à la Library of Congress, à l'University of Chicago et à Harvard University.

8Bibliographie H.G.P., t. I., p. 280, DP2, art. «Mallet Du Pan», «Morsan».

Le nº 25 (30 août 1782) fait allusion à une traduction faite à Florence, ainsi qu'à deux contrefaçons à Nantes et à Yverdun (p. 3-4). Les pages sur la Révolution genevoise de 1782 ont été rééditées en volume séparé sous le titre de: Tableau historique et politique de la dernière révolution de Genève (Candaux, p. 132). – Acomb F., Mallet Du Pan (1749-1800): a career in political journalism, Durham, Duke University Press, 1973. – Candaux J.D., «Les gazettes helvétiques», dans Couperus, p. 130-132.

Historique Mallet Du Pan, genevois, collaborait comme Durey de Morsan aux Annales politiques, civiles et littéraires de Linguet, étant chargé en particulier de l'édition de Lausanne. En fonction de son accord avec Linguet (1778), il se supposait le droit de le remplacer s'il quittait le journal. Après l'embastillement de Linguet (27 sept. 1780), il annonce une continuation ou supplément, quitte à céder la place à Linguet au moment de sa libération: «par respect pour ce célèbre écrivain, on ne fait aucun alliage de sa collection avec celle-ci, afin qu'un jour, il reprenne, si cela lui convient, son ouvrage au point où il l'a laissé» (t. I, p. 65). La couverture annonce: «Cet ouvrage périodique est un Supplément plutôt qu'une continuation du célèbre Journal du même titre. Dans l'impuissance de le remplacer, on ne cherche qu'à occuper, sans se flatter de le remplir, l'intervalle de sa cessation». Si Mallet laisse entendre l'autorisation au moins tacite de Linguet, il ne l'atteste pas non plus, et l'on ne peut guère dire si son procédé constitue une fraude ou non. Seul son premier numéro, dit explicitement Mallet Du Pan, est une version corrigée et augmentée du nº 72 suspendu de Linguet (t. I, p. 65). Toutefois, dès le début de 1782, il ôte de son titre l'expression: «pour servir de suite aux Annales de M. Linguet».

Bachaumont le traite d'usurpateur: «Il y a toujours des gens habiles à succéder non seulement aux morts, mais même aux vivants, lorsqu'ils peuvent le faire avec impunité et sans réclamation. C'est ainsi qu'on voit à Genève MM. Mallet et Durey de Morsan continuer les Annales de Me Linguet. Ils se sont flattés sans doute que ce prisonnier ne paraîtrait pas de sitôt; car, malgré les éloges qu'ils lui prodiguent, on ne croit pas qu'il se vît de bon œil remplacé par ces messieurs. [...] Cependant le sieur le Quesne désavoue cette entreprise au nom de son maître, et le nouveau journal de ces messieurs n'entre que furtivement en France» (Mémoires secrets, 20 août 1781). Mallet à son tour attaque Bachaumont dans le nº 9 des Annales (30 août 1782).

Malgré la disgrâce qui a provoqué son arrestation, Linguet avait joui d'une libre distribution de son journal par la poste de France. Espérant que, débarrassé de Linguet, il serait encore mieux accueilli, Mallet entreprend sans succès plusieurs démarches auprès de Vergennes. Il est d'autant plus contrarié que certains des associés de Linguet (comme Gosse et Lequesne) s'y opposent activement (Acomb, p. 130). On sent le dépit dans son Avis aux souscripteurs du nº 25 (t. IV, p. 3): «Cet ouvrage périodique, contrarié à sa naissance et dans son cours, interdit à Paris, librement distribué et accueilli dans les autres Etats de l'Europe où l'on s'est préservé de la licence et de la bassesse, et dont vingt-quatre Numéros ont attesté l'impartialité et la franchise, se continue dans le même esprit, mais avec une régularité et des secours vainement recherchés par l'Auteur au milieu des troubles de sa patrie. [...] On espère avoir donné jusqu'à ce jour l'exemple de la vérité poussée jusqu'au scrupule, et du courage à ne faire aucune acception de pays, de doctrines, de partis et de personnes. Rien ne fera départir l'Auteur de ces principes, sans lesquels on doit renoncer à peindre aux hommes le tableau de leurs faiblesses, de leurs malheurs, et de leurs opinions».

Les «troubles de sa patrie» interrompront la publication de son journal lors de l'occupation française de Genève (t. III, p. 408, 30 mars 1782). «Rien n'étant changé depuis un mois dans la situation de Genève, et par conséquent dans celle de l'auteur», il continue d'écrire en promettant de finir le volume annuel, dont l'échéance est fin mars, avant le 15 juin, «si néanmoins il me reste encore un Imprimeur» (t. III, p. 472, 15 avril); les nº 25-26 retardés donnent au lecteur son analyse de la situation genevoise. La remise des numéros complétant la souscription au 30 août sera «la seule et dernière inexactude qu'il y aura dans les livraisons» (t. IV, p. 4).

