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Dictionnaire des journaux 1600-1789, sous la direction de Jean Sgard, Paris, Universitas, 1991: notice 1053 NOUVELLES ORDINAIRES DE LONDRES (1650-1663?) 1] Titres Nouvelles ordinaires de Londres, du jeudi... au jeudi... nouveau stile. Ce périodique est parfois donné à tort comme la continuation du Mercure anglois (une note manuscrite dans l'exemplaire du Mercure anglois de la B.L. t. I, p. 1, indique sous le titre du journal: «from the 7 june 1646 untill the 20 jan. stilo novo 1661»; comme le Mercure se termine fin 1648 il ne peut s'agir, pour la suite, que des N.O.L). 2] Dates 21 juillet 1650 - 12 août 1660. 3 volumes (coll. de B.M. Grenoble), et un numéro de 1663, nº 567 (Public Record Office, Londres). Hebdomadaire, 52 livraisons par an, un volume tous les 3 ou 4 ans. 3] Description Trois tomes paginés de suite, en tout 2132 p. et 529 numéros. T. 1: p. 1-768, nº1-196 (jusqu'au 2 avril 1654); t. 2: p. 769-1422 (644 p.), nº 197-354 (jusqu'au 15 mars 1657); t. 3: p. 1423-2131 (710 p.) (jusqu'au 12 août 1660), nº 354-529. Cahiers de 4 p. in-8º, 140 x 200. 4] Publication «Londres, par Guillaume du Gard. Par authorité. Et se vendent par Nicolas Bourne à la Porte méridionale de la Vieille Bourse. Par François Tryton, à l'enseigne des 3 poignards proche de la porte du Temple, et par Marie Constable à l'enseigne de la clé dans la salle de Westminster». A partir du nº 526, ce n'est plus Guillaume du Gard, mais J. Macock et Jeanne Bourne. Correspondant à La Haye dès le nº 44 (1651): Jean Veely, libraire à La Haye, à l'enseigne des Chroniques de Hollande. Nº 567, de 1663, imprimeur indiqué: J. Brown à La Haye. Une contrefaçon est signalée p. 176, faite par un libraire de La Haye. Le rédacteur proteste et indique que la vraie édition se distribue à La Haye chez J. Veely. 5] Collaborateurs L'imprimeur est Guillaume DU GARD (ou William Dugard) (1605-1662), qui semble avoir été aussi le rédacteur. C'est un descendant de huguenots, mais né en Angleterre, diplômé de Cambridge et directeur d'école. Il a le titre de «printer of the Council of State», pendant la durée des N.O.L. Son amitié avec Milton amène la plupart des historiens (Ascoli, Bastide, Williams, Frank) à attribuer à Milton une part importante dans ce journal, et, à travers lui, aux visées et au contrôle du Conseil d'Etat. Le numéro 526 est le dernier de Du Gard, mais le successeur, sans doute un réfugié français car il se dit «né au delà de la mer», ne semble pas avoir été longtemps rédacteur. Macock est seulement l'imprimeur. Williams qui, seul, a consulté le numéro de 1663, parle d'une interruption de deux ans, ce qui est vraisemblable puisqu'en 1660 on en est au nº 529 et que trois ans plus tard, en 1663, ne sont parus que 40 numéros d'un hebdomadaire. Il pense que le journal s'est interrompu pour raisons politiques: «l'imprimeur de ce nº 567 est Brown, le fameux «imprimeur royaliste de La Haye, revenu à Londres avec son partenaire français Jean de l'Ecluse» (op. cit., p. 137). 6] Contenu Intentions: «Les belles actions» fournies par la guerre d'Ecosse, d'Irlande, du Portugal, en Angleterre. «J'ai cru, dit le rédacteur au nº 1, que je ne ferais pas chose désagréable aux Nations étrangères de leur faire part en une langue qui s'étend et s'entend par toute l'Europe de ce qui se passerait de signalé et de remarquable». Bulletins de nouvelles d'Angleterre et des pays avec lesquels elle est en relation: Hollande, France, Amérique, Portugal, Suède, Italie. Contenu: nouvelles de la République, résolutions, ordonnances du Parlement, nouvelles religieuses: prédicateurs, sermons, délibérations des commissions religieuses, les Quakers, nouvelles des protestants à l'étranger, les persécutions en France (p. 1057), Eglises françaises de Londres (p. 668 et 728); nouvelles commerciales, traités avec les puissances étrangères, mouvements des navires, les pirates. Le centre d'intérêt est la politique de la nouvelle République d'Angleterre, le personnage de Cromwell, et les relations avec les autres pays, ainsi que la politique religieuse. Milton apparaît mais uniquement à travers ses livres et dans la controverse avec Saumaise. On trouve un peu de publicité pour des livres à prendre chez Bourne. 7] Exemplaires B.M. Grenoble, F 18913 Rés.; B.N., Nd 83; B.L., PP 3398 (l'année 1654). 