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Dictionnaire des journaux 1600-1789, sous la direction de Jean Sgard, Paris, Universitas, 1991: notice 1123 LA PIERRE DE TOUCHE POLITIQUE (1690-1691) 1] Titres La Pierre de Touche Politique. Janvier 1690 [... novembre 1691]. Sous-titres: La Bibliothèque du Roy Guillemot. La Fable du Renard. La Diète d'Ausbourg. La Lotterie de Pasquin. L'Ombre de Montmouth. Les Médailles. La Clef du Cabinet de Neubourg. Le Triomphe. Les Ombres de Schomberg et de Lorraine. La Lanterne de Diogène. Les Mercures ou la Tabatière des Estats d'Hollande. Le Roy des Fleurs. Les Estrennes d'Esope. L'Ombre du Duc d'Albe. Le Carnaval de La Haye. Le Tabouret des Electeurs. Le Réveille-Matin des Alliez. Les Lunettes pour les Quinze-Vingts. Nostradamus, ou les Oracles. La Fable du Baudet. L'Anneau de Gigès. L'Avortement. Le Jean de Retour. Le Prothée. Les Ombres de Turenne et de Montecuculli aux bords du Rhin. Continuation des Dialogues sur les affaires du temps, vol. I, du Sixième au Vingt-huitième Dialogue. Dialogues continués par L'Ecole des Sages (1692), les Dialogues sur les Affaires du Temps, vol. 6, et surtout Les Travaux d'Hercule (1693-1694). 2] Dates Janvier 1690 - novembre 1691. Pas de privilège. Périodicité annoncée: tous les quinze du mois; périodicité sans doute effective. Soit douze dialogues par an (+ La Fable du Baudet, Extraordinaire de juillet 1691), reliés en quatre volumes constituant les second, troisième, quatrième et cinquième tomes des Dialogues sur les affaires du temps, datés de 1690 et 1691. 3] Description Selon le catalogue imprimé à la suite du 20e dialogue des Travaux d'Hercule, chaque volume comprenait six parties, de 48 p. environ chacune (24 pour l'Extraordinaire), en un format 75-80 x 135-140, in-12. En tête de chaque dialogue, une devise: Ridendo dicere verum / Nil vetat? / Utile dulci. A partir des Estrennes d'Esope (nº 18), chaque dialogue est illustré de deux gravures dont l'une en frontispice, signées Frantz Ertinger, Bonnart. 4] Publication «Londres, Jean Benn. Leyde, William Newking. Vienne, Peter Hansgood. Basle, Eugene Tyrannomastix. Oxford, James Goodking. Amsterdam, Eugène Philalethe. Heidelberg, Neopolo Palatino. Fleurus, Valdekin Bien-Battu. Dublin, le Vieux Belle-Montagne. Whitehall, la Veuve Guillemot. Hermstat, Emerik Hospodar. Bude, Leopol la Dupe, au Levrier qui chasse deux lièvres. Bruxelles, Jean Gobbin. Anvers, Antoine Maugouverne, ruë des Innocents. La Haye, Guillaume l'Emballeur, ruë du Renard, aux ours bridez. Honslardiik, Guillemin Tabouret, ruë des Electeurs, aux Bien-Assis. Monts, Guillaume Le Chasseur, ruë des Sept Dormans, au Coq qui les réveille. Turin, Jean Sans Terre, ruë Mauconseil, au Grand Soleil d'Eté. Liège, Lambert Bonnefois, ruë de la Grillade, au Revoir. Asnières, Jean le Singe, ruë Galande, au Gros Mercure. Venise, Penetrante Penetranti, sur la Place S. Marc, à la Fine Doublure. Gerpines, Guillaume Desloge, sur le Quay des Morfondus, au Pistolet qui prend un Rat. Loo, Guillaume Pié-de-Nez, ruë Perduë, au Bien Revenu. Lisbonne, Pedre l'Endormy, ruë de la Quenoüille, à l'Orange du Portugal. Strasbourg, Henry le Conquérant, ruë des Lauriers, à la Victoire». Ces noms de lieux de publication sont faux, et les noms d'imprimeurs avec leurs adresses, fictifs. L'ensemble fut publié à Paris, et diffusé chez Martin et George Jouvenel, Claude Mazuel, la veuve de P. Bouillerot, le relieur Michel Pasdeloup, Jean-Baptiste Langlois. Mazuel en a dû être au moins l'un des imprimeurs sinon l'unique. Ces dialogues se vendaient non seulement chez les libraires, imprimeurs et relieur nommés plus haut, mais au domicile de Le Noble, successivement rue de Tournon face à l'Hôtel des Ambassadeurs extraordinaires et rue Poupée face à la rue des Poitevins, puis dans sa chambre de prison au Châtelet; enfin, elles étaient vendues par les colporteurs. Le tirage n'en est pas exactement connu. Mais le 6 novembre 1691, on trouve chez Pasdeloup 4000 