Il est évident que Mallet tient à garder, et éventuellement à s'attacher les souscripteurs de Linguet. Il se montre dans ses pages moins flamboyant et personnel que Linguet, dont il évite l'antiphilosophisme strident. Antirévolutionnaire en général, il s'oppose à la faction républicaine à Genève et semble sympathiser avec les royalistes en Amérique. Il juge sévèrement les politiciens et généraux anglais, et critique longuement Hilliard d'Auberteuil (nº 27) pour ses trop enthousiastes Essais historiques et politiques sur la révolution de l'Amérique septentrionale (1782). Naturellement, il souhaite continuer à exploiter son legs avec la bénédiction de Linguet après l'élargissement de celui-ci (18 mars 1782): «En attendant qu'un changement dans ses intentions ou dans les circonstances permettent à mon éloquent prédécesseur de reprendre une lance dont le poids m'accable, je poursuivrai le cours de cette Histoire politique et littéraire du siècle, sans interruption. Trop heureux, si, pour m'en faire pardonner la faiblesse, je puis déterminer M. Linguet à glisser quelques-uns de ses diamants dans le magasin de mes guenilles» (t. II, p. 538, ajout daté du 10 juillet). Linguet de son côté espère sans doute pouvoir renouveler leur collaboration dans le sens inverse. Bachaumont s'en scandalise: «M. Mallet Du Pan [...] avait entrepris de continuer les annales de M. Linguet durant sa détention; même depuis son élargissement le successeur n'a point interrompu; il a seulement annoncé avec emphase l'événement, en disant qu'il continuerait jusqu'à ce qu'il plût à l'auteur de reprendre; et qu'au cas où M. Linguet renoncerait, il se flattait qu'il voudrait bien enrichir les feuilles du continuateur de quelques fragments précieux. Jusqu'à présent le premier journaliste n'a point réclamé, n'a rien dit, et sans doute M. Mallet prend ce silence pour une approbation, puisqu'il a publié des numéros même cette année, et depuis l'annonce de la gazette de Clèves [Courrier du Bas-Rhin] déjà citée et ancienne, étant du premier janvier 1783» (Mémoires secrets, 8 févr. 1783).

Linguet reprend à Londres avec son t. X en février. Le 15 mars, Mallet abandonne le titre qu'il avait emprunté et intitule son journal: Mémoires historiques, politiques et littéraires sur l'état présent de l'Europe; la page de titre dit tout simplement «Londres», sans nom d'éditeur ni devise. En guise de justification, Mallet y donne un résumé de leurs rapports (t. V, p. 257-259), affirmant qu'il a même offert de discontinuer. Ce qu'il fait, quelle qu'en soit la raison précise, à la fin de l'année de souscription; il sera embauché par Panckoucke et ira travailler à Paris à la section politique du Mercure.

Philip STEWART

 

Δ 9. C. Ledré, Histoire de la presse, Arthème Fayard, 1958, collection Les Temps et les Destins.

Δ 10. R. Manevy, La Presse française de Renaudot à Rochefort, Paris, J. Foret, 1958.

Δ 11. Pour les références des citations de cette (deuxième) partie, cf. M. Meurisse, «Les Annales politiques, civiles et littéraires du dix-huitième siècle» de Linguet, tomes 1 à 11, numéros 1 à 88, 1777-1784, 163 p. mém. dact. U. Lille, et «Quelques vues de Linguet d'après les Annales (1777-1784)», Revue du Nord, t. LIV, nº 212, 1972, p. 5-13.

Δ 12. Il y a, d'ailleurs, fréquemment dans les Annales la reprise, parfois intégrale, ou mot pour mot, d'idées précédemment exprimées par Linguet dans des ouvrages antérieurs (et quand il entame la publication des Annales, Linguet a derrière lui au moins quinze ans de vie littéraire marquée par plus d'une dizaine d'ouvrages importants auxquels il peut emprunter comme il veut paragraphes et développements). Il peut aussi arriver, mais ce sera le cas surtout après l'embastillement, qu'un article des Annales donne lieu à sa publication autonome sous forme d'une brochure à part. De toutes façons, Linguet journaliste suppose souvent les événements déjà connus du lecteur et pense donc pouvoir donner aux commentaires et appréciations la plus grande part voire la totalité de l'article. Mais cela semble aussi moins net à partir de 1787.

Δ 13. Les deux numéros 88 et 89, enrichis d'additions, constituent d'ailleurs, sous le titre de «Considérations sur l'ouverture de l'Escault» un volume (151 p., in-8º) vendu séparément des Annales.

Δ 14. Ce projet, publié dans les Annales de 1790, correspond d'ailleurs à une brochure de la fin de 1789, intitulée: Point de banqueroute, plus d'emprunts, et, si l'on veut, bientôt plus de dettes en réduisant les Impôts à un seul. Avec un moyen facile de supprimer la mendicité, en assurant, à toutes les classes du peuple, une existence aisée dans la vieillesse. Plan proposé à tous les peuples libres, et notament à l'Assemblée Nationale de France. Par M. Linguet (1789, 79 p., in-8º).

 


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© Universitas 1991-2024, ISBN 978-2-84559-070-0 (édition électronique)