8] Bibliographie Hatin, B.H.C. – Alger J.G., «A French Newspaper in London 1650-1658», Notes and Queries, 8 avril 1896. – Ascoli, La Grande-Bretagne devant l'opinion française au XVIIe siècle, Paris, 1927. – Bastide Ch., Anglais et Français du XVIIe siècle, Alcan, 1912. – Frank J., The Beginning of the English newspapers 1620-1660, Harvard University Press, 1961. – Fraser P., The Intelligence of the secretaries of State and their monopoly of licensed news (1660-1688), 1956. – Handover P.M., History of the «London Gazette», 1965. – Knatchel A., The Impact of the English Civil War and Revolution in France, 1967. – Williams J.B., History of English journalism to the foundation of the «Gazette», London, 1908. Historique A la fin de 1648 le Mercure anglais, première gazette française de Londres, disparaît. Dans l'intervalle confus où s'installe le gouvernement de la République, peu de journaux ont persisté. Mais en juin 1650 un nouvel hebdomadaire en français, Nouvelles ordinaires de Londres, paraît avec le même format, la même présentation (du jeudi... au jeudi...), la même typographie (fort inégale et déficiente), le même imprimeur: Robert White, le même distributeur: Nicholas Bourne, la même adresse. Le journal apparaît donc comme la continuation ou, du moins, la renaissance d'une entreprise semblable et il bénéficiera d'un public toujours en place et d'une expérience antérieure, qui lui assureront une meilleure réussite, qu'attestent sa durée et sa régularité, pendant dix ans, et le fait que, alors que le Mercure anglais est inconnu en France, on trouve deux importantes collections des Nouvelles ordinaires de Londres à la B.N. et à la B.M. de Grenoble. Si l'on n'en trouve en Angleterre que très peu d'exemplaires, cela ne signifie pas forcément qu'il n'y fut pas répandu, mais ce journal était davantage conçu pour l'exportation, et eut très vite un correspondant à La Haye. A partir de 1660, l'existence des N.O.L. devient beaucoup plus chaotique et plus obscure. Les nº 520 à 525 relatent les fêtes, les proclamations, les solennités qui marquent le retour de la monarchie, ainsi que les détails de l'épuration. La narration reste neutre, sans commentaire, se bornant aux faits. Mais entre le nº 525 et le suivant, trois semaines s'écoulent. Le nº 526 (24 juin - 15 juil.) explique le retard: «Nous avons été obligés les deux dernières semaines d'interrompre le cours ordinaire de nos relations par le caprice et la mauvaise humeur de l'imprimeur» (p. 3117), mais seule la mention de la dernière page où le nom de J. Macock est substitué à celui de Du Gard et celui de Jeanne Bourne à celui de N. Bourne, apprend aux lecteurs que le journal a changé de mains. Les deux numéros suivants ont du retard et annoncent encore des difficultés, puis la publication semble suspendue. Parmi les historiens, seul Williams nous apporte quelque renseignement sur la suite de l'histoire des N.O.L., que tous les autres historiens ont enterrées bien avant, sur la foi des collections incomplètes qu'ils ont consultées. Le seul numéro de 1663 qu'il a trouvé au P.R.O. prouve la survie de cette gazette, autant que son virage politique. Mais il faudrait retrouver d'autres numéros, sinon au-delà, du moins en-deçà: les quarante numéros qui parurent entre le 528 et le 567. Hatin signale une publication régulière jusqu'en 1668, date que nous préférons ne pas retenir pour le moment, n'ayant trouvé aucune confirmation, ni numéro des N.O.L. entre 1663 et 1668 (B.H.C., p. 90). L'histoire des N.O.L. est très directement liée à celle de son imprimeur-rédacteur entre 1650 et 1660, et aux luttes politiques, aux changements de gouvernements, dans cette décennie capitale et mouvementée de l'histoire d'Angleterre. En 1650 Guillaume Du Gard descendant de huguenots, fils d'un ministre anglican, diplômé de Cambridge et pédagogue, était en charge d'une école depuis 6 ans, et il avait aussi une presse, d'abord à usage scolaire. En 1649 il imprima la première édition de Eikon basilike (défense de Charles Ier) et aussi l'ouvrage de Saumaise: Defensio regia. Cette prise de position royaliste en pleine révolution lui valut d'être arrêté, ses presses saisies et ce fut l'intervention de Milton qui le sauva, et même le convertit à la cause de Cromwell. Il fut rétabli dans ses biens et même nommé «imprimeur du Protecteur» (His highnes the Lord Protector's printer). Il reprit son impression de livres scolaires, et