exemplaires du Prothée qui vient de paraître. Les pasquinades se vendaient brochées en blanc, en papier marbré, ou reliées. De bonne heure, on les a groupées six par six et vendues reliées comme en témoigne la liste imprimée à la fin du 20e dialogue des Travaux d'Hercule. Si l'on en croit une révélation de Jouvenel à la police, selon laquelle le prince de Condé lui aurait confié une série complète de Pierre de touche politique à relier, un certain nombre de particuliers dut dès lors songer à conserver des collections complètes de pasquinades risquant de disparaître trop vite. Les contrefaçons furent nombreuses: à Paris, à Rouen chez Jean Du Mesnil et bien d'autres confrères qui lui disputèrent leur part de gâteau, à Orléans chez Bordes, à Châlons chez Claude Bouchart, à Reims, à Lyon, à Compiègne, à Soissons et à Troyes chez Louis Blanchard ou Edme Prevost.. 5] Collaborateurs Eustache LE NOBLE. 6] Contenu Contenu annoncé: Lucien est invoqué comme l'inspirateur des pasquinades, pour sa science, son sel satirique, ses dialogues. Le Noble affirme son désir de «vraie Religion» et de «justice», et sous «le voile d'un badinage plaisant» décide de dévoiler les «secrets de la plus profonde politique du siècle». La métaphore, empruntée à l'alchimie, de La Pierre de touche indique que la pasquinade apprendra à démêler «le faible et le solide» de la politique, tout comme la pureté et la fausseté de l'or (Préface de La Bibliothèque). Contenu réel: point de vue français sur les événements de la guerre de la Ligue d'Augsbourg, parfois en opposition violente avec celui du Mercure historique et politique de Courtilz de Sandras. Principal centre d'intérêt: c'est un mélange curieux de procédés rhétoriques (allégories, métaphores, descriptions, etc.) à couleur satirique, et d'érudition historique et politique. Dès le début du 7e numéro, une fable est insérée dans le dialogue, parfois deux. La morale «populaire» et goguenarde se mêle à la haute politique, et Esope se joint à Lucien comme une autre figure emblématique des pasquinades. Hormis Pasquin et Marforio, Le Noble après Fontenelle, fait dialoguer des morts (Schomberg, le duc Charles V de Lorraine), des dieux (Neptune, Protée), des gazettes rivales (Le Mercure galant et Le Mercure historique et politique), des fleuves (la Meuse et la Sambre), ou des villes (La Haye). Une histoire métallique s'ébauche même dans les Dialogues 23, 25 et 26. Auteurs et œuvres mentionnés: La Bibliothèque du roy Guillemot s'inspire de la description de la «librairie de S. Victor» du Pantagruel de Rabelais. Les Mercures rivaux sont évoqués (Dialogues 14, 16, 22), La Fontaine (7), les auteurs de nouvelles historiques, «pensionnaires de Barbin» (6), Machiavel et Nostradamus (24), etc. A partir du 13e dialogue, on trouve une table des «pasquins» déjà parus. 7] Exemplaires B.N., 8º Lc2 53 A (6 à 17); – 8º Lc2 53 B (6, 7, 9, 14, 19, 20); – 8º Lc2 53 (complet); – Ye 13305 (Extraordinaire seul); Ars., 8º H 8402 (complet + Ombres de Turenne); – Rf 5320 (6 à 28); – 8º H 7537 (Turenne); – GD 15238 et 15239 (9); – D 9046 et 9047 (8); – GD 7562 (12), 13875 (11), 21702 et 21703 (7), 23484 (15), 23681 (14); Maz., 42538 (8 à 14), 51504 (complet + Ombres de Turenne); – 57319 (6 à 17); Sorbonne, HMg 26 (6 à 28); – HMg 27 (6 à 28 + Ombres de Turenne); B.M. Toulouse, P 13518 (complet + Ombres de Turenne) ; B.U. Toulouse, 60480 (6 et 7); B.L., 8050 c 20 (complet); – 8500 aaa 18 (complet); – 1073 c 29-35 (complet); – 8050 c 25 (Ombres de Turenne). U.S.A., U.S. Lib. of Congress, Columbia (complet); Newberry Lib., Chicago; Un. of Colorado, Boulder; New York Public Library; Folger Shakespeare Library, Columbia; Un. of Washington, Seattle; Un. of Wisconsin, Madison; Princeton University, Princeton (Fable du Baudet). Exemplaires rares: B.N., 8º Lc2 53 B (nº 9 chez Claude Bouchart à Châlons); Maz., 57319 (10-11-12 chez Jean Du Mesnil à Rouen). 