imprima aussi le livre de Milton: Eikonoklastes, réponse à Saumaise (pour sa biographie, cf. H.R. Plomer: Dictionary of Booksellers and Printers in London, 1641-1667, Oxford 1907). L'historien J.B. Williams, suivi par Bastide, Ascoli et Frank, pense que ce fut sur l'ordre du gouvernement, et pour se dédouaner de ses sympathies royalistes, qu'il commença à publier les N.O.L., et que Milton y eut une part importante, ce qui reste à prouver. Nous avons relevé quatre courts passages où apparaît le nom de Milton (nº 30, 34, 125 et 198) qui sont en fait des annonces pour les livres de Milton dans sa controverse avec Saumaise. J. Frank déclare: «N.O.L. were the Common Wealth version of the Mercure Anglois, as safe and dull, but a bit more professionnal». D'une gazette à l'autre, malgré le changement de gouvernement il y a une continuité certaine. Le M.A. était déjà proparlementaire avec une double visée, politique et religieuse, qui est reprise par les N.O.L., parce que, sans doute, le public est resté le même. Mais sous le Common Wealth, le régime de la presse est beaucoup plus contrôlé, et le périodique de Du Gard, imprimeur officiel, ami de Milton, ne peut diffuser que des nouvelles officielles. Ce qu'il semble avoir fait avec conscience et régularité, évitant les interpellations qui ont jalonné l'existence du M.A. L'analyse du contenu a été très soigneusement faite par Bastide. Il relève les sentiments favorables à Cromwell, l'importance des nouvelles commerciales, l'intérêt pour les questions religieuses, et le ton, en général fort neutre. Mais quelle est la part du rédacteur et se borne-t-il à traduire? Nous avons étudié synoptiquement les N.O.L. et le Mercurius Politicus (pour l'année 1654, car c'est la seule période où la B.L. possède une collection des N.O.L.). Le M.P. paraissait le même jour chez le même éditeur. La disposition des nouvelles est tout à fait différente et nous n'avons pas trouvé de paragraphe traduit quand il s'agissait des mêmes nouvelles. Cela infirme l'opinion de M.P. Handover disant que Nedham, le rédacteur du M.P. avait donné avant la Gazette de Londres un bulletin de nouvelles traduit en français (p. 5, «Nedham's Politicus had similarly appeared in a French version»). Il est néanmoins certain que, comme le souligne Frank, sans l'appui de Nedham, le grand et de 1655 à 1660, pratiquement le seul journaliste du Common Wealth, le journal de Du Gard n'aurait pas pu paraître régulièrement et se maintenir pendant dix ans. Certain aussi que l'abandon de Du Gard en 1660 («son caprice et sa mauvaise humeur», N.O.L., nº 525, p. 3117) est l'expression d'une crise intérieure. Déjà en 1649, Du Gard avait retourné sa veste; une second volte-face politique semble difficile. Alger se demande si le journal était subventionné? Nous n'avons pas de réponse à ce sujet, mais il est évident que la question se pose, liée à celle de la circulation et de la réception de ce journal destiné à l'exportation et à la propagande. Knatchel démontre que la cause qu'il servait, surtout dans le contexte diplomatique du début de la décennie était compromise, et il ne dut pas être fort bien reçu en France ni par le gouvernement, ni par les huguenots. L'histoire de cette réception reste à faire. Frank dit «certainly Cardinal Mazarin one of its irregular readers had better sources of information» (p. 210). Il n'indique pas d'où il tire que Mazarin ait lu le périodique «irrégulièrement». La supposition est plausible, mais à vérifier. Mazarin (cf. Knatchel) suivait de très près la politique de Cromwell et pouvait préférer lire en français les nouvelles anglaises. Comment, enfin, les N.O.L. circulaient-elles? On peut supposer un transit important par la Hollande. L'apparition d'une contrefaçon à La Haye dès 1651 prouve un certain succès car on ne contrefait pas, généralement, un ouvrage qui ne se vend pas. Une recherche serait à faire dans les bibliothèques hollandaises, qui permettrait peut-être d'éclairer l'existence du périodique après le retrait de Du Gard. Il resterait à faire encore une recherche historique sur la base d'une étude attentive du texte et d'une comparaison systématique et approfondie avec la presse anglaise du temps, qui permettrait de mieux comprendre et la portée diplomatique du périodique et la relation du rédacteur avec le pouvoir. Madeleine FABRE
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