8] Bibliographie H.P.L.P., t. I, p. 187-192. Réédition: Œuvres de M. Le Noble, Paris, Ribou, 1718; La Haye, Pierre du Marteau, 1718 et 1726, t. VII, VIII et IX (à La Haye, Pierre l'Attentif, 1690, 1691, 1692: trace d'une réédition hollandaise disparue?). Une étude de bibliographie matérielle serait à faire. Sur la collection complète on a compté au moins deux ou trois exemplaires différents pour chaque dialogue. Mentions dans les ouvrages du temps: Le Mercure historique et politique, mars 1691, t. X; oct. 1691, t. XI. Pierre Bayle, lettre LXXXIX à Minutoli, Rotterdam, févr. 1691, lettre CI à Minutoli, Rotterdam, 3 déc. 1691. Donneau de Visé, Affaires du temps, XIIIe partie. Entretiens entre Marphorio et Pasquin sur les Affaires d'Italie, (15 mai) 1692. Eustache Le Noble, Contes et Fables, Paris, Michel Brunet, 1697 (Préface). Sources, articles et monographies: B.N., mss. 21744 et 21814. – Martin H.-J., Un polémiste sous Louis XIV: Eustache Le Noble (1643-1711). Thèse de l'Ecole des Chartes 1946, dact. Historique A partir de janvier 1690, les dialogues paraissent régulièrement. La numérotation à partir de 6 intègre après coup ceux des années 1688 et 1689 dans La Pierre de touche politique. L'arrestation et l'emprisonnement de Le Noble n'arrêteront pas cette publication. Mais par ailleurs, Le Noble devra lutter contre les nombreux contrefacteurs, sans doute encouragés par l'absence de privilège royal et peut-être aussi par un consentement tacite de sa part. Pour ce faire, il utilisera divers moyens de signaler l'authenticité de ses exemplaires: paraphe autographe, vignette à la tortue, avis signalant son logement comme lieu de diffusion des pasquinades. Il devra aussi rejeter de ses œuvres des dialogues qui lui sont attribués: Les Thrones chancelants et Le Roy de la Fève (1690). Enfin, dans le 18e numéro, paraît l'annonce de Lettres patentes à Pareatis du Grand Sceau, du 27 novembre 1690, autorisant Le Noble à faire saisir toute contrefaçon de ses libelles. En même temps, ceux-ci comporteront désormais des «taille-douces» comme signe d'authenticité. On peut douter de l'efficacité de ces mesures, ce qui prouve le succès incontestable de La Pierre de touche politique, également répandue à l'étranger, notamment à Rouen où les librairies s'en disputèrent la vente exclusive, en Hollande où les autorités tâchèrent d'en empêcher la diffusion (Les Estrennes d'Esope furent brûlées par le bourreau à Amsterdam, le libraire contrefacteur et son fournisseur condamnés à l'amende), à Lisbonne, où les pasquinades parviennent entre les mains du nonce et de l'ambassadeur français. A noter également une traduction anglaise par F.M.: A touch-Stone for the Campaign of the year 1691, London, J. Walthoe, 1692. Un chapelain de l'évêque de Durham fut d'ailleurs mis au pilori pour avoir traduit en anglais Le Couronnement (Fable du Renard, p. 40). Et c'est sur la plainte de l'ambassadeur du Portugal à Paris que fut arrêtée la publication de ces dialogues: Le Prothée contenait des brocards contre le roi Don Pedre «endormi dans les bras de son épouse, nouvel Hercule enchanté par Omphale...». Les 6 et 7 novembre 1691, le commissaire Delamare faisait irruption chez Jouvenel, Pasdeloup, Mazuel, la veuve Bouillerot, Langlois et dans la chambre de prison de Le Noble, pour y saisir force pasquinades et autres ouvrages de l'écrivain. Est-il vrai, selon Langlois, que Le Noble lui aurait donné 2000 exemplaires des Ombres de Turenne et de Montecuculli, et en aurait envoyé 1065 en province? L'attribution à Le Noble de ce dialogue, parfois relié avec les autres, reste à prouver. L'ensemble, en tout cas, après divers transferts, était mis au pilon le 7 juillet 1692. On saisit mal, dans toute cette affaire, l'attitude du gouvernement vis-à-vis de son polémiste, et les appuis particuliers dont celui-ci a profité. Reste que La Pierre de touche politique constitue une création originale où Le Noble s'est exalté et a donné le meilleur de lui-même. Et il le savait. Philippe HOURCADE
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